Que deviens-je ?
Je me sépare immédiatement de ce personnage dont j'ignore tout. Je fais vraiment n'importe quoi. Il me regarde, d'un regard neutre et je réalise, je découvre enfin la personne avec qui j'ai entamé un combat sans vainqueur, sans perdant, un combat ridicule dont nous sommes les uniques victimes. Je sens mes yeux brûler, ils doivent être grands ouverts, comme si je venais de recouvrer la vue. C'est fou. L'impression, la sensation du réveil est là. Sidérée. Voilà ce que je suis, plantée, là, les bras ballants, reprenant peu à peu conscience de moi-même. Si l'immobilité est le seul état dont je peux disposer qu'au moins je l'utilise pour prendre le temps de dévisager ce garçon. Ses yeux sont clairs et perçants, j'y lis bien plus d'émotions qu'auparavant et crois comprendre que ça ne lui fait pas plaisir. Que veux-tu ? Hein... Même sa coiffure reflète parfaitement, selon moi, sa personnalité épinée. Effectivement sa masse capillaire claire se retrouve plaquée en arrière, sans doute grâce à une crème fixatrice, gel ou autre cire. Je m'imagine soudain debout face à lui, l'observant sans retenue, quelle vision malaisante. Mon corps semble enfin prêt à se mouvoir, extrait de cet état lamentable par une vibration provenant de ma poche.
Avant d'avoir eu le temps d'attraper mon téléphone mon interlocuteur soupire, ferme les yeux et me dit :
- Porco Galliard. Je suis scolarisé dans le lycée opposé au tien, de ce côté de la rive, tout comme les abrutis qui t'ont interpellée tout à l'heure. Il se gratte la nuque, tourne les talons et reprend. Bref, je vais te laisser, j'ai cours moi. Si jamais, tu sais où me trouver.
Je n'arrive pas à le croire. Ces sensations sont si étranges, je me sens engourdie et des maux de tête se joignent rapidement aux festivités me faisant prendre conscience une bonne fois pour toutes de mon état. Je dormais à moitié. Enfin, c'est comme si mon corps et mon esprit étaient anesthésiés durant tout ce temps. Je regarde par ailleurs mon téléphone et apprends qu'il est donc bientôt dix heures. C'est fou ce que le temps passe vite quand on est un zombie.
J'ouvre ensuite le message de Mai qui, évidemment, a beaucoup d'épisodes à rattraper... Elle m'a demandé pourquoi avoir envoyé un message nocturne et la raison de mon absence au lycée. Elle sait parfaitement retranscrire son inquiétude à travers les mots et tournures de phrases. Je la reconnais bien. Je souris. Il me faudra du temps pour retrouver mon état normal, bien que ce dernier soit déjà un cas complexe, mais je me sens tout de même mieux, plus vivante. C'est bizarre, hein... M'enfin, je ferais bien d'aller voir ma seule amie pendant qu'elle n'a pas cours pour tout lui expliquer.
Je prends donc le bus me menant au lycée toujours accompagnée de ma migraine, l'habitude me la ferait presque oublier. Presque. Une fois arrivée je prends soin d'éviter le parking, une certaine blonde décolorée au décolleté bien trop dangereux reste souvent dans sa voiture et franchement j'ai la flemme de la baiser là. Après avoir divagué durant le trajet je me retrouve devant la classe de Mai. Je réfléchis quelque peu, comment va-t-elle réagir en me voyant ? Elle est la seule à pouvoir m'engueuler et...
La porte s'ouvre.
- Ymir !
La femme à la chevelure flamboyante m'attrape fermement pas le bras et ne semble pas décidée à me lâcher.
- Je me suis inquiétée ! Tu avais l'air totalement perdue dans tes messages, il était tard...
- Tôt, à vrai dire.
- Tard ou tôt, peu importe ! Tu es la reine de l'humour, hilarité générale quand tu t'exprimes, certes, regarde ; hahaha on rigole !
Je suis sidérée, jamais Mai ne m'était apparue aussi déjantée, elle est hystérique et c'est flippant.
- Arrête. Tu es complètement folle, qu'est-ce que...
- Exactement !
En cet instant, seul le silence ose remplacer l'écho des dernières paroles prononcées.
- C'est exactement ce que je veux que tu comprennes Ymir, ton attitude a autant de sens que ce comportement. Me soucier de toi en permanence va réellement finir par nuire à ma santé mentale mais pour l'instant je m'en sors plutôt bien et j'en profite pour essayer de t'aider. Tu sais qu'il y a un problème et tu sais aussi que maintenant je suis accrochée à toi telle une sangsue donc ne pense même pas à fuir comme tu sais si bien le faire ! Ensemble on va trouver un moyen de te sortir de cette spirale infernale.
- Tu as raison.
- Arrête d'être sur la défensive tout le temps ! Attends, quoi ?
- Ouais. T'as raison il faut que ça s'arrête. Chaque fois que je pense avoir touché le fond je trouve une distraction, oublie, puis sombre à nouveau. C'est la merde, haha...
- Wow, c'est bien la première fois que je t'entends dire quelque chose d'aussi... Je n'ai même pas les mots. D'habitude tu dis une chose positive parmi un amas de pensées négatives et là... Et surtout tu dis enfin ce que tu penses, ce que tu ressens...
- J'ai passé une nuit de merde, j'abandonne. La seule force qui m'a permis de me déplacer jusqu'ici provient d'un croissant, un seul et unique croissant. J'ai la dalle putain.
Un léger rire vient détendre l'atmosphère après que mon ventre s'est manifesté, approuvant mes dires.
- Ymir, j'aimerais tellement connaître ta vision des choses, savoir comment tu vois le monde.
- Je te le déconseille.
- Mais...
- J'ai conscience que je dois changer mon mode de vie si je veux davantage vivre que survivre, que je dois trouver un sens à tout ça avant de me noyer dans ces pensées accablantes. Mais certaines choses resteront malgré tout ancrées profondément.
- Oui. C'est vrai, je ne dois pas te donner l'impression de vouloir te changer non plus. Tu es la seule à te connaître réellement et la seule maîtresse de tes actes. Je suis contente que tu t'en rendes compte et veuilles mettre un terme à tes souffrances...
Je craignais de m'être trop éloignée de Mai, que tout ait changé entre nous, mais finalement, je crois que notre relation évolue naturellement. Enfin, de toute façon je n'aurai pas la force de pousser davantage ma réflexion. Les actes valent mieux que de belles paroles, peut-être.
Je m'approche donc de mon interlocutrice, lentement en la fixant, sans autre bruit que le son traînant de mes pas s'exprimant dans la salle. Je commence par regarder sa poitrine puis y pose les mains. Un léger son de surprise s'échappe d'entre ses lèvres et elle se loge au creux de mon corps dans un soupir qu'il m'est impossible d'interpréter. Soudain je repense à ce mec, Porco. C'est vrai, je l'ai enlacé. Quelle conne.
- Ymir ?
Je m'étais immédiatement éloignée de Mai, en manquant de tomber à la renverse, trop faible pour tenir debout. Pathétique.
- Il faut que tu te reposes et que tu te nourisses, non pas que tu sois un mauvais coup mais là, actuellement ce n'est pas ce qui presse le plus.
- Putain. Je me sens comme ces vieux cons impuissants.
Elle rit et se dirige vers la porte, essuyant les larmes qui avaient commencé à perler au coin de ses yeux. Elle est jolie quand elle rit, ça fait plaisir à voir.
- Je vais te chercher à manger en salle des professeurs, je fouetterai Liz de ta part au fait !
- Rha ! Ne parle pas d'elle, je vais vraiment gerber !
Les rires s'amplifient puis s'éloignent rapidement. Me voilà seule, allongée sur une table bancale bien évidemment. Qui s'assoit sur cette chaise d'habitude ? Qui écrit sur cette table ? Qui doit utiliser un vieux bout de gomme ou de papier plié en mille en le calant sous ce pied de table ? C'est peut-être Annie, quand elle ne se fait pas baiser par sa meuf. Ou bien même Mikasa, quand elle ne la baise pas. C'est peut-être Jean, faisant semblant d'être un génie. C'est peut-être un vrai génie, Armin super studieux. C'est peut-être une morfale, un petit blagueur, un individu oubliable ou qui marque les esprits, un grand dadais ou un gros tas. C'est peut-être une petite blonde...
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Out [YumiKuri]
Fanfiction[Fiction actuellement en cours de réécriture, la nouvelle version paraîtra prochainement en remplacera l'actuelle] Ymir est cynique, méfiante, infernale. Elle détaille chaque jour la déchéance humaine et les soucis grouillant sous son œil perçant...