1. Case départ

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I.

Les immeubles se dressaient face à moi tel un immense mur. Plantée devant l'hôpital en plein milieu du trottoir, je redécouvrais Liota, cette ville autrefois mienne devenue gigantesque. 

Je ne reconnaissais presque plus rien. Aussi bien les bâtiments et les rues que les habitants. Tout avait changé, ou plutôt évolué. En dix ans, le monde semblait comme métamorphosé. Il m'était cette fois impossible de discerner le vieux du neuf, j'étais perdue dans ma propre ville. 

Et ces gens, ces habitants désormais ultra connectés marchant à toute allure sans jamais lever le regard... À cet instant, j'avais cette horrible impression de ne plus être à ma place, d'être l'inconnue sur le territoire inexploré, hostile. 

Par où aller ? Quelle direction suivre ? J'étais totalement désorientée. Je ne savais littéralement plus où donner de la tête. Il fallait absolument que je rattrape mon retard, que je retrouve mes repères et cette sensation d'être en sécurité, d'être chez soi.

Profitant du passage de plusieurs hommes, je m'engageai finalement avec eux dans leur direction, n'ayant toujours aucune idée du chemin à suivre. Avec un peu de chance, ceux-ci allaient peut-être me guider jusqu'au prochain grand point de croisement, en espérant que cette fois, je puisse me repérer. Je devais aller à L'Opéra et retrouver les autres. Retrouver Alec. 

— Ecrire cet article est vraiment une mauvaise idée.

— Lucas à raison, tu ne devrais pas le poster, on ne sait pas ce qui pourrait t'arriver...

Déambulant discrètement derrière eux, je surpris alors un bout de leur conversation.

— Les vampires ne m'impressionnent pas, répondit l'un d'eux aux autres.

Je me raidis et me stoppai net. On me percuta alors aussitôt.

— Hey ! On ne s'arrête pas comme ça au milieu, bon sang ! me cria-t-on. 

Mais je ne réagis même pas. J'étais pétrifiée. Les humains étaient donc vraiment au courant de notre existence.

Pour des raisons que je n'arrivais toujours pas à expliquer, je ne pouvais m'empêcher d'avoir peur à cette idée. Les yeux rivés sur ce groupe d'hommes avançant désormais sans moi, je tendis un peu plus l'oreille. 

— Je n'aime pas les savoir autour de nous. Ils sont une menace pour la société et tout le monde doit prendre conscience de cela au plus vite.

— Pourtant, le taux de criminalité semble avoir diminué depuis leur révélation, et je crois que j'aime...

— Foutaise je vous dis ! Avec cet article, je vais littéralement exploser le roi ! Attendez donc de voir demain, je vais carrément retourner Internet. Il faut que le monde ouvre les yeux !

Ses amis et collègues se dévisagèrent, perplexes.

— Personnellement..., lui fit l'un d'eux. Bien qu'il ait toujours fait preuve d'une très grande et remarquable bonté, j'éviterai de m'attaquer directement à ce roi Oscar. On ne sait jamais, ça pourrait te porter...

Je sursautai tout à coup, le klaxon d'un énorme 4x4 passant près de nous nous surprenant tous au même moment. 

J'inspirai alors un grand coup. J'étais affreusement tendue, rien n'était comme dans mes souvenirs. Et lorsque je venais enfin à reconnaître une rue, un commerce, quelque chose de nouveau, de continuellement grand et d'excessivement moderne venait me gâcher la vue.

 
Le groupe d'hommes disparu lentement de mon champ de vision et je me retrouvai de nouveau livrée à moi-même. Je levai finalement les yeux au ciel et distinguai difficilement le soleil à travers les épais nuages du temps. Une étrange sensation me gagna tout à coup. Le Setran était-il en train de me manquer ? Sa lumière, contrairement à celle de l'astre désormais au-dessus de moi, ne me fatiguait pas. 

L'Héritier : La Fièvre RougeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant