Chapter V

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Obéir ? Ce terme résonne pour moi comme une abomination. Ordonner à un individu aussi insignifiant soit-il de nous obéir est simplement une dégradation de l'individu en lui-même, du moins si celui-ci n'est pas déjà complètement déshumanisé.

Cependant son regard d'acier a l'effet escompté. Elle n'a aucune autorité psychologique sur moi mais en a malheureusement une financière sur ma situation. Je dois admettre que sans cette femme je n'aurais pas de toit ou un a l'hygiène douteuse. Lui devoir ça m'énerve à un point inimaginable.

Je dois baisser les armes, lui donner raison. Je ne peux faire que ça.

- Oui Madame.

Je vais donc m'asseoir en silence suivie par Yuna qui se place en face de moi. Mais je n'ai pas grand appétit et repense à la silhouette autoritaire. Cette femme est impressionnante, légèrement plus grande que moi, une longue chevelure blonde, presque blanche d'une lisseur intense, toujours parfaitement coiffée, un teint si pâle qu'on pourrait se demander s'il lui arrive de rencontrer le soleil, toujours vêtue d'un tailleur ou d'une longue robe et ne portant que ses escarpins noirs en toutes circonstances.

Elle doit avoir la quarantaine et n'a même pas besoin d'une dose conséquente de maquillage pour souligner ses traits fins et sa peau lisse. Le bruit de ses talons témoignant de son arrivée nous glace le sang peu importe notre âge ou notre assurance. Avec cette femme plus rien ne compte.

C'est pourtant un sourire protecteur qui se retrouve chaque jour au coin de ses lèvres. Bien que les nouveaux et plus jeunes en doutent encore souvent, cette femme nous aime et ça c'est une certitude.

Je me demande souvent pourquoi, que lui est-il arrivé pour que sa vie se voit entièrement consacrée à des orphelins considérés comme ses propres enfants ? Etait-ce son rêve de s'occuper d'enfants et jeunes adultes en pleine recherche d'identité ? Se dit-elle qu'en nous élevant elle pourra nous façonner comme bon lui semble ? En se posant sans cesse ce genre de questions on finit bien souvent et malheureusement par en découvrir les sombres réponses.

Il y a encore quelques temps je n'aurais pas pensé savoir tout cela. Je m'énervais seule dans mon coin de ne pas connaître ses vices cachés, ses tourments, ses failles. Elle pouvait m'échapper et quelque part cela me réconfortait. Après tout, peut-être était-elle réellement ce genre de femme, le genre déterminé et que rien n'arrête, qui peut tout affronter et protéger ses proches sans aucune difficulté.

Mais ce qui devait arriver arriva.

La vipère immortelle, généreuse et attendrissante aux yeux de tous n'est pourtant rien de plus qu'une autre victime de ce monde. Une de plus, talons aiguilles ou pas, cette femme n'a pas su garder ses secrets loin de mon oeil attentif. Si même ses propres faiblesses sont dévoilées, qui d'autre serait capable de me prouver que j'ai tort ?

Le petit déjeuner se déroule tranquillement, Yuna me raconte sa semaine tout en balançant ses pieds sous la table. Elle est toute excitée aujourd'hui car une de ses copines l'a invitée à sa fête d'anniversaire. Je n'ai jamais été le genre d'enfant à être invité à ce genres d'évènements. Je n'ai d'ailleurs jamais fêté un seul de mes anniversaires, c'est à peine si je me souviens de ma date de naissance. Quelle connerie de célébrer le jour de naissance d'un individu. Autant de putains d'erreurs que l'on acclame simplement pour avoir vu le jour et avoir survécu ? Absurde.

Mais la petite tête rousse m'extrait de mes pensées en me donnant un coup de pied dans le tibias.

- Eh !

Pardon, j'ai pas fait exprès !

- Ne t'inquiète pas Yuyu, j'ai les jambes en acier !

Yuna ricane d'abord un instant suite au surnom lui ayant été attribué car cela faisait un certain temps que je ne l'avais pas utilisé, mais rapidement un air perplexe vient prendre place sur son visage.

Out [YumiKuri]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant