Chapter XV

553 30 9
                                    

- Et voilà un véritable festin, votre Majesté !

Mai ; fière d'elle et dans toute sa splendeur. C'est d'un geste dévoué mais fébrile que ma comparse me tend le sandwich, je peux la sentir assez peu à l'aise aux tremblements qu'exercent sa main. Elle semble chercher quelque chose, comme tout au fond d'elle, très profond.

- Mange, Ymir.

Passive, j'attrape ledit sandwich, n'adresse ni mot ni regard et l'engouffre dans ma bouche. Apprendre à ne pas s'encombrer de réflexions intenses est un travail que je souhaite commencer dès maintenant, et dans les choses les plus futiles.

La jolie rousse sourit un peu mais reste tout de même sur ses gardes. Je la comprends. Moi non plus, si je me voyais, je ne me ferais pas tant confiance et je redouterais une façade bien fortifiée. Mais je crois bien être sincère ; je suis épuisée de constamment me forcer et de repousser les personnes qui semblent m'apprécier un minimum. Perdre une mauvaise habitude n'est jamais chose aisée, toutefois si je n'essaye pas je ne vaudrai pas mieux que les pires déchets sociaux que je me plais à critiquer éhontément et à longueur de temps.

- Je ne vais pas te mentir Ymir : j'ai du mal à croire que tu peux te débrouiller seule pour l'instant, annonce Mai, le regard brumeux. C'est pour cela que je vais t'obliger à supporter ma lourde présence durant une durée indéterminée.

M'essuyant les mains, je ne quitte pas ma comparse des yeux. L'écouter est important, je veux lui faire sentir que j'estime vraiment ses propos, même si pour ça je dois écraser mon ego. L'humilité n'est douloureuse que face aux gens que l'on n'aime pas, finalement. Et quelle honte de découvrir ce genre d'évidence morale après dix-sept années d'existence.

- Ymir ?

- D'accord. Tu as raison, dans tous les cas tu as raison. Les seules décisions que je prends n'ont pour but que de me détruire, faisant semblant d'anesthésier une souffrance que je cultive en ne la confrontant même pas. Alors oui, je suis d'accord avec ce que toi, tu décides.

- Eh ben... Malgré l'afflux de vitamines dans ton organisme tu maintiens ta décision, malgré le retour de la plupart de tes capacités cognitives tu oses confirmer le fait que j'ai raison, malgré le retour de ton toi véritable tu... Elle marque une pose et s'extasie, cette scène relève clairement du registre tragi-comique, j'espère que tu en as conscience.

- Pff, soufflé-je.

Mai rit, ce son résonne et me soulage. J'ai beau avoir repris des forces, je suis toujours exténuée, mes yeux brûlent et mes pensées sont emmêlées. Néanmoins, je me sens bien moins mal que je ne l'aurais cru. Une toute nouvelle sensation s'empare de moi et si elle est troublante, elle n'est pas si désagréable.

- J'ai, par ailleurs, demandé ma demi-journée. Alors lève-toi, nous allons chez moi, lance-t-elle naturellement, presque un peu trop neutralement, ramassant simplement ses affaires et effaçant le tableau noir.

- Réellement ?

- Oui.

- Et qu'as-tu dit pour le justifier ?

- La vérité, qu'une proche est en danger et qu'elle m'a contactée pour que je lui vienne en aide. Personne n'a demandé plus de détail, je présente l'avantage d'être une personne fiable et très rarement absente. Une demi-journée n'a semblé poser aucun problème et les élèves seront contents, ils finiront deux heures plus tôt !

Elle attrape mon bras et je peux sentir à sa poigne qu'elle ne compte pas me lâcher d'une semelle. Je sais qu'au fond elle est heureuse de faire plaisir à tout le monde, elle doit y penser en ce moment-même pour oublier l'autre aspect de la situation, la raison de cet arrêt brutal au beau milieu d'une banale journée de travail.

Vous avez atteint le dernier des chapitres publiés.

⏰ Dernière mise à jour : Nov 20, 2020 ⏰

Ajoutez cette histoire à votre Bibliothèque pour être informé des nouveaux chapitres !

Out [YumiKuri]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant