Chapitre 16 : Les adieux

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Je me lève péniblement, les yeux gonflés par le sommeil et les cheveux en pagaille. Nous sommes rentrés si tard hier que, si je n'avais pas dormi, j'aurais été dans le même état. Parce que je n'ai pas assez d'énergie pour faire autrement, je me lève, m'habille et mange sans un bruit, machinalement. Comme les créatures de ferraille décrites par Sissa, les ... Robots. Oui, comme un robot. Je suis triste, fatiguée, lasse.
Trop lasse pour sourire et faire semblant.

***

Seuls les imbéciles ne changent pas d'avis, n'est-ce pas ? Je tâcherai donc de ne pas en être une en ce moment, en donnant à ma famille une dernière image de moi gaie et souriante. D'ailleurs, les voilà qui arrivent, tous les sept. Comme beaucoup de fois durant ces derniers jours, les larmes me viennent et arrive ce qui a été le deuxième point le plus courant de ce séjour : les embrassades. Je crains d'en faire trop, de me trahir. Pour eux, je serai de retour dans quelques temps, à condition de réussir notre mission bien sûr. Si je ne veux pas qu'ils me retiennent, que les adieux soient plus durs je ne dois faire allusion à rien et pourtant, je ne peux faire comme si de rien n'était. Je m'écarte de ma mère, lève les yeux vers les visages de mes parents et dis d'une petite voix :


- Ecoutez, si ...

- Ne t'en fais pas, Aliénor, me coupe mon père d'une voix bienveillante. Si tu dois être amenée à tuer quelqu'un, un Rebelle ou n'importe qui qui pourrait attenter à ta vie ou celle d'un de tes amis, nous comprendrons.  Ce n'est pas parce que tu es une guérisseuse que tu n'as pas le droit de te défendre, d'accord ? Tu es courageuse et, quoi qu'il arrive, nous serons fiers de toi, souviens-toi en toujours.


Ces paroles, si gentilles, si aimantes ne font qu'accroître la culpabilité qui m'assaille. Alors, quand je peux enfin reprendre la parole, ma voix se brise.

- Si on ne se revoit jamais, je veux vous dire ... Merci. J'ai vraiment été heureuse avec vous, je le suis encore et ... Ne souris pas Titouan, cela peut paraître idiot, trop sentimental, mais ...

- Ne dis pas ça, Aliénor. Tout va bien se passer, tu verras. Tu t'en sors toujours, toi.

Et mon grand frère de me passer la main dans les cheveux et de me serrer contre lui. Éloi s'est toujours montré protecteur envers moi, me défendait lorsque Titouan et Aurélien me jouaient des tours et, même si je m'entend très bien avec eux, j'ai une relation privilégié avec lui. On a toujours été très proche l'un de l'autre et c'est grâce à moi si Aurore l'a épousé ... À ce propos ...

- Aurore ? je la dévisage, elle et ses cheveux blonds qui lui tombent dans les yeux, qu'elle a de ruisselants.
J'ai un service à te demander. Tiens, prends cette enveloppe. Elle est destinée au Roi et n'est à ouvrir sous aucun prétexte ; pourras-tu la lui envoyer s'il te plaît ? Papa et Maman sont très affairés et mes frères sont tellement étourdis ... dis-je en lui souriant d'un air entendu.

- Bien sûr ! Je n'y manquerai pas, Aliénor. Oh, viens là, soeurette !

Et c'est maintenant contre ma grande sœur d'adoption que je me laisse aller. Enfin, je serre Fabio à l'en étrangler puis je salue mes amis guérisseurs. Ludivine, Agathe, Achille, Adrien, Sophie ... Tous me disent qu'il croient en moi, que je n'ai pas été choisie pour rien. Que dans un mois je serai de retour.
Bien sûr.
Je prends un air confiant, déterminé.  Même lorsque que les Druides me font leurs dernières recommandations, je garde la tête haute.
C'est si facile de jouer la comédie.

***

Mais affronter la réalité est d'une toute autre envergure.
À peine avons nous quitté la forêt que je m'effondre contre Caïssa, secouée de sanglots.
Pourquoi les erreurs datant de plus d'un millénaire d'un vieil homme doivent me coûter la vie ?
Comment réagiront les membres de mon ordre réagiront lorsqu'il apprendront la vérité ? Et comment ma douce amie parvient-elle à supporter mes jérémiades ?
Je m'en veux de me lamenter ainsi et pourtant je ne peux m'en empêcher. Dans un sens, je suis certainement chanceuse de pouvoir compter sur quelqu'un à l'abri du regard des autres, car nous cheminons un peu en retrait,  laissant les garçons nous devancer de plusieurs mètres.

Palamède. I : Le RéveilOù les histoires vivent. Découvrez maintenant