Chapitre 14 : une mission impossible

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Durant la nuit, plusieurs fois, Marc fut réveillé par une chouette qui hululait au loin. Il écouta alors la forêt qui vivait pleinement. Les petits bruits s'élevaient de de partout. Pour un véritable « gars de la ville » ça aurait pu être inquiétant. Lui il avait conscience que cette symphonie naturelle était sommes toute normale et même rassurante. Si un prédateur pointait le bout de son museau, alors tous se tairait et un grand silence s'abattrait sur les bois. C'était ce genre de silence qu'il fallait craindre. C'était ce genre de silence qui annonçait une catastrophe.

Alors il se rendormit sans crainte jusqu'au lever du jour. En se réveillant, il se dit que tout de même, Hank les avait laissé s'endormir bien tôt ... et que cela présageait une journée sportive. A midi, il transpirait sous l'effort, il se sentait épuisé et voyait l'autre homme avancer de ce pas égal et pourtant si rapide. C'était l'un de ces jours où Hank n'avait pas envie de faire de pause. L'un de ces jours compliqués à gérer où Hank voulait avaler les kilomètres, gravir les montées pour mieux dévaler les pentes et où rien ne semblait capable de le freiner. Heureusement ou malheureusement, les petites ne suivaient pas le rythme et permettaient de le canaliser un peu si cela était encore possible. Comme pour le ralentir, il entendit Cassy qui lui chuchotait à l'oreille qu'elle voulait encore entendre l'histoire des chinchimottes ! Alors il parla, modérant à peine ses pas. Il parla et parla encore, sans délirer, sans grossièreté et en articulant correctement.

Il raconta les rituels autour de la nourriture, comment les chinchimottes grignotaient les pensées tristes que l'on laissait échapper. Il raconta les farces qu'ils se faisaient entre eux.

Les petites étaient si captivées qu'elles en oubliaient les douleurs qu'elles avaient dans les pieds. C'était Osho qui marchait le plus. Elle était vraiment très courageuse, mais aussi très fatiguée. Elle baillait souvent et sa tête dodelinait comme si elle était beaucoup trop lourde pour elle. C'était une drôle de sensation de la voir ainsi. On aurait presque dit une petite marionnette, suspendue au bout de fils trop exigeants, qui ne voulaient pas céder et la laisser s'écrouler, enfin. Tout son corps semblait n'attendre que ce moment d'éternité, où elle pourrait se répandre au sol. Il se sentit mal à cette idée mais il ne pouvait pas vraiment y faire grand-chose. C'était important qu'ils arrivent à destination. C'était important qu'ils arrivent vite. Il fallait avancer et autant il comprenait la fatigue de l'enfant, autant il savait à quel point elles avaient besoins de soins.

Ils mirent encore plusieurs jours mais enfin, enfin ils allaient arriver. Il n'y avait plus qu'une journée de marche d'après Hank, à un rythme acceptable, c'est-à-dire simplement un rythme possible. Ils étaient tous épuisés. Ce fut peut-être pour ça que l'erreur se produisit. Ce fut peut-être pour ça qu'il y eut l'accident. Souvent, les accidents venaient de presque rien, un peu de malchance et beaucoup trop de fatigue. Elle pesait sur les paupières, rendant les mouvements plus idiots qu'à la normale et affectant le jugement.

Marc avait vu la trace de patte, épaisse, aux multiples coussinnets. Vraiment. Réellement. Il l'avait vu. Au lieu de prévenir Hank immédiatement, il s'était dit que c'était étrange. Hank avait sursauté et s'était mis à délirer, parlant tout seul un peu trop vite. Ce n'était pas arrivé depuis longtemps et très peu devant les petites, alors il s'était dit qu'il fallait calmer ça. C'était une erreur. Il y avait un autre danger. Un danger plus pressant et bien plus violent. Un danger qui pouvait s'avérer mortel.

Les grognements l'avaient surpris. Il avait juste eu le temps de présenter son dos à la morsure, sans même savoir trop ce qui se trouvait à présent derrière lui. Mérine avait hurlé et Hank avait levé son fusil.

PAN.

Le coup de feu résonna dans les bois, sourd et angoissant. Il tenait toujours la petite. Il y eu un couinement, puis ce fut Marc qui hurla alors qu'une mâchoire se referma sur son mollet, cherchant à le déchirer. Il vit, du coin de l'œil, une forme noire qui le tirait vers le sol. Hank leva de nouveau le fusil et tira, encore. L'animal prit enfin la fuite. Hank n'avait pas visé l'animal pour ne pas prendre le risque de toucher l'autre homme ou l'une des fillettes. Il vient rapidement à sa rencontre mais ne put que constater les plaies. Il pourrait bien désinfecter tout ça et le bander, le muscle était touché et il ne pourrait pas marcher. Il regarda autour de lui, à la recherche d'une solution, mais ne trouva pas la moindre idée. Marc fut le premier à comprendre et à décider de ce qu'il fallait faire.

L'homme de la montagneOù les histoires vivent. Découvrez maintenant