Colin: Bring Me Back To Life

3. La Perle Rare

Colin

Le concert touche à sa fin et a été un énorme succès comme à chaque fois. La foule en redemande, encore et encore. Après un dernier morceau improvisé, nous rejoignons les coulisses pour le verdict du producteur que nous retrouvons en pleine discussion avec Charlie. Nous nous approchons nerveusement en attendant sa décision. Le visage souriant, Charlie me fait signe d'avancer en sa direction. 

Je me retrouve face à un homme d'une quarantaine d'années, vêtu d'un costume hors de prix, un gros cigare dans la bouche. Ses cheveux longs sont attachés en une queue de cheval et une barbe bien taillée orne son menton.

— Approchez les enfants, nous intime Charlie. Je vous présente monsieur William Baker. Il a déjà été le producteur de plusieurs groupes de rock que vous connaissez surement et un très bon ami de longue date.

— Enchantés Monsieur Baker. Je suis Colin Spencer, le leader du groupe et voici Adam Peterson le batteur et Doris Carson la bassiste.

Baker hoche la tête d'un air nonchalant en serrant nos mains à tour de rôle. Après avoir jeté un rapide coup d'œil sur son Smartphone, il reporte son attention sur nous.

— Bien, parlons des choses qui fâchent. Vous avez du talent et pas mal de potentiel. Votre musique est prenante, il faut le dire, et vous êtes très doués. Vos textes sont réfléchis et pointant. Vous composez vous-même vos chansons, j'imagine ? 

— J'écris les textes et on compose ensemble les musiques.

— Très bon boulot, Spencer. Amertume, amour brisé, colère, sensualité... Vos textes parlent à tout le monde ! Il y en a pour tous les goûts. Je vous en félicite. 

Mais... il y a surement un mais...

— C'est bien beau tout ça, mais il y a un hic. Je suis désolé mais je vais être direct ; ce que vous faites n'a rien de spécial par rapport à ce qui existe déjà sur le terrain. Vous n'êtes qu'une pâle imitation des plus gros groupes de rock déjà connus. Et comprenez-moi, je n'investis pas dans une pâle imitation de Metallica ou de Five Finger Death Punch. Ce que je cherche, c'est un groupe unique, spécial, capable de nous transporter ailleurs, dans un monde  propre à lui. 

Je ravale ma salive. Bien sûr, c'était trop beau pour être vrai. Quand je pense qu'on a donné tout ce qu'on avait pour ce concert. Mais très vite, une colère subite s'insinue dans mes veines. Ce producteur s'amuse à nous faire des éloges pour nous enlever tout espoir juste après. Pas question qu'on laisse passer cette chance ! 

— On est prêt à faire c'qu'il faut pour nous démarquer des autres. On s'est construits tout seuls. On est très soudés, très attachés à notre musique. Mais pas fermés. 

— C'est exactement ce que je voulais entendre, Spencer. D'ailleurs, si je peux me permettre... pourquoi ne pas rajouter un peu de douceur à vos sons ?

— Un peu de douceur? C'est-à-dire?

— Votre voix est grave monsieur Spencer. Très grave. Vous êtes le nouveau Peter Steele, c'est le cas de le dire. Ça a son charme, ça plait, bien entendu, mais si c'est pour dire que Nightmareden sont une contrefaçon moderne des Type-O Negative, je suis pas prêt à investir des sommes sur vous. Vous, Doris, c'est ça? Avez-vous des capacités vocales?

Doris regarde le producteur d'un air ahuri. Intérieurement, je rigole. S'il recherche de la douceur, ce n'est absolument pas à Doris qu'il faut s'adresser.

— Je... j'ai jamais chanté, répond la bassiste dans un grognement surpris. Je pense pas que ma voix soit adaptée pour le chant.

— Vous ou une autre, peu importe. Un mix entre la voix grave de Spencer et une voix plus douce, plus suave et féminine, ça serait top et ça vous permettra de vous démarquer des autres groupes et de marquer les esprits.