Marcus

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Les fluides mélangés, les odeurs et les sons emplissent la petite salle. Cette salle où je me suis livrée à nouveau aux plaisirs de la luxure. Je me suis senti comme libéré en dégustant à nouveau à ces effluves qui avaient un goût de péché. Je m'en suis léché les babines. Jusqu'à l'aurore ces corps mis à ma disposition m'ont redonné vie. Ils ont su me rappeler qui je suis. C'est donc avec détermination que je vais vers l'Autel pour entendre les confessions de mon cher neveu.

Revêtu d'une simple cape noire dévoilant mon torse nu et d'un pantalon noir, un fouet à la main, je prends place sur mon trône. L'Autel est un lieu où les traîtres sont jugés et punis. Le présumé traître est agenouillé sur un énorme cube en pierre en position suppliante devant une assistance composée de démons plus ou moins puissants, de sorcières, d'anges déchus, etc. Je ne juge pas toutes les affaires, que les plus importantes, celle qui peuvent mettre en périls l'équilibre des Enfers et/ou me touche de près.

Une fois le calme conquit, la cérémonie commence.

- Lullaby, fils de Lauviah et de Samaël, peux-tu nous énoncer les raisons pour lesquelles es-tu prosterné ici aujourd'hui ? interroge un démon de catégorie supérieur.

- C'est avec plaisir que je révélerai ces raisons, dit Lullaby un sourire dans la voix tout en baissant un peu plus sa tête. Vous savez, s'exclame-t-il en relevant sa tête, l'amour nous donne la force de faire certaines choses que nous nous pensons incapable d'accomplir. Des choses que nous jugeons excessives mais que pourtant, une fois frapper par la flèche de ce maudit Cupidon, nous sommes prêts à exécuter sans remord. Voilà ce qui a motivé mes actes. Maintenant que vous avez pris connaissance de cette information capitale, je peux entamer mon récit. Comme vous le savez tous, mon oncle et moi étions pratiquement inséparable du temps où il était au palais. Il était et est celui pour qui j'aurais tout fait, tout donné jusqu'à mon souffle. Pourtant lorsqu'un beau jour en me réveillant, je n'ai senti que la fraîcheur des draps et constaté le vide du lit, j'en étais étonné. J'ai alors tenté de me raisonner en me répétant qu'il allait revenir, qu'il avait une affaire urgente c'est pour cela qu'il ne m'a pas prévenu de son départ précipité. Que d'illusions ! Les jours se sont écoulés. Les mois se sont terminés. Toujours aucun signe. Isolé au milieu des dunes dans l'attente d'un signe, alors dans un élan de désespoir, je l'ai contacté. Vous allez rire de la réponse que j'ai reçue. Il m'a dit qu'il en avait marre de jouer un rôle. Ce qui m'a blessé plus que son départ. Je l'aimais, j'aurais tout accepté de lui. J'aurais tout pris de lui. Peu importe ce qu'il aurait voulu être. Il était la seule personne à m'accorder un peu d'attention et de tendresse. La seule personne à ne pas voir en moi un monstre. Je le considérais comme un père, une mère, un frère, un ami mais surtout un amant. Il résumait tout ce que je voulais et tout ce que j'avais. Apparemment, il n'y avait que moi qui voyait les choses dans cette optique. Vous pouvez rire, clamez que je suis pathétique. Mais je l'assume je l'ai aimé et je l'aime. L'amour nous rend faible, il dit cette phrase en cadenassant nos regards. Alors j'ai emprunté un portail pour me rendre sur terre pour voir le nouveau Lucifer. Je l'ai suivi en camouflant mon odeur. J'étais son ombre. Je l'ai vu travailler dans un gang. Je l'ai vu traquer un homme. Un homme qui plus tard deviendra la source de mes pires maux, car Lucifer- qui à ce moment-là se nommait Marcus- s'était entiché de ce même homme dont il avait pour mission de capturer et de le ramener aux mains du chef du gang. Nous connaissons, vous et moi, notre Maître, aucune occasion n'est à négliger. Telle est la règle. Lorsque dans un acte désespéré le chef du gang a mis fin à ses jours, Marcus est sorti de l'ombre et s'est approché de l'homme -de son prénom Dylan- pour lui proposer un marché. Ce marché a été comme un boomerang. Il a coûté autant au Maître, à Dylan et à moi-même. Enfin pour moi cela a été bien plus tard, mais pour notre maître cela n'a pas tardé. Les répercussions n'ont pas tardé à se voir. Le marché était de bannir les sentiments de la vie de Dylan mais le problème est que mon bien-aimé que voici voulait savoir ce que c'était de vivre normalement. Il ne voulait plus de ce titre démoniaque, de ce trône sur lequel il nous surplombe aujourd'hui. Il voulait de la normalité pourtant nous savons très bien que si nous n'étions pas des habitants de l'Enfer nous ne pourrions tenir le rythme de vie que nous avons lorsque nous sommes sur terre. Et cela est de même pour le maître. Il voulait accéder à l'impossible. Il voulait la normalité mais son rythme de vie n'avait rien de ce qu'il avait imaginé en se liant avec Dylan. Club, putes, drogue, sang, argent : c'est ceux à quoi se résumer ses journées. Est-ce là le train de vie d'un humain normale ? Si seulement cela c'était arrêté à là. Mais non, Il était comme fou. Il était perdu dans les différentes émotions qu'il ressentait. Je le voyais se noyer. Cela me brisait le cœur car d'une part il était dans une position vulnérable alors qu'il est le seigneur des Enfers et du royaume des morts ; d'autre part il n'a jamais été et ne sera dans cet état-là pour moi. J'ai essayé de comprendre ce que Dylan possédait de plus que moi. J'ai examiné tous ces faits et gestes, mais je me percutais sans cesse face à l'incompréhension. Je me suis alors mêlé à l'histoire. Je me suis introduit comme un cheveu dans la soupe. J'ai pris l'apparence d'une femme. J'ai joué des opportunités que m'apportaient leurs disputes. Te souviens-tu de la salle contenant les instruments mon oncle ? Son regard se joint à nouveau au mien. L'assemblée est attentive à ses propos. Tous n'en croient pas. La description de l'être qu'il décrit ne peut me correspondre d'après les expressions d'incrédulité sur les visages. Par je ne sais quel moyen en pénétrant dans cette salle, Dylan avait repris possession de ses sentiments. Cela a été la descente aux enfers, excusez le jeu de mots mais c'est l'expression qui convient au mieux à cet événement. En quittant cette fameuse salle Dylan était terrifié à la vue de mon oncle et cela était inconcevable par Marcus que son protégé ait peur de lui lorsqu'il est en pleine possession de ses émotions. Alors les mots plus blessants les uns que les autres ont été balancer. Moi, caché dans un coin de la pièce, vous vous demandez que faisais-je dans un coin de la pièce à cet instant ? En fait j'étais une prostituée qui devait passer la nuit avec Marcus mais bon, après leur dispute il est parti mettre en pièce les instruments. Je me suis mise à couiner pour attirer l'attention de Dylan. Il m'a vu en pleure et m'a parlé mais en plein milieu d'une phrase il s'est arrêté net. Il avait perdu à nouveau ses sentiments. Je suis devenue alors son divertissement. Il prenait soin de moi, me chouchouter. Rien de sexuel. Pendant ce temps-là Marcus avait disparu de la circulation. Dylan était complètement indifférent à cela, ce qui énervait encore plus Lucifer. Ça s'est aggravé lorsque Marcus est revenu et qu'il a constaté l'indifférence de Dylan. Personnellement cela m'amusait. Il restait ce que j'ai ressenti lorsqu'il avait mis les voiles sans me prévenir, sans me laisser une chance. J'ai donc appuyé sur la plaie en restant toujours près de Dylan, en promenant mes mains sur lui, en ronronnant comme un gentil chaton et en l'embrassant. En faisant cela j'influais sur les jugements de celui-ci. Jusqu'à que ça lui coûte la vie. Un poignard me transperce le torse. La mienne aussi d'ailleurs, mais cela n'est pas grave. Je pensais qu'après cet épisode il allait redevenir comme avant. Encore que d'illusions ! Il s'est transformé en zombie. Toujours tapi dans son ombre, il est retourné à sa place, en Enfer. Il s'est mis à se torturer l'esprit. Il s'est mis à culpabiliser. Satan était devenu vulnérable, presque pitoyable. Mais je l'aimais malgré tout. Il a commencé à errer telle une âme en peine. J'ai pris alors l'apparence d'un minet irrésistiblement mignon. Bon j'ai été prise pour cible par des hommes à qui j'ai refusé de me soumettre. L'épisode de la ruelle. Je devais venir séduire Marcus, mais le hasard a fait du bon boulot cette fois-ci. Tu t'es mis à t'occuper de moi, mais je ne pouvais m'empêcher de me poser des questions. Pourquoi il dit l'aimer mais le laisse se faire torturer plus durement que les autres âmes ? Je croyais qu'il interdirait l'accès à sa perle mais non. Alors je suis allé le voir. Mes muscles se tendent instantanément. Il était content de me voir. Mes dents se serrent. Vous l'auriez vu : le visage déformé, des entailles remplissant sa figure, le sang dégoulinant. Il était dans un piteux état. Je me suis présenté à lui sous ma véritable identité. Je lui ai confié mes doutes puis en partant j'ai révélé aux gardes qui s'occupent de son châtiment qu'il t'avait peiné. Je ne l'ai pas revu depuis mais je pense qu'il doit prendre encore plus cher. Voilà les faits.

Je n'ai pas de mots. Je suis perdu et perturbé.

- La séance est levé. Elle reprend demain.

Je regarde une dernière fois en direction de Lullaby. Il a la tête inclinée mais un sourire survit sur ses lèvres. Je serre les poings et quitte l'Autel.

Vie de débauches: Satan n'est qu'un hommeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant