Chapitre 13 : Le Village des guérisseurs

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Ni une ni deux, je lève les yeux. Et là ... J'aperçois celle qui me connait le mieux, qui m'a légué ses pupilles grises et m'a tout appris : ma mère.

***

Elle a surgit de nul part, de derrière un arbre sûrement et s'élance maintenant vers moi, les bras grand ouvert. Je lâche la civière, sous le choc. Heureusement William réagit à temps, évitant à Euphron une mauvaise chute. À mon tour, je me mets à courir et très vite les quelques mètres qui nous séparaient disparaissent et je suis dans ses bras. Je l'enlace, ses cheveux bruns et les miens ne font plus qu'une tignasse bicolore, je sens contre mes joues ses larmes et devine qu'elle sent également les miennes. Je la serre à l'en étouffer, tous mes efforts pour paraître forte et adulte s'évanouissent et je suis à nouveau la petite fille aux nattes blondes, à la robe blanche qui sent la lavande et aux grands yeux écarquillés de curiosité. Je la revois m'apprendre à bander un patient, sa voix douce et son air patient. Enfin, elle est à nouveau devant moi, cette force tranquille à qui je m'étais résolue de ne plus penser après avoir pleuré seule les trois premières nuits au château. Nous nous décollons l'une de l'autre, toutes deux apaisées.

" Tu es revenues ... souffle-t-elle.

Elle semble enfin remarquer mes compagnons et fronce les sourcils l'espace d'une seconde puis se ressaisit et laisse place au sourire bienveillant qui lui est caractéristique.

- Je vois que vous n'êtes pas en très bon point ... Suivez-moi, nous allons arranger ça, les invite-t-elle, accompagnant ses paroles d'un geste de la main.

Mes amis et moi-même la suivons et je suis tellement heureuse que je crois que mon cœur va éclater. Je souris à cette pensée : c'est parfaitement impossible, mon père se moquerait bien de moi s'il m'entendait ! Puis je songe à la, car je vais le revoir, tout comme mes frères et mon neveu. Je ne tiens plus, l'impatience s'empare de moi alors je presse le pas, distençant presque ma mère jusqu'à ce qu'elle me fasse signe de ralentir : il y a tout de même un blessé. Je me souviens alors que j'ai complètement oublié Euphron, William et la civière. Par chance, Sissa s'en est déjà chargé et m'adresse un sourire, me disant "ne t'en fais pas, on s'en charge." Ce n'est qu'à cet instant que je réalise que, dans mon empressement, je n'ai pas encore fait les présentations.

- Pardonnez-moi, je ne vous ai présenté : voici ma mère, Béatrice. Maman, mes amis sont William, Caïssa, Sissa, Bahlit et Euphron, dis-je en les désignant tour à tour.

Je lui lance un regard signifiant que je lui raconterai tout dans les détails plus tard, auquel elle répond d'un hochement de tête, même si je vois qu'elle est assez déstabilisée. Heureusement, je peux compter sur Sissa pour lui redonner confiance :

- Enchanté Madame ! Mes compagnons et moi sommes ravis de vous rencontrer, et nous vous remercions déjà pour votre accueil, sourit-il. Aliénor, je crois que tu n'avais pas besoin de nous annoncer que vous êtes mère et fille, vous avez parfaitement la même expression de visage, les mêmes traits !

Cette remarque m'amuse, car les gens n'arrive jamais à se mettre d'accord : Est-ce que je ressemble le plus à ma mère ou à mon père ? Nous verrons ce qu'ils diront après avoir fait sa rencontre et, cette fois, j'ai l'impression de mourir d'impatience. Penser à des choses si banales me plaît, ça fait longtemps, mais cela ne durera guère, je le sais. Nous prendrons quelques vivres, attendrons que Euphron soit suffisamment remis puis nous repartirons, car le temps presse : ni le Grand Échiquier ni les Rebelles ne nous attendrons, et rien que cette idée me fait frémir.

***

Des chaumières, des portes et des volets de bois, des roses trimières et des fontaines d'eau de source de toutes parts : pas de doutes, nous voici dans mon village, le Village des guérisseurs.

Palamède. I : Le RéveilOù les histoires vivent. Découvrez maintenant