Elle fit mine de s'émouvoir à ma vision. Comme si c'était la seule chose qu'elle attendait ce soir-là. Je savais au fond de moi, que sa bêtise s'embrasait à mesure qu'elle scrutait ma figure déconfite. Pour elle, j'étais un terrain de jeu, dans lequel toute ma vulnérabilité brillait de mille éclats. Il lui suffisait de shooter dedans, pour faire éclore la fragilité qui ébréchait mes faux-semblants.
Seulement et elle ne pouvait s'en douter, j'avais atteint le summum requis en matière d'acceptation d'autrui. J'étais prête à lui voler dans les plumes ou à l'abattre sur le champ à coup de fusil à billes. Mais elle suintait de tellement de certitudes qu'elle transpirait la grossièreté et rien n'y personne ne pouvait stopper une hyène en pleine chasse.
- Emma, j'aurais aimé te dire à quel point je suis heureuse de te voir, mais j'ai peur que tu prennes cela pour une agression. Ravie de voir que rien ne change ! Ricanait-elle, en m'adressant son sourire colgate que j'eus directement envie d'abîmer.
La première réaction qui me vint à cet instant-là, c'était de lui claquer une bonne fois pour toute la mandale qu'elle méritait depuis des années. Pour autant, je savais qu'il y avait une chose qu'elle n'était pas en mesure de digérer dès lors que mes mots transperçaient la muraille qu'elle essayait de faire tenir à coup de rafistolage hasardeux.
Si Salomé était incontestablement douée pour les saloperies, je l'étais plus quand il s'agissait de taper dans le vice. Je m'étais souvent promis de ne pas voler aussi bas, mais mon tempérament du moment eut raison de moi, il fallait que je l'achève à grand fracas.
Tandis qu'elle scrutait une réaction de ma part, je continuais à la défier, campant dans mon silence. J'attendais qu'elle perde pied pour l'exécuter dans les règles de mon art. Je me délectais de son regard interrogateur et finit par lui sourire dans la compassion et l'approche de la douleur. Je n'étais jamais aussi sadique que cette fois-là, prête à mener le dernier round dans une ferveur supportrice.
J'eus raison de la faire patienter un peu, car le moment même où elle voulut en remettre une couche, ne supportant probablement pas mon manque de répartie à son égard, fut probablement le déclencheur de tout l'amour et l'infini respect que je lui portais alors.
- Non, Salomé, tu ne vas rien rajouter de plus. Tu as déjà fait étalage de toute la splendeur de ton immense facétie. Et je t'en conjure, pour le bien de l'humanité, tais-toi. Il y a des combats qu'on ne peut pas mener et d'autres qui nécessitent une meilleure préparation. Tu es un poulain dans la catégorie poids plume, si je pouvais je t'enverrais sur mars avec les compliments de la maison. Malheureusement, tu es là devant moi et je dois me contraindre à respirer le même air que toi, ayant beaucoup de mal avec la proximité de nos deux carcasses dans la même pièce. Je ne sais pas ce que tu cherches, ni même pourquoi tu es là, mais à vrai dire je m'en cogne. On sait toutes les deux que tu es une peigne cul. Et je ne sais pas qui tu as dû soudoyer pour qu'il daigne t'emmener jusqu'ici afin que tu fasses briller tes sentences d'inculte ! Mais entre nous, ce n'était pas l'idée du siècle. Alors maintenant qu'on est plus obligé de faire semblant que notre désamour n'existe pas, fais-moi plaisir, écrases toi et va emmerder quelqu'un d'autre avec tes élocutions parasitaires. Tu perds mon temps. C'est comme mettre du mercurochrome sur une jambe de bois, c'est inutile !
Tout en assénant mon dernier vers, je pris pleinement conscience de la violence de mes propos. Et me promis de méditer dessus une autre fois. Je laissais alors une Salomé en perte de ses moyens, chancelante et décontenancée, pour prendre l'air sur la terrasse, non sans lui avoir balancé au passage, une œillade canonnière comme pour la prévenir que je ne plaisantais pas.
Chauffée comme jamais, je m'allumais une cigarette défiant quiconque de se frotter à l'irritabilité de mon système nerveux en perdition. Tout en inhalant la fumée, je me surpris à penser que cela faisait longtemps que je ne me sentais pas aussi libérée d'avoir enfin dit merde quand le vase débordait. Je savais par instinct qu'il y avait encore bien des choses à régler.
Quand mes yeux rencontrèrent ceux de Louis plus loin, mon animosité redoubla. Mais je n'étais pas encore prête à monter au créneau avec lui. Il me fallait encore un temps de préparation et le voir ce soir-là, m'avait complétement prise au dépourvu. On savait tous qu'un discours oratoire se préparait avec soin, le mien était à peine aux prémices d'une introduction. J'avais encore quelques constats amers à mastiquer avant d'entrer dans l'arène.
Une main vint se poser sur mon épaule, j'eus à peine besoin de tourner la tête que je reconnus les longs doigts de Milo. Il souffla dans mon oreille, dépassé par les événements. Je le sentais à la crispation de ses phalanges sur ma clavicule. Il me murmura soudain :
- Tu devrais lui parler.
- A qui ? Demandais-je, sachant très bien à quoi il se référait.
- A Louis. Me glissa-t-il, alors que nos deux regards fusillaient la cible.
- Tu sais, il a peut-être refait sa vie avec quelqu'un d'autre, mais rien n'empêche que vous soyez amis.
J'opinais du chef, consciente qu'il y avait sûrement beaucoup de sagesse là-dedans. Je soupirais alors, affreusement incommodée. Quand un éclair jaillit de nulle part !
Comment Milo, savait-il pour la nouvelle copine de Louis ? Je n'avais jamais rien dit à personne...
J'eus à peine le temps de lui poser la question, qu'il avait déjà déguerpi à l'autre bout du monde.
Note de l'auteur :
Sale soirée pour Emma. Cela annonce pas mal de petits bouleversements ici et là.
Et que penser de Milo ?
PS : Aujourd'hui je suis passée devant l'arrêt de métro "les filles du calvaire" et je n'ai même pas pensé à le prendre en photo pour illustrer le chapitre où Ben et Emma boivent un verre pour la première fois. Ça aurait été un chouette clin d'oeil !
Bisous,
Em.
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20 ans et quelques | Terminée |
ChickLitEmma a 25 ans et traverse les méandres de la crise du quart de siècle. Obstinée à ne pas voir l'éléphant dans la pièce, elle continue son chemin se heurtant souvent à l'ennui et aux regrets en tout genre. C'est sans compter l'aide de ses amis, une r...