Chapitre 18 : Gwen

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Je relâchais soudainement toute la pression. À genoux, je tentais de stopper les tremblements incontrôlables qui agitaient mon corps. Un haut le cœur me secoua. Je n'osais pas relever la tête, de peur de lire dans les yeux de Nawen le même dégout qui habitait les miens. Le regard fixé sur mes mains révulsantes, je respirais par à-coups, tâchant de calmer l'eau qui circulait dans mon propre organisme.

Comment avais-je pu utiliser cette technique à nouveau ? Sauver Nawen n'était pas une bonne excuse, non. Je ne pouvais pas supporter toute la puissance qui me parcourait lors de ces moments. Être dans le corps de l'autre, maîtriser ses flux et surtout avoir le droit de vie et de mort sur lui, le posséder... C'était digne d'un dieu. Hors je n'étais pas assez folle pour me comparer aux dieux, trop d'humains s'étaient fait avoir et je ne voulais pas être l'une d'eux. Cette... manipulation, je ne voyais pas comment l'appeler autrement, était contre nature, elle profanait la liberté d'autrui. Chaque fois que j'étais forcée de recourir à elle, je me haïssais. Je détestais cette impression, quand je ne pouvais plus me regarder dans une glace...

Finalement, après quelques minutes tétanisées, mon cœur se calma, et je repris l'entière maîtrise de mes membres. La pluie ruisselant sur mon visage s'atténua, je m'étais assez calmée dans les nuages, mon défouloir si précieux. J'inspirais longuement, me préparant à l'expression de Nawen, et releva la tête dans un effort inouï.

C'était tout sauf ce à quoi je m'attendais.

Je m'étais réveillée en panique, sentant que quelque chose n'allait pas. J'avais déboulé sur le pont et vu l'action se dérouler au ralenti : l'homme abattant son sabre, ses pirates ricanant, et Nawen les yeux dans le vague, comme si une toute autre scène se déroulait devant elle. En une seconde j'avais imaginé Nawen décapité et toutes mes raisons de ne pas la prendre à mon bord m'étaient revenues en pleine tête. Elle était naïve, sans expérience. Pas assez forte, s'il lui arrivait quoi que ce soit je serai responsable, et je m'en voudrai toujours de l'avoir embarqué dans ma dangereuse existence. Et puis, si j'apprenais à la connaître je finirai par l'apprécier, et je savais bien qu'il arrivait toujours malheur aux personnes que j'aimais. Au-delà de tout cela, Nawen était ma première «amie», si toute fois je me permettais de la considérer comme tel. C'est pourquoi elle ne pouvait pas, ne devait pas mourir.

Je n'avais plus réfléchi, mon instinct avait prit le dessus. J'avais tout bloqué autour de moi. Quand je m'en étais rendue compte, une seconde après, il était trop tard. Un autre sacrifice de ma personne pour en sauver une autre. J'avais repris le contrôle, éjecté les marins, débattu de cette profanation avec moi-même, mais pas une fois je ne m'étais souciée des ressentis de Nawen.

Elle aussi, tremblait. Elle aussi, son coeur battait comme s'il voulait transpercer sa poitrine. Si je m'étais inquiété pour sa vie, Nawen, elle, s'était vu mourir. Son regard posé sur moi, elle affichait un sourire lumineux. Elle avait dû avoir peur pour moi quand je ne m'étais pas réveillée, stupide horloge interne qui avait faillit nous tuer toutes les deux ! Nawen avait défendu Nymphéas seule, l'avais-je oublié ? Mes yeux rivés aux siens, je ne trouvais aucune trace de dégoût, rien que le soulagement profond d'avoir survécu. Je me levais doucement, les jambes flageolantes. Je fis quelques pas mal assurés jusqu'à Nawen et lui tendis la main. Elle s'appuya sur moi et arriva finalement à se tenir debout avec difficulté. Face à face, nous nous observâmes un instant. Il me sembla que quelque chose avait changé entre nous. J'avais baissé ma garde et laissé apparaître une de mes faiblesses, elle aussi. Une barrière s'était brisée. Je rompis le silence :

- Tu as des questions.

C'était une affirmation, je n'en doutais pas. Elle me surprit légèrement en répondant :

Nawen et Gwen : Par delà les MersOù les histoires vivent. Découvrez maintenant