CHAPITRE 7

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  On ne va jamais aussi loin que lorsque qu'on ne sait pas où on va.

  J'ai peur. Personne n'a mon numéro à part mes marraines – et Rachel. Mais le téléphone affiche « inconnu ». De la pub ? Peut-être. Ou pas.

  — Vous êtes bien Victoria Prince ?

  — Oui, je balbutie.

  Je ne comprends pas. Qui est-ce ? Comment... Pourquoi...

  — Excusez-moi de vous déranger. Je suis manager. J'étais là vendredi soir, au club, The Fox. Je pense que vous avez beaucoup de talent. Excusez-moi encore, je sais que c'est un peu précipité de dire ça mais j'aimerais vous faire enregistrer un son. Une démo par exemple. Je ne vous fais pas de forcing, je propose juste de mettre à votre disposition une salle d'enregistrement pendant une journée. Vous y ferez ce que tu veux et vous n'aurez aucun frais à votre charge. Et si ça marche on pourra envisager d'aller plus loin... Qu'en dites-vous ?

  Je suis interloquée. Il veut... me faire enregistrer un son ? Mais... Je n'ai même pas mis tout mon cœur dans la représentation de vendredi soir. C'était... un échauffement. Ça faisait longtemps que je n'avais pas changé comme ça, devant un public ! Et ça l'a impressionné ? Je ne comprends pas. Vraiment.

  — Je ne sais pas... dis-je, hésitante. Pourquoi moi ? Je ne suis pas différente des autres.

  — Vous voulez rire ? Je n'ai jamais rien entendu de tel de toute ma carrière ! Et cela fait 15 ans que je suis dans le métier, jeune fille !

  Il fait mon éloge, ne tarit aucun détail. Il me dit beaucoup de choses, me fait des compliments, me dit qu'il veut m'entendre chanter. Il en a vraiment envie, pensais-je.

  Je fini par accepter. Ce ne sera qu'une démo. Et encore, j'aurais juste, pendant un jour, le droit d'avoir à ma disposition tout les outils d'un professionnel de la musique. Il m'a dit que j'aurais un total libre arbitre.

  — Génial ! Je suis vraiment heureux de travailler avec vous. Je sens que vous allez accomplir de grandes choses !

  Je ne répond rien. Il déblate encore quelques minutes puis raccroche.

  Je suis là, mon portable à la main, le regardant comme s'il était quelque chose de totalement inconnu pour moi. Je n'arrive pas à y croire. Qu'est-ce que je viens de faire ? C'est insensé. Et fou. Pourquoi, pourquoi ?

  Je relève la tête. Ange est parti. Je peux comprendre, il a du croire que je ne voulais plus lui parler. À cette pensée, je ressens un petit pincement au cœur – un pincement que je me hais d'éprouver. J'ai envie de vivre, certes, j'ai envie de tout tester, de tout expérimenter avant qu'Ils me retrouvent. Je me le suis promis, mais malheureusement il y a des choses qui me seront toujours impossibles. Complètement interdites.

  Je regarde une dernière fois la fenêtre. Les rideaux sont maintenant tirés, comme pour m'interdire l'entrée à un monde inconnu.
 
***

  La demie-semaine s'est déroulée à l'identique. Je ne suis pas retournée manger avec les amis de Rachel, n'ayant pas l'envie de croiser Ange. Je ne sais pas exactement ce qu'il s'est passé entre nous. Pour moi, rien, mais il semble le prendre autrement. Sa fenêtre ne s'est pas découverte et je ne l'ai plus aperçu un seule fois. Même nouvelle de mon voisin d'anglais. Invisible. J'ai fini par croire qu'il habitait sur une autre planète – ou alors qu'il avait une maladie très grave qui s'appelle la flemme. Ce ne m'a pas autrement dérangée, en soit.

  Je n'ai fait aucuns progrès en anglais. C'est désastreux, à dit le Doc. Je vois bien que je le préoccupe, mais je décide d'en faire fit. Dans les autres cours personnes ne me remarque, je reste au fond de la classe. C'est mieux ainsi.

AméthysteOù les histoires vivent. Découvrez maintenant