Chap.13

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J'hoche la tête et écoute son récit avec attention. J'apprends beaucoup de choses qui me surprennent. Je savais que Marcus, enfin Lucifer, n'avait rien à voir avec le personnage décrit dans les textes religieux ou dans les mythes, mais l'entendre de sa propre bouche me bouleverse. Je découvre l'homme et le père. Père de sept enfants. J'ai appris aussi que l'Homme l'avait fait paraître comme le Mal parce qu'il prônait le « libre-arbitre ». Il est de ceux qui pensent qu'on a le droit d'aimer qui on veut, de faire ce que l'on souhaite tout cela sans nuire à autrui. Mais l'être humain-ou mortel comme il dit-n'approuve pas ce concept. Je l'écoute me raconter son histoire.

- Excuse-moi, je me suis laissé emporter par mon mépris, lance-t-il.

Puis il finit par aborder le sujet qui fâche. Il explique son envie de mener une vie « normal », plutôt comme le commun des mortels, ses sentiments, Lullaby et son implication, sa culpabilité, sa quête de retrouver à nouveau les sensations que je lui apportais, sa rencontre avec Lullaby, etc. Lorsqu'il finit de me conter son récit, je ne sais quoi dire. J'ai toujours mes yeux plongés dans les siens. Je ne sais comment réagir. Je ne sais quoi ressentir. Je suis secoué par divers émotions et sentiments. Il est là, m'exprimant ses sentiments, son passé et moi, je suis totalement muet. Je le vois chercher dans mes pupilles un indice sur ce que je peux bien ressentir mais peine perdue. Puis...

- Tu sais qu'il y a encore quelques heures, j'étais en train de me faire dépecer et que là, tu me parles comme si de rien ne s'était passé. Comme si tu ne m'avais pas défenestré. Comme si je n'avais pas été torturer pendant je ne sais combien de temps. Je ne peux pas. Tu sais, je ne m'énerverai pas. Je ne t'insulterai pas. Je ne crierai pas. Ça n'en vaut pas la peine. Donc tu comptes faire quoi, me rendre ma liberté ou m'enfermer ici ou encore me renvoyer avec les autres connards ?

Il se lève. Et malheureusement, je ne peux empêcher mes yeux de le suivre. Vous voyez comme on est débile nous, les humains ? On aime ceux qui nous font souffrir. On aime, on adule ceux qui nous détruisent. On aime souffrir. On aime autant qu'on hait. Il interrompt mes réflexions.

- Je te rends ta liberté. Je devais te la rendre depuis le début.

- Comment ça ?

- Tu n'es pas mort de manière naturelle. J'ai un rapport direct avec celle-ci.

Je suis complètement abasourdi. Il m'a laissé pourrir là-bas pendant tout ce temps alors que...

Je me relève lentement. Il est dos à moi, en train d'enfiler une chemise.

- Tu me rends ma vie. Je ne veux plus jamais entendre parler de toi Lucifer. Plus jamais. T'es qu'un putain d'enfoiré de... Oh putain, depuis le début...

Je lance cette phrase entre mes dents serrées. Je boue de rage. Comment a-t-il pu ? Il m'a laissé là-bas par mauvaise foi. Il m'a laissé là-bas juste par jalousie. Il est aussi égoïste que nous, putains de mortels.

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Après cet épisode, j'ai atterri dans une chambre luxueuse. Il m'a donné une nouvelle vie. Une vie où je règne. Il m'a donné une vie que je n'aurais jamais espéré. Je dirige. Je décide. Je mène. Je guide. Je n'ai qu'à ouvrir la bouche pour que la parole devienne action. Je ne sais pas si je dois en être heureux ou non. Malgré tout cela je ne peux m'empêcher de penser à lui. Malgré tout ce qu'il m'a fait. Je ne sais pas si je pourrais un jour cesser de penser. Je ne peux m'arrêter de m'interroger si lui aussi, pense à moi ou s'il m'a oublié. Mais en contrepartie, comme mantra, je me répète sans arrêt, « continue d'avancer ».

Jamais il ne réapparaîtra. J'ignore ce qu'il a fait de Lullaby, mais il n'a plus jamais refait surface à part dans mes songes. 

Fin

Vie de débauches: Satan n'est qu'un hommeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant