Chapter IX

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En effet, Mai se dresse fièrement face à moi, les mains posées sur les hanches et le regard lourd de pensées diverses et prêtes à m'assommer. Dans la lumière de l'escalier je découvre ses cheveux bien plus vifs qu'auparavant, ils sont à la limite du rouge et pas simplement roux, cela m'intrigue.

Malheureusement ce calme m'ayant permis de divaguer quelques peu s'évapore lorsque Mai ouvre la bouche.

- Qu'est-ce que tu fiches Ymir ? Pourquoi n'as-tu pas répondu à mes messages ?

- Je ne savais pas que tu m'en avais envoyé, je crois que j'ai laissé mon portable dans la voiture de Liz.

Mon interlocutrice fronce légèrement les sourcils mais suffisamment pour y comprendre son agacement ainsi que son interrogation. Puis, d'un coup elle m'enlace quelques secondes à peine avant que je ne la repousse.

- Qu'est-ce que-

- Ton odeur est différente. Tu as passé la nuit chez Liz. Lâche t-elle froidement.

Je me demande réellement ce qu'elle est en train de me faire. Au moment je me découvre un nouvel exutoire me permettant d'oublier toute cette merde dont Mai, elle aussi, fait partie il faut évidemment qu'elle revienne à la charge sans même me laisser l'occasion de m'énerver une bonne fois pour toutes et de dire tout ce que j'ai à dire Je n'ai besoin de personne pour continuer à survivre, simplement et uniquement d'avoir la possibilité de me défouler sans limites. Et Liz m'apporte cette satisfaction, or Mai cherche toujours à me raisonner ou me faire changer. Mais ce monde créé de toute pièce est comme il est, et, par conséquent, nous aussi.

Rien ni personne ne changera ma façon d'être, de penser ou de m'exprimer, aussi vulgaire et désobligeante sois-je.

- Et alors ? Tu es jalouse maintenant ? Ta soi-disant grande histoire d'amitié avec moi cachait donc quelque chose d'autre ? Cela ne te posait pourtant aucun soucis quand j'ai cherché à te joindre et que, bizarrement, tu ne m'as jamais recontactée.

Elle semble cette fois très surprise et choquée par mes dires, comme si elle ne comprenait pas la moitié de mes paroles.

- Viens dans ma salle, on va en discuter...

- Non. C'est dans cet escalier ou rien.

Après un regard autour de nous et un soupir provenant du coeur, la professeure décide finalement de s'assoir sur la même marche que moi.

- Bon, alors premièrement si je ne t'ai pas répondu hier c'est parce que mon portable n'avait juste plus de batterie et en voulant le recharger j'ai constaté que, évidemment, le chargeur était totalement mort. Alors je ne sais pas dans quel monde tu vis mais dans le mien les magasins d'informatique n'ouvrent pas le dimanche après-midi. Donc je te répondrai ce soir si tes demandes sont toujours d'actualité.

- Non.

- Pardon ? Comment ça ?

Ma seule amie ne répondait pas, elle m'avait abandonnée, j'étais seule dans le noir de cette pièce à ressasser les évènements s'étant déroulés quelques heures auparavant. Les minutes s'écoulaient rapidement, trop vite mais, mais elle, elle m'a répondu... Liz m'a répondu instantanément alors j'ai accouru vers celle qui avait besoin de moi puis qu'on m'avait abandonnée. J'aurais préféré que le bus n'arrive jamais à destination. Chez Liz tout était étrange, son lieu de vie et de prédilection pour ses pratiques sordides a eu raison de moi. J'ai flanché comme jamais auparavant, je me suis laissé manipuler par cette subite soumission inespérée et je me suis laissé submerger par ce pouvoir et cette puissante sensation de contrôle.

Mais je ne contrôle plus rien.

Ma colère, ma haine du monde reprend le dessus sur mon once d'humanité restante. Je ne le désire pas mais je le ressens. Ce sentiment que le monde n'est qu'un immense défouloir dont les gens sont des pantins indéfiniment destructibles et ce, uniquement dans le but de ma propre survie.

Tss. J'en ai la migraine.

- J'y vais. Parviens-je à prononcer, le regard planqué sous mes cheveux, fixant le sol.

Lentement, trop peut-être, je me lève et me dirige vers le bout du couloir. J'y connais une porte menant au toit indirectement. Je dois y aller. Une fois passée cette porte je me sens soudain plus légère. J'éprouve toujours le besoin de sortir lorsque mon esprit s'emmêle donc je finis toujours par me retrouver dehors. Mais cette fois-ci c'est différent. Je ne veux plus subir ces migraines constantes, je ne veux plus de cet énorme noeud me faisant office de cerveau. Je ne veux plus avoir à affronter leurs regards, Mai, Madame, Liz, Tara, Yuna et... Christa...

En grimpant à l'échelle menant au toit, cette fois-ci directement, je m'arrête et souris. Cette fille a autant sa place ici que moi. Elle s'entête à s'imaginer un monde parfait et le revendique avec son insupportable sourire, quant-à moi je ne peux m'empêcher de voir la réalité du monde, dans toute sa noirceur. Nous risquons d'y laisser la vie et peut-être que mon but, si j'en viens à tomber, serait de l'entraîner dans ma chute...

Je regarde le vide sous l'échelle et soudain mon pied glisse, comme attiré par la profondeur contrairement à mes bras qui s'accrochent presque indépendamment de ma volonté. C'est à ce moment qu'une petite main immaculée surgit de la plateforme du toit.

- Ymir ! Attrape ma main !

Et cette voix paniquée mais toujours bienveillante appartient à ce fameux petit ange perdu sur cette planète meurtrière. Je refuse de m'accrocher à elle, de lui devoir quelque chose, la vie qui plus est. Je baisse la tête et fixe le vide. De cette hauteur je ne pense pas avoir le temps de sentir l'impact au sol alors si c'est pour avoir pour dernière sensation une chute vertigineuse je suis preneuse. Il est peut-être temps pour moi de sortir de toute cette merde finalement.

Mais avant ça, une pensée me traverse l'esprit.

Je me suis promis de t'entraîner avec moi Blondie et je tiens toujours mes promesses.

Je la regarde et attrape son petit poignet tout en laissant mon second pied glisser hors du barreau de l'échelle...

Out [YumiKuri]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant