Chapitre 6 : Le départ

35 11 8
                                    

Dans les couloirs encore sombres du château, des voix chuchotent, des ombres se profilent, l'excitation s'accroît et la peur grandi.
Ce sont nous, les Élus.

Je tremble, de froid ou de peur, peu importe.
Aujourd'hui, je pars.
Nous partons
Tandis que le Roi et Lucena nous font des signes d'adieu, je me tourne vers mes compagnons de route, gravissant la colline, les yeux gonflés par le manque de sommeil et les joues rosies par la soif d'aventure.
C'est sûrement imprudent,ce sentiment d'impatience, car le nombre de dangers qui nous attend est grand, mais je ne peux m'empêcher de partager leur intrépidité.
Mieux vaut être fébriles que démoralisés.

Nous empruntons des petites routes, loin des regards indiscrets, seuls sur les chemins de l'aventure.
Toutefois, sans se le dire, nous pressons le pas : le compte à rebours a commencé, l'heure tourne. Nous aurions été plus vite en calèche, mais la prudence nous l'interdit.
Nous devons rester discrets.

Le soleil se lève, le ciel change de palette en  ajoutant du bleu clair, du rose et de l'orange et les oiseaux gazouillent. Sissa aussi.
Il nous parle du monde des Hommes, de leurs étranges coutumes.
Enfin, pas si bizarres puisque nous nous inspirons de leurs méthodes.
Il y a déjà été, une fois, le jour de ses 18 ans, comme le veut la tradition des commerçants.
Là-bas, dit-il, ils ont des voitures.
Ce sont des espèces de calèches à moteur, qui avancent sans cheval. Je n'en ai pas vraiment saisi le fonctionnement, mais quelque chose me turlupine :

" Dis-moi Sissa, puisque que les Hommes arrivent à les construire, pourquoi pas nous ? Pourquoi n'avons nous pas de voitures ?

- C'est une bonne question Aliénor ! me sourit-il. En fait, ces voitures n'ont pas que des qualités. On dit qu'elles polluent, c'est-à-dire que, à la longue, elles produisent un peu le même effet que le Grand Échiquier sur la nature. Seulement, les Hommes s'en sont rendus compte trop tard, et ils ne peuvent plus s'en passer.
À Palamède, on voulait construire des voitures nous aussi, mais quand on a vu l'impact sur la nature, on a préféré s'abstenir. Peut-être que si un jour les Hommes trouvent une meilleure solution, alors nous l'adopterons. "

Je range cette information dans un coin de ma tête. Les Hommes ont, eux aussi, leur propre Grand Échiquier, que ce soient les voitures ou d'autres choses encore.
Eux aussi en sont presque dépendants, et ce sont aussi eux qui l'ont créé.
Je sais bien que notre vie est emprunte d'erreurs, mais j'ai peur d'en commettre lors de cette quête.
Et si, par ma faute, le royaume se mourrait ?
Détend-toi, Aliénor. Et souviens toi : tu guériras les blessures de la contrée. Tu l'as déjà fait sur tant de personnes !
Ce ne devrait pas être si difficile, non ?

Pendant que je m'efforce de me rassurer, Caïssa pose, elle aussi, une question :

" Une autre chose, Sissa, demande-elle de sa voix douce. Connaîs-tu le moyen de parvenir dans l'autre monde ?

- Ehm ... Non.  Personne ne le sait, à par le Roi et ses hommes les plus importants. Pourquoi ?

- Eh bien, les Rebelles veulent vivre comme les Hommes, non ? Et ils viennent de tous les ordres. Je me disais que, si les commerçants connaissaient le moyen de passer dans l'autre monde, ils risquaient de faire venir les Hommes. Mais ton ignorance me rassure, ajoute-t-elle.

- Je n'y avais pas pensé ... Tu as raison ! Parfois, certaines choses doivent rester secrètes. "

Ai-je mal vu ou il a  furtivement regardé William ?
Ces deux là cachent quelque chose, c'est certain. Mais quoi ?
Je ne saurais le dire ...

La journée passe vite et je ne me rends compte de ma fatigue que lorsque nous nous arrêtons pour passer la nuit.
Nous sommes encore loin de notre but mais si nous avançons à cette vitesse tous les jours, nous devrions arriver dans une semaine.
J'espère que les dégâts ne seront pas trop grands, mais je sais que en sept jours, beaucoup de choses peuvent changer. Alors que je n'ai pas mis un pied à l'extérieur du château en deux semaines, les animaux sont déjà plus rares et les feuilles des arbres tombent alors que nous sommes en juin.

Palamède. I : Le RéveilOù les histoires vivent. Découvrez maintenant