Chapitre 2 - l'impuissance du marcheur

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Refaire le trajet jusqu'à ce que les bois ne permettent plus d'avancer en voiture, marcher de nouveau sur le sentier à peine visible qu'il avait prit plus tôt, retourner vers Hank ... Ca aurait pu être quelque chose de coûteux, de pénible, de difficile. Il s'engageait dans une aventure qui n'était pas sans risque.

Néanmoins, rester les fesses vissées dans son siège, à organiser les opérations, ça lui donnait une impression d'impuissance terrible. Alors, entre ces arbres, loin des bruits et de l'agitation, il s'était senti de plus en plus fébrile et excité. Ca ne donnerait sans doute rien, mais au moins, il avait l'impression d'essayer.

Hank l'attendait. Il avait semblé hésiter avant de prendre le sac, comme s'il pouvait s'agir d'un piège. Marc l'avait déposé au sol avant de reculer. Presque comme si l'autre homme n'était qu'un animal sauvage. Hank n'aimait pas les contacts. Ni les contacts physiques, ni les contacts visuels, dans une moindre mesure. En fait, Hank n'aimait rien venant d'autres êtres humains. Il les estimait trop dangereux.

- Qu'c'est ?
- C'est pour toi. Pour te payer, pour le boulot de guide. C'est un long trajet.

Hank ouvrit le sac, circonspect et trouva le couteau. Il l'ouvrit d'un geste de main expert, le soupesa, le referma et l'enfourna dans l'une de ses poches. Il secoua la gourde : vide. Puis observa les chaussures. Pour lui, c'était un cadeau de grande valeur.

Ses propres chaussures étaient en triste état. Est-ce que ça se voyait ou l'autre avait fouillé dans sa tête pour le savoir ? Il se posa la question et leva un regard fou vers Marc, qui semblait s'occuper de son propre équipement. Il faisait semblant : ça se voyait, mais Hank trouva ça plutôt sympa alors il s'assit, enleva ses vieilles chaussures et enfila les nouvelles. Il aurait des cloques faute de les avoir portées avant. Mais au moins il ne prendrait plus l'eau et cesserait d'avoir des gravillons qui rentraient directement à travers ses semelles. C'était donc une grande avancée !

Il ouvrit le sac en grand et y enfourna ce qu'il avait prévu d'emmener. Changer de sac n'était pas du luxe. Combien de fois avait-il raccommodé celui qu'il avait ? Sans doute trop. Il ne mit pas grand-chose dans ce sac neuf. Il troquait peu et conservait ce qu'il gagnait aussi longtemps que possible.

A l'extrémité ouest de la ville vivait le vieux Duncan. Duncan lui achetait un peu de viande de gibiers et il prenait les peaux. En échange, il donnait surtout du matériel. Mais parfois, Duncan prenait le temps d'aller lui acheter certains vivres comme des céréales, du sucre ou du sel. Pas grand-chose en fait, mais la montagne lui donnait ce dont il avait besoin. Le reste, c'était les "cadeaux" de Marc. Marc et Duncan étaient les deux seules personnes avec qui Hank acceptait de faire du troc.

Ayant terminé de tout transvaser, Hank annonça :

- J'suis prêt.
- D'accord. Par où est-ce qu'on commence ?
- J'sais pas. Comment on sait qu'elle est dans la forêt ?
- Elle a été enlevée. Des flics étaient sur sa piste, pas très loin d'ici ... Mais elle s'est peut-être enfuie ou alors ... les kidnappeurs l'ont libéré.
- T'veux dire qu'elle est morte ?

La question remua les tripes de Marc. L'enfant était vivante. Il voulait croire que l'enfant était vivante. Ca ne servait à rien de la tuer. Il fallait qu'elle soit vivante. Néanmoins, la partie réaliste de sa réflexion cracha :

- C'est possible oui.
- Alors on va à l'ouest, vers la faille. Pis on remontera et après, on verra pour passer d'l'autre côté. Ouais ! J'sais ! Il va voir ! Et qu'est-ce qu'tu veux que j'y fasse !?

Marc frémit, ça, ça ne lui était pas adressé. Alors, il attendit, patiemment. Hank finit par reposer son regard fou sur lui avant de hausser des épaules comme si ce n'était pas si grave. Dans ces cas, Marc ne lui faisait jamais la moindre réflexion. Il faisait comme si de rien n'était. Hank enfila son nouveau sac à dos avant de partir et le représentant de la loi le suivit comme si tout cela était parfaitement normal. Ca ne l'était pas.

L'homme de la montagneOù les histoires vivent. Découvrez maintenant