Chapitre 10 : Guérir

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Il fait nuit noire, et pourtant personne ne dort.
Nous avons vaincu la bataille, et pourtant personne ne se réjouit.
Nous sommes tous en vie et pourtant ... Nous restons meurtris, et blessés.

***

Délicatement, je soulève la jambe d'Euphron, tentant d'examiner la blessure malgré le sang abondant, à la lueur d'une torche.
J'aimerais pouvoir dire qu'elle est superficielle, mais ce n'est pas le cas. Cette blessure est grave.
Très grave.
Il faut à tout prix que je la soigne, ou il perdra l'usage de sa jambe et ça, ce n'est pas envisageable. C'est le moment de reprendre mes vieilles habitudes, que j'adore et déteste à la fois.

" Bien, Euphron, sois courageux, tu vas survivre.

J'utilise cette voix douce et rassurante qui m'est maintenant si familière après tant et tant d'années à guérir, mais cette fois-ci je ne sais si je l'utilise pour m'apaiser moi ou mon patient.

- Je vais nettoyer le sang afin de mieux voir ta plaie, je cueillerai des plantes pour te préparer une pommade et t'en administerai d'autres pour que tu souffres moins. Ensuite, je te ferai une attelle et un bandage, j'ai du matériel dans mon sac. Tout va bien se passer, tu vois ? Seulement ... Ne t'endors pas, je t'en prie.

J'accompagne cette dernière phrase d'un sourire forcé, tentant de la rendre moins lourde de sens, mais je sais qu'il a compris. Il n'a pas le choix ... C'est une question de vie où de mort.
À côté de moi, Sissa gesticule, gêné. Il a l'air tellement mal à l'aise que je l'interroge d'un regard, auquel il répond par un profond soupir, et dit, en un murmure :

- Tout est ma faute. Tu dois te demander comment Euphron a pu être vaincu, non ? à partir de cet instant, sa voix se brise. C'est ... C'est parce que je ... Je n'ai pas su résister à mon opposant, j'allais ... J'allais me faire tuer et alors il est venu ! Il m'a sauvé, tu comprends ? Au détriment de sa vie ! Si il ... Si il ... Je m'en voudrais toujours, je ...

Ses yeux se remplissent de larmes et je voudrais, je devrais le prendre dans mes bras mais je ne peux pas. Moi-même je suis sous l'emprise des doutes et de la culpabilité. C'est elle d'ailleurs qui parle, lorsque je réponds à Sissa d'une voix lasse et trop sèche :

- Sissa ... Je comprends que tu t'en veuilles mais cela ne l'aidera pas à guérir. Et crois-moi, j'aurais presque préféré perdre contre mon adversaire, moi aussi.

- Enfin Aliénor, tu ne peux pas dire ça, tu ... Tu nous a sauvé !

Son ton est empreint d'admiration et de tristesse, mais cela ne fait que m'irriter davantage.

- Vraiment ? J'ai failli tuer une personne, Sissa ! Je ne suis pas sûre que tu saisisses l'effet que cela provoque ! J'allais tuer quelqu'un, moi ! Une guérisseuse ! C'est parfaitement contraire à ce que l'on m'a appris, tu comprends ? Je suis née pour sauver des vies, pas pour les détruire ! Je ... J'ai l'impression que je n'arriverai plus à me faire confiance ... Comment ais-je pu faire ça ?

Ma tirade a dûe être entendue à des kilomètres à la ronde, ce que je comprends lorsque que William s'approche de nous, le visage soucieux.

- Aliénor ...

Sa voix est aussi douce que lorsqu'il avait réconforter Bahlit, et cela ne fait qu'accroître ma mauvaise humeur, mais il pose sa main sur mon épaule, plonge ses yeux bleus dans les miens et je suis bien obligée de me calmer.

- Je suis désolé, je ne peux pas comprendre ce que tu ressens, mais je me doute bien que c'est horrible. On en reparlera, si tu veux ? En attendant, dis nous ce que l'on peut faire pour se rendre utile.

Palamède. I : Le RéveilOù les histoires vivent. Découvrez maintenant