Palamède. I : Le Réveil

Chapitre 14 : Discussion nocturne

Nous devons parler.
Un à un, mes pas me portent à ses côtés.
Il me dévisage, ne semble pas même être étonné.
T'y attendais-tu ? Sais-tu que je connais la vérité ? Tu vas finir par le découvrir car, maintenant, j'exige des réponses.

***

" Que fais-tu ici ?

Là, c'est moi qui suis surprise. Ne serait-ce pas à moi de poser cette question ? Ce n'est pas moi qui suis sortie furtivement au beau milieu de la nuit. Pourtant, je garde mon calme car il n'y avait aucun reproche, aucune agressivité dans sa voix.

- Et toi ? Je t'ai entendu sortir et je me demandais où tu allais. Je ne voulais pas que tu te perdes, tu n'es arrivé qu'hier et il fait nuit noire.

Il sourit devant ces mots, pas dupe.

- Ça va Aliénor, pas de ça avec moi ; je te l'ai déjà dit, tu te souviens ? Réponds moi franchement : pourquoi m'as tu réellement suivi ?

J'hésite, puis je réponds. Il faut bien faire avancer les choses ...

- Je t'ai suivi parce que je ne sais pas si je peux te faire confiance. Des tas de choses pèsent contre toi dans la balance tandis que d'autres te font remonter. J'ai l'impression que tu te contredis toi-même, dans ton fort intérieur !

Ça y est, la bombe est lâchée- cette expression est vraiment étrange, je trouve mais  véridique. C'est Sissa qui me l'apprise. Chez les Hommes, il existe des petites balles noires et dévastatrices ; cette discussion aura peut-être le même effet sur notre groupe. Enfin, en partie car je dois maintenant m'expliquer. Tout de même, cela me fait du bien et, voyant qu'il ne répond rien sinon un froncement de sourcils, je continue :

- Ne me regarde pas comme ça, je suis presque sûre de ce que j'avance. Tu veux savoir ce qui t'accuse ? Tout d'abord, il y a eu toutes ces messes basses avec Sissa, peu discrètes à mon goût, même si je ne sais pas si les autres les ont remarquées. Ensuite, tu as précipitement refusé de participer à la quête, lorsque le Roi nous a parlé des Rebelles. Moi aussi j'étais énervée, mais pas au point de déclarer forfait et, je te connais William, tu n'es pas du genre à tout plaquer sur un coup de tête. Parlons maintenant de l'attaque des Rebelles. Avant de décider que nous ne les suivrons pas, Sissa ne nous a pas tous regardé, mais il t'a regardé toi. Et uniquement toi. Pourtant tu as refusé, et tu t'es battu contre eux ! Tu as même aidé Bahlit a lutter. Alors je ne sais pas, j'ai l'impression que tu t'interroge toi-même. Et je te poserai cette question William qui, je pense, tourne et retourne dans ta tête comme dans la mienne : es-tu ou non un Rebelle ? Ou vas-tu le devenir ?

Je n'ai que rarement parlé autant sans que l'on m'interrompt et William ne le fait toujours pas. Il garde le silence longtemps, très longtemps, jusqu'à -enfin- daigner affronter mon regard et me répondre.

- Je ne le suis pas, et je ne sais si je le deviendrai un jour.

Il murmure puis élève la voix, comme si il me défiait de le contredire, comme si il voulait me prouver qu'il assume tout ce qu'il me dit, tout ce qu'il va me dire.

- Tu n'as pas tout à fait tort mais, avant de porter jugement, écoute moi. Je ne sais pas si tu m'approuveras, mais je sais que tu es assez intelligente et empathique pour me comprendre moi, et ce qui me pousse à hésiter.

Il marque une nouvelle pause et je lui fais signe de continuer. Ce n'est pas avec des compliments qu'il va m'amadouer, mais je pense qu'il me connait suffisamment pour le savoir. Non, tout ce qu'il veut, c'est quelqu'un qui le comprenne. Voyons maintenant si je peux répondre à cette attente ...