Part 17: la visite (Suite 2)

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Fatou et Moustapha avaient vécu une histoire d'amour, en cachette, pendant des années. La fougue de la jeunesse, les avait poussé à faire fi des réalités sociales. Ils s'aimaient et c'était, pour eux, tout ce qui comptait. Mais les parent de de Fatou, très attachés à certaines considérations, ne lésinaient pas sur les moyens pour empêcher cette union, qui selon eux était dégradante pour leur famille. Il était hors de question que leur sang soit mêlé. Ils maugréaient, pestaient et ne manquaient jamais de montrer leur dédain pour la famille de Moustapha.

A partir de l'instant où ils décidèrent d'exposer au grand jour leur relation, parce qu'ils songeaient à un avenir commun, ils n'avaient plus jamais eu les moments de bonheur qu'ils passaient à rêver du plus beau jour qu'ils partageraient. Leur foi au pouvoir de l'amour et en leur intrépidité supposée, qui leur permettrait de braver n'importe quel interdit, leur porta préjudice. Alors face aux multiples obstacles, ils durent se résigner.

Aussi correct qu'il pouvait être, il ne put jamais gagner le cœur des grands-parents de Bineta. Aussi pieux qu'il était, il n'avait jamais été considéré à la hauteur de sa foi et tout ce que cela implique. Quand la question d'une quelconque supériorité d'une famille sur une autre est au cœur du débat, les prescriptions religieuses sont très souvent battues en brèche. Ce que, malheureusement, moult famille font sans scrupule. Cette société, dans sa folie, accepte ou abhorre des choses sans raison valable. Par défaut de recul vis-à-vis de ces choses, beaucoup de personnes persistent dans l'égarement, sinon la bêtise. Chez Fatou, Moustapha n'était tout simplement pas le bienvenu.

Celui qui a dit que l'histoire se répète continuellement n'avait jamais eu autant raison que ce jour-là, elle était en passe de se répéter. Fatou regardait Mariam qui la fixait des yeux, parce qu'elle aussi est au courant. La situation allait, pour le moins, se compliquer. Mariam n'était guère contre une telle union, Pathé aussi. Mais au Sénégal, le mariage ne concerne pas seulement les tourtereaux et le petit cercle familial, la grande famille cherche toujours à s'immiscer. Etant foncièrement liés et attachés à la famille, les parents de Bineta ne pouvaient qu'éprouver de la peine. Ils ne pouvaient pas prendre une décision qui s'appliquerait sans provoquer des remous. Ils pouvaient être reniés par la grande famille pour avoir accepté cette relation. Pour le cas de Fatou, toute tentative d'amener, la famille, à la raison avait échoué.

Mariam, désolée par cet état de fait, s'exprima difficilement en ces termes.

M : Abdou, nous connaissons très bien ton oncle. C'est quelqu'un de bien, c'était un très bon ami de surcroit. Mais cela fait des années que je ne l'ai pas vu ni entendu... Il s'est passé tellement de choses que j'aurais aimées oublier... plutôt, qu'on aurait souhaité ne jamais vivre durant toute notre existence. Fatou, l'entends-tu toujours ?

F : Non, il m'arrivait de le croiser mais cela ne faisait que raviver des souvenirs, tellement douloureux que tout ce que nous souhaitions, en quittant chacun chez soi, était que l'on ne se croise pas par le plus grand des hasards... même si dans notre cas je ne pense pas que c'en soit un. (On pouvait sentir de l'amertume dans sa voix)

La discussion avait pris une autre tournure. L'ambiance dans le salon était morose, minée par les prémices du souvenir d'une histoire douloureuse. Néanmoins, ce qu'il y'avait de plus inquiétant, était que cette histoire ait eu une quelconque incidence sur l'avenir de la fille. En ce moment-là, Pathé se posait des questions, Bineta et Abdou étaient complétement largués. Seules deux personnes avaient des réponses et elles n'étaient cependant pas disposées à en parler. Il n'était absolument pas question, pour Mariam, d'aborder ce sujet, qui certainement nuirait plus qu'il ne ferait de bien à sa fille.

B (monologue) : Qu'est-ce qui se passe là ? Décidément, on n'est jamais au bout de nos surprises... Et Abdou, il est certainement dans la même situation que moi. Mais que s'est-il passé entre oncle Moustapha et mes mamans ou la grande famille ? Mon père, pourquoi semble-t-il ignorer tout... cette histoire ou je ne sais quoi... bizarre ?

A (monologue) : Je suis déjà assez incommodé comme ça. Je n'ai vraiment pas envie d'être embarrassé par une chose qui se serait produite je ne sais quand. Pourquoi l'atmosphère est si pesante ? Bineta, n'a pas bonne mine, ce n'est pas bon ça. J'espère que ce qui se dira ici ne nous affectera pas, surtout elle... Pourvu que le dénouement soit heureux ! Même si tout porte à croire le contraire... 

L'histoire de BinetaOù les histoires vivent. Découvrez maintenant