Chapitre 5: Curiosity

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Mia 

Je n'y suis pas allée ce soir. 

Je n'en avais pas envie. 
Je n'avais pas envie de perdre mon temps à aller à un de ces rendez-vous inutile avec ma psy. Je n'en ai plus envie. J'en ai marre de perdre mon temps à parler avec cette femme en pensant que ça me fera du bien. En pensant que ça pourra peut être me faire oublier ce qu'il s'est passé. 
 
Comme s'il m'était possible d'oublier la moindre chose de ce qu'il s'est passé.
Quand quelque chose de tel nous tombe dessus, on est détruit. Anéanti. Et peu importe les efforts que nous faisons pour nous en remettre ça nous est impossible. C'est comme si nous reconstruire était devenu surhumain. 
 
Quand quelque chose de si grave nous arrive, on vit avec tout le reste de notre vie, ça nous hante. Ça nous consume petit à petit.
 
Alors pourquoi perdre son temps à essayer d'aller mieux, si on sait déjà que ça ne servira à rien? Pourquoi continuer à faire tout des efforts inutilement? Ça fait maintenant trois ans que je me bats et je n'ai noté aucune amélioration. Alors pourquoi continuer à perdre son temps? 
 
Je préfère largement être là, assise dans ce parc à regarder le beau paysage automnale. Les couleurs de la verdure sont si belles qu'elles arrivent à me faire oublier quelques instants le chaos qui m'entoure. Le chaos dans lequel je vis tous les jours.
 
Le léger vent fouette mon visage rougit par les températures négatives. Le banc sur lequel je suis installée est, lui aussi, glacé ce qui ne m'aide pas à rester au chaud. Mes mains sont emprisonnées dans mes poches et mon visage est recouvert, jusqu'au nez, par mon épaisse écharpe beige. Je peux voir l'herbe ainsi que les feuilles mortes commencer à geler sur le sol et les réverbères se couvrir d'une fine couche de givre. La température doit sûrement être près des moins cinq degrés.  
 
Je sens le froid traverser ma peau, me provoquant un sensation de picotement. Je devrais sans doute partir, et rentrer me mettre au chaud, mais je ne le fais pas. Je me sens trop bien ici pour m'en aller. 
 
Je ferme mes yeux et essaye de penser à quelque chose de positif. Je me laisse rêver d'un monde parfait, où rien de tout cela n'existerait. Où aucune de ces maladies existeraient et où je serais libre de vivre heureuse, comme je l'ai toujours mérité. Dans un monde où le mot "injustice" n'existerait pas et où tout le monde s'apprécierait. 
 
Malheureusement, les contes de fées n'existent pas. 
 
Le fait d'avoir les yeux clos me relaxe et me détend. C'est fou ce que je fatiguée par le quotidien. En fait, je suis exténuée. Je n'arrive jamais à dormir tranquillement. Mes nuits sont toujours entrecoupées par d'horribles cauchemars qui sont alimentés par mon cerveau ravagé.  Et ce manque de sommeil me détruit à petit feu. 
 
Le léger soleil qui réchauffait mon visage disparaît soudainement. J'ouvre rapidement les yeux, surprise, et découvre qu'il n'a pas disparut. Il est seulement caché par une personne. Elle est debout devant moi, faisant barrière entre les rayons du soleil et moi. Cette personne? Le bouclé de la cafétéria. 
 
Que fait-il ici? Que veut-il? Je me lève rapidement alors qu'il me regarde intensément de ses beaux yeux verts. 
 
« Salut, dit-il alors. » 
 
Je le regarde incrédule et méfiante. Pourquoi ce beau gars populaire de dernière année vient parler à une fille comme moi? Une fille sans intérêt et qui plus est, est considérée comme folle. Je le scrute comme pour essayer de déceler ses intentions. Je me mords doucement la lèvre inférieure quand je me rends compte qu'il ne laisse rien paraître. Il est un mur. 
 
La seule chose qu'il fait, c'est me regarder. 
 
Ses beaux yeux émeraude n'ont pas quitté une seule fois mon visage depuis son arrivée. Je sens mon coeur s'accélérer dans ma poitrine tant son regard me met mal à l'aise. Je ne sais pas quoi faire ni quoi dire. Je sens alors comme de petites particules froides tomber sur le peu de ma peau dénudée. Je lève les yeux vers le ciel et m'aperçois qu'il neige. Un fin coton blanc tombe actuellement sur Londres. J'ai toujours adoré la neige. C'est apaisant et ça rend le paysage d'un calme incroyable. 
 
Je baisse les yeux vers le garçon et m'aperçois qu'il me regarde encore. Des flocons de neige recouvrent partiellement ses boucles désordonnées et sa bouche paraît plus rouge que d'habitude. Sûrement à cause du froid. 
 
« J'ai ton livre, déclare-t-il. »
 
Je fronce les sourcils et l'interroge du regard.
 
« Celui que tu avais oublié à la cafétéria. »  
 
Je soupire de soulagement, comprenant enfin de quoi il parle. J'hésite un instant avant de lui demander:
 
« Est-ce que tu l'as avec toi? » 
 
Il me sourit gentiment, creusant ses joues de deux fossettes, puis il hoche la tête. Il ouvre prestement son grand manteau noir et en sort le livre. Il me le tend et je ne perd pas une seconde pour le récupérer. 
 
« Merci beaucoup. Il n'est pas à moi, je ne saurai pas ce que j'aurais fait si je ne l'avais pas récupéré, avouais-je. » 
 
Il rit doucement, me faisant découvrir que sa voix est extrêmement rauque. 
 
« C'est normal, dit il avant de replacer une de ses mèches brune qui tombait sur son visage. Je n'allais pas le laisser là bas. » 
 
Il me regarde encore quelques instants avant de dire:
 
« Je dois y aller, on se voit très bientôt. » 
 
Sur ces mots, il s'éloigne de moi et disparait aussi vite qu'il est apparut. Je soupire et me laisse tomber sur le banc. Mon coeur tambourine tellement rapidement dans ma cage thoracique, que je peux sentir mon sang se propulser dans l'intégralité de mon corps. Je serre fortement le livre contre ma poitrine, me promettant de ne plus jamais la laisser trainer quelque part. Je caresse la couverture râpeuse du livre, contente de l'avoir à nouveau en ma possession. Je ne sais vraiment pas ce que j'aurais fait si je ne l'avais pas récupérer. J'ouvre le bouquin à la première page et y découvre un petit bout de papier plié en deux. Je le déplie et j'y lis un numéro de téléphone suivi de cette phrase:
 
« Si tu as envie de parler, appelle-moi. – H »
 
Je fixe quelques instants les quelques mots, ne comprenant vraiment pas pourquoi ce garçon voudrait que je l'appelle. Je replis le bout de papier et le range soigneusement dans la poche de mon jeans. Je me lève rapidement et quitte les lieux enneigés. 
 
Je sens quelque chose d'étrange en moi. Quelque chose de nouveau. Quelque chose qui peut être néfaste. Quelque chose qui peut donner un nouveau tournant à ma vie : la curiosité. 
 
Ce qui attise cette curiosité? Ce garçon. 
 
"Peut être s'intéresse-t-il a moi..."

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