Chapitre 15

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« Le Soleil, si éclatant qu'on ne le voit pas »

Jules Renard

J'attendais dans le couloir qu'on me permette de rentrer dans l'infirmerie. Je ne savais pas quoi faire, pas quoi penser. Ça faisait depuis une demi-heure que je ressassais les derniers évènements dans ma tête.
Apparemment, Ajeff aime Priscilla. Sinon il ne l'aurait pas embrassée.

Mais...
Quelle était cette sensation désagréable que j'ai ressenti dans ma poitrine pendant leur baiser ?
Il faut que j'arrête d'y penser. Ce n'est pas important et j'ai d'autres choses à faire. Comme choisir entre aider Ajeff et ne jamais voir le Soleil.

Est-ce que mon rêve en valait vraiment la peine si des gens se sacrifient pour que je puisse le réaliser ?

Walid, que je n'avais jusqu'alors pas remarqué, s'avança vers moi et...
Me mit une claque.

- Mais qu'est-ce qui te prend ?! m'exclamais-je en tenant ma joue endolorie.

- Ne dis plus jamais ça, siffla-t-il.

- De quoi ?

- Que tu devrais laisser tomber ton rêve.

- Oh... j'ai pensé tout haut ?

Je n'obtins qu'un regard glacial de sa part.

- Tu sais... je ne veux pas que des personnes souffre juste parce que j'ai la prétention de vouloir réaliser un rêve idiot.

Il soupira et se massa les tempes.

- Il faut que je te redonne une claque pour te remettre les idées en place ?

J'eus un mouvement de recul mais n'eut pas le temps de protester car la porte s'ouvrit.

- Mademoiselle Priscilla s'est réveillée, vous pouvez venir la voir, un par un, dit une infirmière.

Walid me fit un petit sourire et me poussa légèrement vers l'infirmerie. Je continuai d'avancer comme un automate. L'infirmière me fit un petit sourire froid et referma la porte dès que je fus entrée dans la pièce blanche.


Priscilla était allongée sur le lit de l'infirmerie, l'ai léfèrement énervée. Elle grogna lorsque l'infirmière s'approcha pour lui donner un verre d'eau.

- Grrrr... je suis pas en sucre. Pas besoin de s'occuper de moi...

- On sait jamais. Ajeff t'a comme même assommée.

Elle bouda un peu puis reprit son sérieux.

- Alors comme ça, tu veux abandonner ton rêve.

- C-c-comment tu sais ça ?

- J'ai entendu Walid hurler sur toi tout à l'heure. Pourquoi tu baisses les bras ?

- J-je... j'ai plus le courage... je ne sais plus qui croire, en qui avoir confiance.

- Moi je sais en qui tu peux avoir confiance. Mais tu ne penses pas assez souvent à elle, à ce qu'elle ressent.

- De qui tu parles ?

- Elle est là depuis le début. Elle a fait tout son possible pour que ta vie soit un minimum agréable. Mais tu n'as pas remarqué ses efforts. Et tu es partie, sans rien lui dire, la laissant seule avec ses craintes.

- Je vois pas de qui tu parles...

- Si tu ne vois pas de qui je parle, c'est que tu n'es pas à la hauteur de son amour.

Et sur ses mots, elle me fit un petit geste froid pour m'intimer de sortir. Ce que je fis, me demandant toujours de qui elle pouvait bien parler.


Une personne qui était là depuis le début...

Qui ça pourrait être ?

Sans que je m'en rende compte, mes pas me dirigeaient automatiquement vers la cuisine. Je m'assis à une des nombreuses tables de la pièce, en face d'Anaïs et à côté de Walid.

- Tu veux nous abandonner ? demanda Anaïs d'une voix triste.

- De...

- Pour-pourquoi t-tu veux pas nous ai-aider ? demanda-t-elle en commençant à pleurer.

Je sentais que je ne pourrais pas tenir cette discussion pendant longtemps.

- Je... je ne sais pas... je ne sais plus. Je veux juste une pause.

- Fais ce que tu veux, me dit Walid. Mais sache que si tu refuses, Ajeff aura gagné.

- C'est-à-dire ? dis-je en fronçant les sourcils. Je pensais qu'il voulait que je l'aide.

- C'est plus compliqué que ça. Il a une sorte de... vengeance personnelle à prendre. Il aime Priscilla. Mais elle, elle t'aime toi. De plus, il veut toujours pousser les autres à bout. Comme il l'a fait pour Marie-Lou et moi.

- Quel est le rapport avec Marie-Lou et toi ?

- Eh bien... il m'a demandé de m'occuper d'elle. Je devais la... tuer. Alors que nous étions censé... nous étions censé nous marier la semaine prochaine.

Les larmes coulaient sur les joues de Walid. Pour ma part, j'étais bouche-bée. Ajeff est vraiment capable d'une chose aussi horrible ?


En même temps, il avait été capable d'assomer Priscilla juste parce qu'elle l'avait repoussé, donc plus rien ne m'étonnait de la part de cet homme.

Walid cessait de pleurer et prit une grande inspiration.

- De toute façon, on a besoin de lui pour sauver la famille d'Anaïs.

Je me rappelai de la discution mouvementée que j'avais eu avec Ajeff la veille. Celle où il m'avait avoué qu'il avait menti à Anaïs au sujet de sa famille.

- Euh... à ce propos... je dois vous dire quelque chose...

- Vas-y... dit Anaïs d'un air légèrement inquiétée.

- Euh... hum... Ajeff t'a... menti... au sujet de ta famille. E-elle ne vit pas en dehors des verrières. Et... et même si ça avait été le cas, il ne l'aurait pas aidée. Il compte aider... seulement sa famille à lui.

Walid, qui s'apprêtait à boire de l'eau, laissa retomber brusquement son verre. Anaïs, elle, cessa de pleurer et resta la bouche béante. Ses mains se mirent à trembler.

- J-je sais que ça peut paraître invraisemblable... et ça doit sûrement être douloureux... j-je suis désolée pour...

Elle se leva d'un coup et s'avança vers moi. Et elle me prit dans ses bras.

- C'est génial ! s'écria-t-elle.

- De quoi ? demandai-je sans prendre la peine de réfléchir.

- Bah que ma famille ne soit pas en dehors des verrières !

- Mais... ça veut dire que tu ne connaitras sûrement pas ta famille...

- Je peux vivre sans ma famille, j'y suis habituée. Et puis... c'est un peu vous, ma famille. Personnellement, je vois bien Lalie comme la mère poule et Luce comme la grande sœur rebelle...

Je ne pus m'empêcher d'éclater de rire à l'entente de sa dernière phrase.

Voir le SoleilOù les histoires vivent. Découvrez maintenant