Chapitre 9 : la cruauté dans la peau

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Marc carra un peu les épaules, cherchant à se donner du courage sans pour autant effrayer les enfants. Il aurait aimé avoir Sam auprès de lui. Son ami était compétent. Il aurait pu l'aider. Mieux, il aurait voulu un toubib. Encore mieux, une clairière dégagée et un hélicoptère prêt à les évacuer. Ça ce serait vraiment bien. Il n'avait rien de tout ça. Ni moyen de transport, ni moyen de communication, ni soutien quelconque. Il n'avait que Hank en train d'allumer un feu rapidement, avec une expertise rare. Oui, il avait un super allumeur de feu et un très bon guide ... Il était néanmoins totalement inutile pour le reste. Le flic devait gérer tout seul, alors doucement, pour attirer l'attention des enfants sur lui, il demanda.

- Osho est-ce que tu veux bien me montrer si tu as des bobos ?

La fillette serra les dents et le fixa méchamment comme si la question était idiote. Lentement, il lui montra une éraflure qu'elle avait sur l'avant bras. C'était un peu plus profond que les plaies superficielles de Mérine, mais rien de grave. La plaie devait être récente, si elle n'était malheureusement pas propre, elle ne semblait ni rouge, ni purulente, ni même chaude. Un bon point donc. L'enfant avait pu se blesser en croisant de trop près un buisson épineux. Il y en avait pas mal dans le coin.

- Est-ce que je peux soigner ça ?, demanda-t-il.

Les deux billes noires le fixèrent sans bouger. Marc y alla délicatement et patiemment. Il ne posa pas un enchevêtrement de pansements. A la place, il sortit du sparadrap, nettoya, posa une compresse et la bloqua de son mieux pour qu'elle protège la plaie. Ce n'était pas parfait, mais c'était tout ce dont il était capable. Lorsqu'il eut enfin terminé, derrière lui le feu crépitait et répandait une douce chaleur. Hank s'était assis, dos à eux, assez loin comme si les enfants l'inquiétaient.

Marc espérait vraiment que ce ne soit pas le cas. Si la présence des petites déclenchaient des crises trop violentes, ils ne sortiraient jamais de la forêt vivants. Ils avaient vraiment besoin de Hank pour ça. Il se prit à penser, dans un espoir fou que peut-être, peut-être le malaise de Hank pourrait venir du fait qu'il craigne d'angoisser les petites. Peut-être éprouvait-il de la gêne ou de l'empathie ? Espoir fou. En attendant, Hank se tenait bien, ce qui était aussi soulageant qu'important. Il avait essayé de préparer le terrain avec les filles en leur disant que son ami était « toc toc » ou encore « un peu bizarre » pour pouvoir expliquer très vite ce qu'il se passait si une crise venait à arriver. Marc se reprit mentalement, ce n'était pas "si" une crise arrivait, c'était "quand".

En chassant cette pensée angoissante, il vérifia une dernière fois le pansement, offrant un sourire à l'enfant.

- Voilà, c'est très bien. Vous tremblez encore. Est-ce que vous voulez vous rapprocher du feu ? Vous pouvez. Regardez.

Doucement il s'éloigna et opéra ce qu'il appelait mentalement une « manœuvre difficile et dangereuse ». Il s'agissait simplement de ne rien laisser paraître aux yeux des petites. Elles ne devaient pas se rendre compte qu'à tout moment, Hank pouvait péter les plombs. Et tout en laissant entendre qu'il n'y avait rien de bizarre, il tentait de bredouiller des explications à destination de Hank. S'il ne le préparait pas, ça se passerait très mal.

Pour tenir les petites au chaud, il avait besoin de tout l'équipement possible. Elles étaient glacées. S'il ne les avait pas enroulées dans son manteau dans la seconde, c'était juste pour éviter des crises de paniques qui auraient retardé l'ensemble des soins. Alors bien-sûr, il y avait son propre équipement, mais en soit, ça ne suffisait pas. Lentement, il tendit la main vers le sac du fou. Il le vit se tendre, les yeux presque exorbités, la respiration suspendue. Hank avait ce genre d'immobilité qui laissait présager du pire.

- On va prendre un duvet et vous serez bien au chaud., confia-t-il aux petites pour rassurer Hank quant à ses intentions.

Il souleva le sac, l'ouvrit et en sortit le vieux duvet qui était sans doute très précieux pour l'autre homme. Marc le posa au sol, l'étalant et l'ouvrant avant d'inviter les enfants à s'installer dedans. Pendant tout ce temps-là, le fou avait suivi tous ces gestes d'un œil noir, les muscles crispés, mais sans bouger pour autant. Il n'avait pas parlé. Peut-être était-ce une tentative pour ne pas crier ? S'il ne parlait pas, s'il gardait la mâchoire fermement close, alors, il pourrait peut-être réussir à avoir l'air moins dingue qu'il ne l'était ?

L'homme de la montagneOù les histoires vivent. Découvrez maintenant