Ce n'est que quelques heures plus tard, l'appartement rempli d'odeur d'épices toutes plus gouteuses les unes que les autres, que mes amies firent leur apparition.
Axelle, qui avait entre-temps reprit ses quartiers à son domicile, passant un pacte dont j'ignorais le secret avec son colocataire intrépide, ne manquait cependant pas de se sentir chez moi comme chez elle. Balançant rapidement ses affaires à même le sol, pour s'afférer à la hâte à soulever les deux couvercles au-dessus de mes casseroles, elle ne perdit pas une seule miette et c'était le cas de le dire, de la cuisson de mes Saint-Jacques.
Quant à la discrétion légendaire de ma tendre Zoé, celle-ci s'enquit d'abord de mon humeur du jour, avant d'elle aussi, scotcher son front à travers la vitre du four.
Fortement occupée à déchiqueter mes gousses d'ail dans un soin tout particulier, je les vis s'interroger quant à l'ouverture des bouteilles de vin qui trônaient sur le plan de travail. La polémique prenait de l'ampleur, se renvoyant la balle sur qui devait en premier décider de faire fonctionner l'ouvre bouteille. Des enfantillages de cours d'école ! J'en envoyais une à la recherche de ledit ouvre bouteille, tandis que l'autre était chargée de mettre la table.
Ce n'est qu'au moment de prendre l'apéritif dans le salon, que je remarquais non sans grand étonnement, qu'Axelle avait dressé le couvert pour quatre personnes. J'aurais juré, à m'y méprendre probablement, qu'en me comptant dans le lot des convives, nous n'excédions pas plus de trois personnes. Aussi, et au vue de mon regard interrogé, Axelle glissa à l'attention de tout le monde, la venue surprenante mais néanmoins pas tant que ça, de Milo.
- Pique assiette ! Fus la réaction un poil exagéré de Zoé.
- Tiens, pour quelqu'un qui prend un malin plaisir à m'éviter depuis quelques semaines, je le trouve d'un coup bien téméraire. Fut la mienne.
Sa venue venait piquer au vif quelques-unes de mes fâcheries à son égard. La première résidait dans le fait que depuis sa superbe exposition, il n'avait point montré le bout de son pif. La deuxième fut sa consternante réaction face à l'égo blessé de Zoé. Préférant balayer la peine d'une de ses amies, sans même chercher à y trouver une quelconque solution. Et à mon sens, cela passait au moins par une petite explication en toute franchise. Et enfin la troisième raison, et ce n'était de loin pas celle que je préférais, c'était sa bourde gigantesque quant à la relation quasi secrète que Louis avait l'air d'entretenir avec une naïade dont je ne connaissais même pas le prénom. Je savais de source sûre et ayant ressassé assez longuement l'ensemble de mes interactions avec Milo pour savoir que je n'avais jamais vendu la mèche. Trop blessée sûrement pour prendre en considération cette information. Aussi, la question qui résonnait en moi depuis quelques temps, était aussi simple qu'un bonjour de courtoisie. Comment Diable était-il au courant de ça ? Et pourquoi surtout, ne m'avait-il même pas offert le début d'un balbutiement sur le sujet ?
Nous sentions toutes la tension montée d'un cran. Comme si chacune d'entre nous avait un grief amer à faire part à Milo.
Mais, il y avait bien une chose que je ne souhaitais pas gâcher ce soir. Mon repas m'avait coûté autant de temps que d'argent et il n'était pas négociable qu'un gay assumé depuis des années avec un penchant tacite pour les jolies blondes et les commérages ne viennent perturber l'ordre établi.
Je fis aussitôt part de mon souhait au reste de mes convives. Nous nous étions mises d'accord au moment même où la sonnerie retentie.
Milo pointa le bout de son nez, apprêté d'une chemise à rayure bleu marine qui faisait ressortir son teint hâlé. Il était beau c'était incontestable. Un sourire malicieux vint fendre son visage. La sagesse de ses traits m'avait toujours paru être une escroquerie.
Nous nous installâmes à table rapidement. Convaincue d'avoir fait le bon choix en évitant tout malaise. J'en voulais certes à Milo et j'avais besoin d'explications rationnelles pour faire taire ma rancœur, mais goûter soigneusement mes Saint-Jacques autour de rires aérés m'allait parfaitement.
Les sujets furent diverses et variés. Rien ne changeait fondamentalement de ce que nous avions l'habitude de raconter au Bon Jovi. Une chose cependant retenait mon attention. C'était le soin que chacun prenait à en dire suffisamment pour ne pas en dire trop. La spontanéité avait pris le large. Soudain, je me rendis compte qu'aucune Saint-Jacques possible ne pourrait valoir le prix de l'amitié que nous avions.
Je décidais alors de fendre l'atmosphère au sabre noir. Empruntant le chemin très conversé d'un procès cinglant. Quitte à risquer de me faire abattre sur le champ, je ne pouvais décidément plus faire un pas dans un univers atrophié par la sincérité volante.
Ce n'est qu'en reposant mes couverts au bord de l'assiette, que je pris parole. Pesant mes mots avec une justesse folle. Décidée à faire voler une bonne fois pour tous les non-dits de chacun.
Je me retournais alors vers Milo, les bras croisés sur la table, dans un silence religieux.
- Aujourd'hui, Marcel le poissonnier du bout de ma rue m'a demandé de qui je me moquais, quand j'ai eu le malheur de demander après des gambas fraîches. Maintenant ma question va être très simple, toi, Milo, de qui te moques-tu ?
Note de l'auteur :
Voici un petit chapitre de mise en bouche pour une suite éclatante.
La situation va venir se dégoupiller pour tout le monde après une soirée quelque peu rocambolesque. C'est sans compter qu'Emma va mettre les pieds dans le plat mais elle ne sera pas la seule à porter des griefs contestables.
Donc, prêt(e)s pour la suite ?
Ps : je pars en vacances d'ici demain, je ne risque pas de poster de chapitre avant la fin de la semaine. Mais promis, je reviens avec deux chapitres bonus d'un coup.
Bises,
Em.
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20 ans et quelques | Terminée |
Chick-LitEmma a 25 ans et traverse les méandres de la crise du quart de siècle. Obstinée à ne pas voir l'éléphant dans la pièce, elle continue son chemin se heurtant souvent à l'ennui et aux regrets en tout genre. C'est sans compter l'aide de ses amis, une r...