Chapitre 15 : une course endiablée

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Hank courait. Il augmenta progressivement son rythme de croisière et fut surpris de se rendre compte à quel point il s'était habitué à être une limace, flânant plus que parcourant les bois. Il se maudit à voix haute de nombreuses fois. Il cria par moment pour décharger sa colère et faire taire l'affolement qui avait envie de resserrer ses doigts trop longs sur sa gorge pour l'empêcher de respirer.

A la place, il se concentra sur ses sensations. Le choc du poids de son corps, dans sa hanche, lorsqu'il se réceptionnait. Le vide dans son dos et dans ses bras alors qu'il n'avait plus rien à porter. La légèreté que cela entraînait aussi. C'étaient des sensations agréables ou neutres. Ça lui permit de garder contact avec la réalité, sans partir dans une nouvelle crise dû à l'angoisse.

Il sauta par-dessus des troncs, grimpa quelques bosses de terres plus grandes que d'autres, s'aida des troncs des arbres présents, se laissa glisser en contrôlant à peine sa trajectoire et pas du tout sa vitesse le long de certaines pentes friables. Tout le long, il joua du couteau et marqua son chemin. Tout le long, il passa la main contre sa poche où dormait le petit bout de tissu, seule preuve qu'il n'était pas juste fou.

Faudrait-il les convaincre pour faire venir Sam ? Sam était un con. Les autres aussi seraient des cons. Sam n'avait qu'un avantage : c'était le con de Marc et lui, il aimait bien Marc même s'il était un peu débile à ses yeux. Ça le fit sourire puis il pensa qu'il avait bien le droit de les penser con puisqu'eux le pensaient totalement fou. Le pire, c'est qu'ils avaient tous raisons, pensait Hank. Un fou s'adressant à des débiles, comment cela pouvait-il bien tourner ?

Le soleil s'était couché mais il restait une certaine luminosité lorsqu'il arriva sur la route. Il avait couru comme un dératé dès que le terrain le permettait. Il avait couru à en perdre haleine et avait couru un peu plus longtemps encore. Il avait sauté. Il avait volé par-dessus les obstacles ce n'était que grâce à une chance terrible qu'il avait réussi à ne pas tomber, à ne pas se blesser et à garder un rythme aussi rapide sur la durée. Seulement à partir d'ici, il était perdu. Là, à une cinquantaine de mètre à peine, y'avait le nom de la ville sur un gros panneau de bienvenue. Le panneau était délavé par l'humidité et à moitié caché par un arbre.

Hank hésita. Il devait se dépêcher. L'idée de Cassy dans la zone de chasse de ces bestioles le fit franchir le premier pas mais immédiatement il se figea. Sous ses pieds, une texture étrange lui laissa un drôle de goût en bouche. Ça faisait des années qu'il ne l'avait pas sentie. Immédiatement, le souvenir lui revient à la gueule, le souvenir de cette nuit de cauchemar où Joe avait été un peu trop bourré et avait eu la main un peu trop leste. La panique qu'il avait ressenti quand tout son corps avait ordonné : fuit ! Fuit ou bien tu vas mourir. Il s'était retrouvé sur la route, à courir comme un fou, comme le fou qu'il était déjà, il avait couru jusqu'à la forêt et s'était engagé dedans. Au début, il pensait en ressortir mais y'avais les chinchimottes qui s'occupèrent très vite de lui. En échange, il devait essayer de faire fuir les humains de ce côté-ci de la montagne, ne pas les laisser s'installer plus en amont. Le deal était honorable et il n'avait jamais eu de mal à faire peur à qui que ce soit.

Il fit un premier pas et sentit son cœur qui se serrait douloureusement avant de cracher son sang à travers tout son organisme. Si fort ! Si fort qu'il le sentait taper au bout de ses doigts. Il se figea de nouveau et commença à se dandiner sur place. Il n'avait pas le temps. Il devait se dépêcher.

- Faut l'faire p'tain ! Allez l'dingue soit pas con en plus ! Allez !, s'engueula-t-il lui-même.

Aucun chinchimotte n'était présent pour guider ses pas et recevoir ses cris de colère comme autant d'appel à l'aide. Il dû avancer seul, tentant de se calmer, sachant que s'il avait l'air trop dingue, on ne l'écouterait pas forcément.

L'homme de la montagneOù les histoires vivent. Découvrez maintenant