2. Charognards

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II.


— C'est beaucoup trop long.

— Sire, soyez encore patient.

Ces voix venues de loin vinrent progressivement me sortir de mon sommeil, l'exquise odeur du sang me ramenant presque aussitôt à moi. J'ouvris alors les yeux, la lumière de l'appartement m'aveuglant l'espace de quelques secondes.

— Regardez, la voilà qui revient à nous.

Allongée sur un canapé, toutes ces silhouettes perchées au-dessus de moi, j'analysai lentement l'expression de chacun, le souvenir de leur visage me revenant finalement petit à petit.

— Veky, bois, me dit-on.

Je tournai légèrement la tête et posai enfin mon regard sur Alec. Celui-ci, accroupit auprès de moi, une bouteille à la main, me scrutait d'un air inquiet. Mais à peine eus-je le temps de parfaitement me remémorer nos souvenirs que le sang vint une nouvelle fois titiller mes sens, son parfum terrible me faisant instantanément réagir. Plus attiré que jamais par la liqueur rouge, mon corps réagit sans tarder. Je me redressai alors brusquement et agrippai le bras d'Alec, les yeux rivés sur cette bouteille pleine d'hémoglobine. Immédiatement, il la porta jusqu'à moi et je m'en emparai aussitôt.

— C'est ça, dit-il doucement en me voyant avaler le tout à toute vitesse.

Et en l'espace de quelques secondes seulement, la force qui m'avait brusquement abandonné revint de plein fouet imprégner mes muscles, la douce chaleur de celle-ci reprenant progressivement possession de moi.

— Sire, je retourne en ville, lança Lussi au loin. La chambre et les vêtements sont prêts.

— Non, tu restes, répondit soudain Alec. Désormais, nous nous déplacerons tous ensemble.

J'avalai la dernière gorgée et posai enfin la bouteille, un profond soupir s'échappant aussitôt de ma bouche.

— Bien. Entendu.

La jeune femme vint alors s'asseoir sur un fauteuil près de la fenêtre et enleva ses chaussures.

— Veky, comment te sens-tu ? me demanda Alec.

Je redressai la tête dans sa direction

— À qui appartenait ce...

— Ne t'en fais pas pour ça, me coupa-t-il aussitôt en récupérant la bouteille vide.

Et au même moment, je vis par-dessus son épaule toutes ces silhouettes se tenant debout derrière lui et reconnus enfin parfaitement tous ces autres visages.

— V-Vous êtes tous là... ! m'étonnais-je en reconnaissant Alaka, Balthazar et les jumelles.

— Maintenant oui, me fit Alaka en souriant.

Ils avaient légèrement l'air changé. Peut-être était-ce dû à leur nouveau style vestimentaire, les vêtements d'Aros désormais troqués contre des habits beaucoup plus ordinaires, plus modernes.

— Penses-tu pouvoir te lever ? dit de nouveau Alec en passant sa main dans mon dos.

Cette fois, je ne regardai que lui. De toute évidence très concerné par mon état, il analysa avec attention ma figure. Le pauvre. Sans le vouloir, je l'avais complètement ignoré depuis le début. Lui aussi était là. Alors, dans un brusque élan de soulagement, je me jetai à son cou et le serrai contre moi.

— Tu es là ! lui soufflais-je. J'avais tellement peur de ne pas réussir à revenir jusqu'à toi !

Visiblement pris de court, ce ne fut qu'au bout de quelques instants qu'il me rendit mon étreinte.

L'Héritier : La Fièvre RougeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant