Chapitre 6: Secret

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Un silence pesant plane dans la salle depuis le début du rendez-vous. Un silence gênant.
L'endroit est si calme qu'on pourrait croire qu'il est totalement vide. Mais ce n'est pas le cas. Cette pièce n'est pas vide puisque je suis là, assise devant cette femme que je ne voulais plus jamais revoir. Cette femme à qui je suis censée me confier et qui est censé m'aider à aller mieux. Cette femme qui est ma psychiatre. 
 
Mais, malgré notre présence dans les locaux, un silence de mort règne, et demeure depuis plusieurs minutes maintenant. 
 
Pas un mot n'est sorti de ma bouche depuis mon arrivée. Je refuse de lui parler de ma vie. Je refuse d'écouter ses conseils inutiles. Je ne veux pas lui donner la possibilité de s'immiscer dans ma vie. 
 
Alors je me suis contentée d'accueillir et d'encaisser toutes les suppositions qu'elle m'infligeait. Elle m'a dit :"arrêter de venir me voir ne ferait qu'empirer la situation et ce n'est certainement pas comme ça que tu iras mieux". 
Mais le fait que je ne lui réponde sous aucun prétexte l'a fait taire. Et c'est tant mieux. Elle doit enfin avoir compris que me parler et me rabâcher les mêmes choses tous les jeudis, ne sert à rien, d'où l'interminable silence. 
 
Je la regarde fixement pour lui faire comprendre que je ne regrette pas de ne pas être pas venue la semaine dernière. Je veux lui montrer que ses reproches ne m'atteignent pas. Je veux lui montrer que je peux être forte et que ce n'est pas parce qu'elle a réussi à mettre mes parents de son côté, qu'elle a gagné.  
 
« Tu ne vas pas parler, pas vrai? questionne-t-elle. » 
 
Je ne réponds pas et ne lui fais aucun signe qui pourrait lui faire comprendre ma réponse. Je ne veux PAS communiquer avec elle. Je peux voir l'exaspération naitre dans ses traits, les tendant légèrement. Ses sourcils sont tellement froncés qu'ils forment presque une ligne continue au dessus de ses yeux verts. Je souris doucement, contente de l'effet qu'à mon comportement sur elle. Vous savez, je ne l'aime vraiment pas. Je la déteste, même. Je déteste toutes ces personnes qui disent pouvoir comprendre ce que je ressens alors que c'est totalement faux. Et elle est une de ces personnes. Je me replace doucement dans le grand fauteuil, dans lequel je suis assise, en veillant à ne pas couper le contact visuel qui nous lie. Je la vois se redresser également avant de croiser ses jambes maigrichonnes. Elle pose doucement ses mains sur ses genoux noueux et s'avance légèrement vers moi.
 
« C'est dommage, je voulais qu'on parle de quelque chose en particulier. » 
 
A ces mots j'entrouvre légèrement ma bouche, confuse. De quoi voudrait-elle qu'on parle? Habituellement c'est moi qui choisi le sujet de conversation. C'est moi qui lui raconte ce que j'ai envie, c'est toujours moi qui mène la danse. Je la questionne du regard et elle me sourit légèrement. Cette fois c'est elle qui est contente de l'effet qu'on ses mots sur moi.
 
« Je me disais qu'on pourrait peut-être parler de Kate, dit-elle calmement. Trop calmement. » 
 
Mon cœur s'arrête soudainement de battre et une boule se créer dans ma gorge. Je me lève précipitamment et me recule, bousculant sur mon passage le fauteuil sur lequel j'étais installée quelques secondes avant. 
 
« Non, non! Je vous interdis de parler d'elle! criais-je, presque. » 
 
Elle se lève à son tour et s'approche doucement du fauteuil pour le remettre à sa place initiale. Elle est si détendue, si paisible. Comment peut-elle être comme ça après ce qu'elle vient de dire? Après ce qu'elle vient de me demander? 
 
« Pourquoi refuses-tu d'en parler Mia? Tu ne penses pas qu'il est temps que tu me racontes ce qu'il s'est passé?
-Non, je ne veux pas! Je ne suis pas prête à parler de ça! » 
 
Je sens mon corps se mettre à trembler. Elle soupire avant de se rasseoir sur son siège. Elle me fixe mais je fuis son regard. Moi qui voulais lui montrer que j'étais forte, c'est réussi! Elle replace tranquillement sa jupe grise de façon à enlever tous les plis qu'il y a dessus et elle croise à nouveau ses jambes. Son impassibilité me détruit. Elle n'avait pas le droit de me demander ça. Elle n'avait pas le droit de parler de ça...
 
« Tu n'es pas encore prête? Mais Mia, ça fait presque trois ans. » 
 
Ma respiration irrégulière et mes lèvres tremblantes prouvent que je ne suis réellement pas prête à parler d'elle. Je ferme mes yeux quelques secondes essayant de me calmer et de retrouver un rythme cardiaque normal. Je laisse un grand soupir se faufiler entre mes lèvres rosées. 
 
« Allez, vient t'assoir, soupira-elle. » 
 
Je ressens soudainement le besoin immédiat de partir. Le besoin de quitter au plus vite cet endroit. J'ai le sentiment d'être oppressée ici, d'être prisonnière. Je tourne ma tête de gauche à droite à la recherche de ma veste. Je l'aperçois posée à coté du fauteuil sur le parquet ciré. Je m'approche rapidement et la récupère avant de me diriger précipitamment vers la grande porte. Je l'ouvre et m'enfuis pour échapper à ce sujet que je me force tous les jours d'oublier. 
 
Ce sujet qui a bouleversé ma vie...

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