VI.
Liota, 2028.
Balthazar jeta un dernier regard à l'Héritier, son visage marqué par le dégoût, et quitta la pièce en silence. Alec s'était enfin décidé à annoncer la vérité sur ce qu'était désormais Liota. À l'évocation des lois et des lourdes peines qui nous menaçaient tous, tout le monde se tut, la crainte de devoir à nouveau se sentir à l'écart du monde s'amplifiant un peu plus chaque minute.
Il avait balancé ces infos sans ne jamais montrer aucune émotion. Son intonation était platonique, complètement morte. Ce fut comme si, dès l'instant où nous avions quitté mon frère, son cerveau s'était déconnecté. Les jumelles, paniquées à l'idée de devoir encore se cacher, en eurent les larmes aux yeux. La peur même résidait entre les lignes de ces lois. Et tous, moi y compris, redoutaient déjà le moment de notre jugement. Connaissant les membres de notre minuscule groupe, ce n'était plus qu'une question de temps avant que l'un de nous n'aille à l'encontre de ce nouveau règlement.
À la fin de ses révélations, Alec quitta l'immeuble sans un mot, sans même un regard, son esprit indéfiniment perturbé par celui dont j'aurais déjà dû oublier l'existence.
De toute évidence, Oscar était quelqu'un d'important. Assez pour rendre un Unfford vulnérable par la simple évocation de son nom.
Nous ne le revîmes pas de la soirée, tout comme Lussi. Tous les deux avaient soudainement déserté notre repère.
* * *
— Alors le monde est vraiment devenu fou..., souffla Alaka en se laissant retomber sur son lit.
— Nous devons vraiment rester vigilants, lui dis-je en sortant de la salle de bain, une serviette sur la tête.
— Et toi ? Tu penses quoi de tout ça ?
Je ne répondis pas tout de suite et m'approchai pour m'asseoir près d'elle.
— Ces lois ont clairement pour but de nous éliminer, dis-je franchement. Tous partent visiblement du principe que les vampires ne sont que des créatures sauvages.
— C'est complètement stupide...
— Complètement. À ce sujet, nous n'avons pas à nous sentir directement concerné. Mais notre nature nous inclut malgré tout dans le tas...
— Balthazar n'aime pas cette situation. Je crois qu'il a peur, lui aussi.
— Comment ne pas avoir peur ? repris-je. Un pas de travers et les humains nous dénoncent.
Elle soupira, l'air dégoûté, et se redressa lentement.
— Toi aussi tu as entendu parler de ce roi, n'est-ce pas ?
Je me contentai d'acquiescer en silence.
— Ne peut-il pas simplement dire à ses satanés sbires Solitaires de se tenir à carreau ? Sans tous leurs écarts, aucune de ces lois n'aurait vu le jour !
— Je ne sais pas. Je n'ai pas l'impression que ce soit aussi simple...
À vrai dire, je n'en savais rien. J'essayais de donner à ce personnage qu'on m'avait clairement ordonné d'oublier une raison d'être, d'exercer, une utilité dans un monde comme le nôtre.
— Bon, et cette couleur, ça donne quoi ? lança soudain Alaka en tapant sur ma serviette.
Je la déroulai alors rapidement et secouai la tête.
— Cette Veky m'avait un peu manqué.
J'avais enfin décidé de me débarrasser du blond d'Aros, la couleur claire me donnant constamment l'impression que nous pouvions repartir à n'importe quel instant. Qu'à tout moment, le cauchemar pouvait recommencer.
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L'Héritier : La Fièvre Rouge
Vampiros(Tome 3) Attention aux spoilers si vous n'avez pas lu les livres précédents! (Tome 3) De retour à Liota, Veky se réveille seule à l'hôpital et se confronte une fois de plus à une réalité compliquée. Ce n'est plus un an, mais dix qui se sont écoulés...