L'Héritier : La Fièvre Rouge

3. L'Homme et la Bête

III.

— Monsieur Gordon, quelles mesures votre industrie a-t-elle convenu de prendre au cours des prochains jours ?

Le journaliste s'était levé, son enregistreur tendu devant lui.

— Une importante partie de la ville a été touchée, fit l'homme assis sur l'estrade face à cette horde de photographes. Il nous faudra donc intervenir à plusieurs endroits à la fois. Dès demain, nous entamerons notre grand projet de nettoyage indispensable à la réalisation des rénovations futures. Il s'agira par la suite de redonner à notre ville une nouvelle âme en liant sécurité, technologie, et modernité. Et pour ce faire nous bénéficierons grandement de l'aide de notre chère maire ici présente ainsi que de celle de notre nouvel associé également à mes côtés en ce moment.

Une dizaine de mains se levèrent immédiatement. Les questions concernant cette récente et étonnante alliance fusaient. Jamais personne n'aurait imaginé une telle chose se produire.

— Madame la maire, lança une femme, son carnet de notes en main. Êtes-vous certaine qu'une alliance avec Monsieur Oscar...

— Le roi Oscar, la coupa brutalement un homme depuis l'estrade.

Debout non loin du principal concerné, celui-ci, un vampire habillé comme un garde du corps, fusilla la journaliste du regard. La tension était palpable.

— Veuillez m'excuser, reprit-elle aussitôt. Madame, êtes-vous certaine qu'une alliance entre Denovan Ordon, président des industries Ordon, et le roi Oscar est sans danger ?

Celle-ci ne quitta pas une seconde le jeune directeur des yeux, la présence et l'étrange aura de la créature la plongeant dans un état d'anxiété alarmant. Contrairement à d'autres beaucoup plus curieux et ouvert d'esprit, elle semblait à tout prix vouloir éviter le contact.

— Son aide nous est aujourd'hui précieuse, intervint soudain Denovan. Elle est une solution au manque de temps et de moyens auquel nous allons bientôt faire face. Il s'agit d'une main-d'oeuvre non négligeable et je pense que beaucoup sont du même avis que moi.

— Que se passera-t-il si le roi venait à enfreindre les lois le concernant ? lança un nouveau journaliste au loin en se redressant subitement.

Alors, Oscar, silencieux depuis le début, pouffa doucement de rire. Tous les regards se posèrent instantanément sur lui.

— Vos questions semblent amuser mon associé, fit aussitôt Denovan en souriant.

— Veuillez m'excuser, dit enfin le roi. Je n'ai pas pu m'en empêcher.

— M-Monsieur le roi, qu'avez-vous à répondre aux propos de mon collègue ?

Un autre homme intervint à son tour en se levant. La salle semblait soudain retenir son souffle. Tout le monde n'avait plus d'yeux que pour lui. Derrière ses petites lunettes noires, Oscar scruta un instant cette nouvelle silhouette puis balaya lentement du regard le reste de l'assemblée. Les deux coudes posés sur la table, les mains liées, il tapotait doucement son index sur le dos de sa paume.

— Combien de fois allez-vous encore me poser cette question ? dit-il enfin, un étrange sourire se dessinant dans le coin de ses lèvres. Mes précédentes alliances ne vous suffisent-elles pas ? dit-il enfin. Dois-je encore faire mes preuves ?

— Ce n'est pas ce que...

— Vous semblez vite oublier l'incroyable impact de mes actions sur notre société. Et je dis bien « notre », continua Oscar en coupant ce même journaliste. Car contrairement à vous, je ne fais plus de différence depuis bien longtemps. Sans moi ni l'aide de mon peuple, Liota ne serait certainement pas ce qu'elle est aujourd'hui. Notre force hisse vos maisons et vos bureaux, elle rend service à quiconque en a besoin. Notre esprit est devenu le meilleur allié de nos investigateurs. Grâce à nous, plus rien ne nous échappe et la justice est rendue. Quant à notre sang, pas un jour ne se passe désormais sans qu'il ne sauve des vies. Vos vies.