La boîte de Pandore

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– Tu peux répéter tout ça encore une fois ?

Livaïa ôta ses lunettes et les nettoya du bout de son chiffon crasseux qu'elle n'avait pas quitté.
De larges cercles grisâtres s'étalèrent en anneaux concentriques sur les verres pendant que Syrah reprenait en détail sa transe et le retour de l'ombre.

Quand elle eut fini son récit, Livaïa remit ses lunettes, mais les retira aussitôt devant le film opaque qui se répandait à présent dessus. Elle les posa sur une tablette de lave avec agacement.

– Montre-moi cette marque !

Livaïa fit volteface et se dirigea vers la porte de son sanctuaire. Elle l'ouvrit à la volée et percuta en plein visage une jeune garde qui se trouvait derrière.

Syrah reconnut la prêtresse guerrière qu'elle avait elle-même blessée quelques heures plus tôt.

Livaïa la regarda d'un air sévère :

– Cléaïa ! Par l'armée de Gaïa, que faisais-tu derrière cette porte ? Tu ne me fais pas confiance pour protéger la porteuse d'âmes ? File réparer cela auprès de Gildia immédiatement ! Si je croise la moindre goutte de sang dans ma bibliothèque, tu auras affaire à moi !

Les larmes aux yeux et le nez en sang la jeune fille recula. Sa voix nasillarde leur parvint étouffée par sa main en bandeau devant sa figure :

– Bien prêtresse Livaïa ! Excusez-moi... les ordres...

Elle tituba vers une colonne avant de s'affaler de tout son long sur le sol de lave, victime d'un malaise.

Plusieurs autres prêtres-soldats vinrent à son secours.

Syrah sentit une pointe de pitié pour la jeune fille : ce n'était décidément pas son jour.
Livaïa, elle, ne montrait pas la même compassion : son pied battait la pierre d'un geste impatient tandis que son visage restait d'une immobilité presque surnaturelle. Seul son regard était expressif : elle réussissait ainsi l'exploit de toiser les prêtres-soldats alors qu'elle n'arrivait qu'à l'épaule de la majorité d'entre eux.

Tous s'alignèrent d'ailleurs rapidement devant elle, sauf la jeune prêtresse évanouie, et baissèrent les yeux comme des enfants pris en faute.

Livaïa les fixa quelques instants supplémentaires toujours sans un son, puis, une fois qu'elle les jugea suffisamment mal à l'aise, elle parla :

– Il semble que les temps aient bien changé ici-bas. Hier encore j'ai pourtant prouvé mon aptitude à protéger ce qui m'avait été confié. Cependant, ce matin je constate que l'on ne me croit plus capable de cette élémentaire mission...

Un silence sans cesse plus pesant s'étira...
Finalement, un prêtre-soldat d'une trentaine d'années, large comme une armoire, s'avança d'un pas. Il dépassait la bibliothécaire de quarante bons centimètres, mais semblait se tasser sous son regard impérieux. Il parla d'une voix qui devait être grave et autoritaire le reste du temps, mais qui était pour l'instant aussi basse qu'un murmure :

– Prêtresse Livaïa, nul ne doute que votre courage n'a d'égale que votre érudition, mais l'attaque de la veille nous oblige à...

– Suffis, prêtre-instructeur !
La voix de Livaïa avait, elle, raisonné claire et fort.
– Je n'ai que faire de vos ordres ! Évacuez la cathédrale immédiatement ! La porteuse d'âmes et moi allons nous recueillir devant le bassin matriciel pour remercier Gaïa d'avoir sauvé le véloce. Votre compagnie nous distrairait dans nos prières. Je réponds de sa sécurité sur ma vie.

Les prêtres-soldats ne bougèrent pas de leur ligne impeccable : il guettait la réaction de leur instructeur.

Celui-ci semblait plongé dans un douloureux dilemme moral.

Symbiose - Les parangons Où les histoires vivent. Découvrez maintenant