CHAPITRE 17

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  Quand je réveille le lendemain matin, Ange est toujours là. Un sourire aux lèvres et ses bras m'ensérant. Pendant un certain laps de temps, nous nous contemplons en silence, comme deux vieillards rendus sages par les années de vie. Mais le charme est vite rompu, surtout quand je me rends compte que je suis censée me rendre à mon premier cours dans à peine plus d'une demi-heure.

  Affollée, j'essaye de me redresser mais l'effort est trop violent pour mon état ensomeillé, et j'ai vite fait de retomber sur ma couche de fortune.

  Nullement stressé, Ange enfouit sa tête dans mes cheveux, tandis que je tente de m'extirper de mes draps – en vain.

  — Tu as dormis comme une marmotte, il lâche dans un râle avant de me ramener un peu plus vers lui.

  Je me fige brusquement. Mes efforts ne servent à rien, je l'ai bien compris. Alors, doucement, je me tourne vers le magnifique visage de mon voisin. Ce dernier a les yeux rouges, comme s'il avait veillé toute la nuit.

  J'esquisse un sourire rusé et mesquin, et soudain, lui tapote le nez. Assez fort pour le faire sursauter, mais pas pour le blesser. Il cligne des yeux, perplexe. Pour ma défense, Krystal et ses manies bizarres déteignent sur moi.

  — Euh... c'était quoi ça ? il demande, à la fois hilare et perdu.

  Je me mets à bouder, mais ma tactique semble fonctionner car il me libère de son emprise.

  Je fais valser la masse de couvertures m'étouffant, et regrette aussitôt mon geste. Nous ne sommes qu'en novembre, et même si la petite cabane est relativement bien isolée pour ce qu'elle est, le froid n'a pas de mal à franchir le maigre barrage de ses murs.

  Grelottante, je me saisit de ma veste laissée en plan hier après-midi. C'est là que ça me percute vraiment.

  Cela fait depuis hier après-midi que je suis ici ?

  Cette constatation me fait prendre conscience de bien des choses. Je ne m'inquiète pas pour mes taties qui a tous les coups n'ont même pas pas remarqué ma disparition, mais Krystal, elle ? Je suis vraiment égoïste et stupide. Je sais qu'elle déteste être seule, sans compter le fait que ma cousine n'ai aucune autonomie. Elle a du paniquer après mon abandon, et moi, comme une conne, je n'ai pensé qu'à mon propre bonheur.

  Dans ma précipitation, je m'habille en vitesse, n'enfilant seulement qu'un manteau et me paire de Converses par-dessus mes vêtements de hier. J'ai conscience d'être sale mais je m'en fous totalement.

  Ange à l'air vaguement déçu de me voir partir, mais je n'en tiens pas compte, animée par la culpabilité et les remords.

  En courant, je dégringole à la va-vite l'échelle de la cabane avant de traverser le quartier à toute allure. Mes pas claquent contre le bitume, à un rythme effréné. Je respire difficilement, mais je continue, vaille que vaille.

  Mes honte, ma colère prenne le dessus. La rage m'accompagne aussi. Hier, je me suis autorisée à oublier, et être heureuse – mon but premier, je m'en rend compte – aujourd'hui j'assume.

  Toutes les émotions que je concentre en moi, que j'enfouis bien profondément s'extériorise enfin... Je fais peur, je le sais. Moins que pendant ma crise d'hystérie à Halloween, plus qu'en temps normal.

  Arrivée sur le seuil de ma porte, je ralentis soudain. Le vent qui soufflait dans mes cheveux disparait, ainsi que l'impression de vitesse qui m'accompagnait. Le froid me saisit. Je l'avais oublié celui-là, concentrée comme je l'étais sur ma course... et cette impression de chaleur due à mon effort physique n'arrange pas les choses. Mes joues sont brûlantes, pourtant je suis congelée.

AméthysteOù les histoires vivent. Découvrez maintenant