Chapitre 27 : Nawen

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Le soleil était déjà haut dans le ciel lorsque je réussis à m'extirper de mon lit. Je montais sur le pont, mais Nymphéas était immobile et Gwen n'était visible nulle part. Je me mis à sa recherche et la trouvais bientôt, écroulée de fatigue sur son bureau. Des documents s'empilaient autour d'elle et je jetais un œil. Au premier abord l'ensemble semblait désordonné, mais je réalisais que Gwen faisait preuve d'une organisation claire dans le classement de ses papiers. L'une des piles était constitué de plusieurs livres et rapports anciens et, en regardant par dessus son épaule, je compris qu'elle s'était endormie en relatant les événements d'Élègnir dans son carnet de bord.

Je savais bien que c'était trop privé pour que je lise, mais je ne pu lutter longtemps contre ma curiosité et ouvris son livret. En le feuilletant, je tombais au hasard sur le compte-rendu du jour de notre rencontre :

Alors que je venais d'accomplir le rite funéraire que Phil souhaitait, j'avais l'impression de me consumer en même temps que lui. Et puis je surpris la serveuse de la taverne qui m'épiait. Grand yeux brillants et violets (violets!) qui me demandaient de venir avec moi. Sérieusement ? C'était la requête la plus inattendue et la plus étrange que j'avais jamais entendu. Elle me prenait pour une navigatrice avertie, une pro, qui pourrait la transporter à l'autre bout du monde. Alors que j'étais encore une messagère de rang 2, d'à peine vingts ans, et qui venait de perdre son père. Une seconde fois. Mais ce que je comprenais le moins, c'est que j'avais accepté. J'avais dit oui ! Est-ce que j'avais à ce point besoin de compagnie ? Je n'avais jamais eu d'amie, pourquoi cela commencerais aujourd'hui ? C'était probablement ses oreilles de chat qui m'avaient perturbé. Oui parce que Nawen était une Zoan, en plus ! Et j'imaginais Phil avec son grand sourire, tout fier que je sympathise avec une autre humaine... Elle était toute adorable, savait cuisiner, mais aussi se battre, avait peur de l'eau et dormait mal en mer... S'il lui arrivait quoi que ce soit, je m'en voudrais à mort.

Je refermais son carnet, honteuse d'avoir surpris les pensées de Gwen. Elle se sentait à ce point responsable de moi... Je tentais de penser à autre chose en promenant mon regard sur l'autre pile de papiers qui occupait son bureau, avant de me rendre compte qu'elle me concernait. Gwen avait tracé des traits approximatifs entre deux avis de recherche découpés dans le journal, le mien et un autre que je connaissais bien. Plusieurs brouillons d'arbres généalogiques se superposaient, parsemés de références à des articles ou à des livres, remplis de marques-pages. Gwen cherchait à savoir d'où je venais... Une vague d'amitié monta en moi, et si Gwen avait été réveillée je l'aurais probablement câlinée. Moi qui ignorais depuis si longtemps l'origine de ma mère, elle tentait de la trouver pour moi !

Je m'approchais d'elle et passais délicatement mes bras autour de ses jambes et de ses épaules, afin de la transporter dans la pièce voisine, jusqu'à son lit. Je n'étais jamais entrée dans la chambre de Gwen. Contrairement à son bureau, ici elle ne semblait pas être si organisée. Des livres s'entassaient de partout, et je fus émerveillée par les peintures bleues qui ornaient deux murs de sa chambre. Ces courbes dégradées me rappelaient quelque chose, et je mis un instant à comprendre que c'était son tatouage. Les arabesques de son épaule faisant écho aux murs de sa chambre. Je déposais Gwen sur son matelas et elle gémit, avant de marmonner :

- Puisque je te dis que je ne t'en veux pas Maman...

Le rouge me monta aux joues, et une fois de plus je me sentis gêné. Je ne savais presque rien d'elle, ma capitaine si forte qui faisait bonne figure tout le temps, et Gwen était si vulnérable quand elle dormait... Et j'en profitais pour entrer dans son intimité et découvrir sa vie par moi même, alors que je devrais attendre qu'elle se sente prête à m'en parler ! Je sortis rapidement et le plus silencieusement possible de sa chambre, puis de son bureau, et retournais à l'air libre.

Nawen et Gwen : Par delà les MersOù les histoires vivent. Découvrez maintenant