13. La tombée des barrières

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Flashback: appartement de Jeff et Sandy, deux ans en arrière.

Une colère noire émanait de chaque pore de peau de la jeune brune. Elle contemplait son homme, ne comprenant pas pourquoi il campait sur ses positions. Une fois de plus, il ne l'écoutait pas. Une fois de plus, son avis ne comptait pas ... et ce fut la fois de trop.

— J'en ai marre, Jeff ! s'époumona-t-elle pour la énième fois en une semaine. Marre d'être comme une marionnette aux mains de cette ordure de Rob !

— Putain, Sandy mais tu piges rien de rien ! Je t'ai déjà dit que j'pouvais pas quitter Rob ! Si j'le quitte j'suis un homme mort. Au mieux je passe le restant d'mes jours en taule. C'est ça qu'tu veux ?

— Mon ange, comprends-moi. On pourrait s'enfuir, partir à l'autre bout du pays. On vivra loin de toute cette merde.

— Et tu comptes faire comment pour payer notre came ? C'est pas avec mes revenus de tatoueur qu'on va pouvoir acheter nos doses. Avec Rob, on est au moins sûrs de pas être en manque.

— On avisera. L'important, c'est qu'on soit ensemble ...

— Grandis un peu, Sandy ! Dans c'milieu on a besoin d'être protégés par une grosse tête. Rob a ses contacts, tant qu'on est sous son aile, on est soutenus. Même si le prix à payer c'est de dealer pour lui toute notre vie.

Le cœur de la jeune femme se crispa. Jeff n'avait jamais été un tendre. Il n'avait jamais pris en compte les souhaits de sa compagne. Pour lui, elle lui devait obéissance et respect. Car sans lui, elle ne serait rien à l'heure qu'il est.

— C'est pas une vie pour moi, conclut-elle, la gorge nouée. Je veux être libre.

— Désolé, ma belle, mais tu savais dans quoi tu t'embarquais quand tu m'as suivi. Si t'es pas contente, tu peux t'casser.

Des sanglots se formèrent dans les yeux de la jeune Sandy. Était-ce là tout ce qu'elle représentait aux yeux de cet homme qu'elle aimait follement ? Qu'elle idolâtrait presque ?

— Tu ... t'es pas sérieux là, balbutia-t-elle. C'est ta came qui parle à ta place.

— J'suis pas camé. J'te parle en pleine conscience. J'suis comme ça, tu m'as connu comme ça. C'est à prendre ou à laisser, poupée.

— Tu sais quoi, Jeff ? Va te faire foutre ! J'me casse !

Bouillonnant de rage, et blessée dans son ego, la jeune femme claqua violemment la porte, sorti une cigarette de la poche de sa veste et s'élança dans les rues de la ville.

Elle erra pendant des heures sans aucun but jusqu'à en tomber de fatigue. Elle n'en pouvait plus de cette situation invivable. Épuisée, mais calmée de sa colère, elle prit un bus de nuit et rentra enfin chez elle. Lorsqu'elle pénétra l'intérieur de l'appartement, l'odeur familière de l'ammoniac chatouilla ses narines.

— Putain, Jeff, t'es encore en train d'te piquer !

Aucune réponse.

Le cœur de Sandy s'arrêta de battre brusquement lorsqu'elle découvrit le corps de son amant, effondré sur le sol. Sa peau était anormalement pâle, presque bleutée, et ses paupières largement écarquillées, teintées d'effroi.

Elle se précipita vers lui, priant le ciel et tous les dieux qui pourraient exister qu'il n'était pas trop tard. D'une main tremblante, elle toucha l'épiderme de son amant, et constata qu'il était aussi pâle que la mort, aussi froid que la glace, aussi dur que le marbre.

Colin: Bring Me Back To LifeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant