Chapter XII

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Je suis allongée sur le bureau de Mai, toujours dans sa salle et fixant le plafond aux néons défectueux. Elle fait les cents pas, percutant de temps à autres une table ou une chaise, je peux facilement distinguer la préoccupation qui la ronge rien qu'au son de ses pas. En effet elle traîne les pieds si bruyamment qu'en temps normal je l'aurais déjà clouée sur place pour ne plus avoir à subir ce supplice, mais, depuis ce matin je ne suis plus en état de quoique ce soit.

Lorsque je racontais à Mai ces évènements étranges et pour le moins désagréables sans jamais mentionner une seule fois notre discussion quelque peu explosive, elle m'écoutait religieusement, comme si rien ne s'était passé, comme si nous étions revenues en arrière, avant cette discorde excessive, brève et presque irréelle. En y réfléchissant c'est vrai, je n'aurais pas dû m'emporter comme je l'ai fait.

- J'étais sur les nerfs, excuse-moi.

Soudain Mai se retrouve près de moi, au dessus plus précisément, les yeux écarquillés et les traits crispés. Elle ferait presque peur...

- Ymir... Cette altercation avec la petite blonde t'a vraiment atteinte ! Tu as rendu ton petit déjeuner inexistant en plus de ça ! Il vaudrait mieux que tu ailles voir un médecin, tu es certaine de ne pas avoir pris un coup sur la tête ? Non mais tu peux me le dire hein !

- Quoi ? Mais qu'est-ce que tu racontes ?! Je suis juste complétement crevée par ces derniers jours, je suis normale, arrête de dire des conneries.

- C'est que tu ne t'excuses jamais... Elle sourit et poursuit sa phrase. Mais cet acte inattendu n'est certainement pas pour me déplaire !

Je l'éloigne de moi et m'adosse contre un mur au hasard tout en soupirant.

- T'es conne.

Elle m'embrasse le cou et me chuchote à l'oreille quelques mots...

- Ouhh... Insulte-moi, j'aime ça, hihi !

- Qu'est-ce que tu fous bordel ?!

Cette fois-ci je l'ai rejetée trop violemment, si bien qu'elle a fini sur le sol, ses fesses ayant légèrement amorti sa chute. Je sais qu'elle ne s'est pas blessée mais je n'aurais pas dû agir de la sorte. Cette voix, ces mots étaient ceux de Liz, pourtant j'entendais bien son timbre de voix, ses ricanements, son humour vaseux cachés derrière ces paroles. Alors pourquoi vient-elle me hanter maintenant ?! Lorsque j'étais avec Blondie, rien ! Mais dans un moment pareil elle se met à remplacer mon amie hein ?!

- PUTAIN DE SALOPE DE MERDE !

- Ymir ?

Merde. Je me suis encore laissée aller.

- Je vois bien qu'il y a quelque chose qui ne va pas, mais ce n'est pas en rapport avec Christa. Malgré la haine que tu lui portes pour des raisons qui me sont pour l'instant toujours inconnues tu étais sereine en en parlant, étrangement d'ailleurs. En à peine quelques minutes tu as complétement changé... Tu transpires, respire fort et cries contre quelqu'une qui visiblement te dérange bien plus... Alors maintenant tu vas m'expliquer ce qu'il se passe ou s'est passé pour que tu en arrives là. Je n'ai plus cours de la journée donc crois-moi, j'ai encore largement le temps de t'écouter.

Je vois au regard de Mai qu'elle est sérieuse.

- Je te dois bien ça, après tout ce que je te fais vivre ces derniers temps. Je m'assois donc par terre, contre le mur, la tête dans les bras et tente de prendre une bouffée d'air tant bien que mal.

- Liz.

- Je le savais !

- Laisse-moi continuer et apprends à la fermer.

Elle mime une fermeture éclair sur ses lèvres et vient s'assoir près de moi, bien plus attentive cette fois.

Je lui raconte en détails la nuit que nous avons passée, les mots que j'ai utilisé, les coups que j'ai donné avec toujours plus de plaisir. Me remémorer ces actes violents et dégradants à son égard me procure encore par moments quelques frissons de satisfaction me dégoûtant immédiatement de ma propre personne.

- Je pensais agir dans son intérêt, mais en fait, je le faisais pour moi.

Mai me regarde, s'approche sans doute pour m'enlacer mais se ravise sentant bien que je ne suis pas apte à recevoir quelconque geste d'affection.

- Merci de m'en avoir parlé. Si tu estimes que passer du temps avec Liz t'affecte à ce point et t'entraîne vers le bas cesse seulement de la voir. N'y pense plus, c'est derrière toi et même si tu as du mal à l'accepter, tu as l'air d'avoir quand même bien profité donc ne pense plus au négatif mais plutôt à tout ce que cette expérience pour le moins intéressante t'a apporté.

Après avoir repris mon souffle je me lève donc et me dirige vers mon prochain cours. Je me sens plus légère bien que le poids d'autres fardeaux pèse toujours sur mes épaules. Christa n'est pas revenu en classe et ça m'arrange pas mal, personne n'ose me demander où j'étais passée, ni les professeurs ni même Reiner probablement toujours soucieux de savoir ce que la petite blonde pense de lui désormais. J'imagine que ma tête doit faire peur. Enfin, plus que d'habitude quoi.

Le reste de la journée se passe sans aucun événement particulier, je crois avoir croisé Liz à plusieurs reprises mais l'avoir totalement ignorée, tant mieux. Je suis tellement crevée que mon champ de vision en a été réduit. Une fois devant la maison je soupire et rentre. C'est assez silencieux pour une fois, ou peut-être qu'en plus de la vue mon ouïe a aussi morflé. N'ayant été interceptée par personne je me dirige directement vers ma chambre. Il y fait toujours froid et sombre, rien n'a changé. Je me déshabille partiellement et me glisse dans mon lit, sous ma couette trouée à certains endroits, je ne l'ai d'ailleurs jamais mentionné par crainte, sans doute, de me la faire changer. Je commence à m'endormir quand la porte de ma chambre s'ouvre, laissant entrer un faisceau de lumière jaunâtre.

- Ymir, je sais que tu es là, j'ai vu tes grosses chaussures toutes moches dans le hall ! Oh, tu fais déjà dodo ?

Yuna s'approche de moi et enlace l'espèce de boudin que je suis devenu, emmitouflée dans la couverture.

- Moi j'ai passé une bonne journée, même que, après l'école Maman nous a emmené faires des manèges avec les jumeaux ! J'ai mangé une barbe à papa qui te ressemblait, elle était trop bonne hihi ! Bon, bah, bonne nuit... Grande soeur.

Silence.

Vide.


Rien.



Trop d'informations, j'ai mal au crâne, je n'en peux plus. Je m'endors.

Out [YumiKuri]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant