Milo,

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Je souris. J'avais juste besoin de passer la soirée avec lui, qu'il se laisse aller aux confidences, comme avant. J'avais besoin de mon ami, plus que quiconque d'ailleurs.

Milo pris place derrière son chevalet, une demi-fesse posée sur son tabouret. Il était en train de peindre une femme nue. Enfin ce qui s'en rapprochait le plus en tout cas, parce que mes yeux se détournèrent rapidement de la toile inachevée. Il s'alluma un joint d'herbes, comme souvent lorsqu'il rentre dans un processus créatif aliénant. Je voyais ce grand brun barbu, concentré sur son œuvre, on aurait dit Botticelli des temps modernes, le talent en moins, mais qu'importe !

Il se tourna vers moi, l'air préoccupé, je lui fis un signe de tête comme pour lui dire ' tu peux y aller, mon attention est focalisé sur toi '.

Il déglutis et me confessa : 

- J'ai rencontré quelqu'un ! Simple, laconique. Le ton me surpris et je me mis à rire.

- Tu m'as fait peur, j'ai cru que tu allais m'annoncer un drame. Tu as déjà pensé à faire du théâtre, tu excellerai dans des rôles de compositions. Je te verrais bien dans un remake d'Antigone, ou d'Iphigénie mais en moins glauque ! 

Il me regarda en soupirant, je voyais bien que je venais de gâcher son moment, je me repris : 

- C'est plutôt une bonne chose non ? T'as rencontré quelqu'un, ça ne devrait pas être si grave. On dirait déjà que tu te repentis. Alors, c'est qui ? Il s'appelle comment ?  Dis-je malicieusement, en roulant des yeux. 

J'adorais qu'il me raconte ses fabuleuses histoires. Avec Milo tout était romanesque et je me surprenais souvent à voyager avec lui.

Il se mit à se frotter les tempes et m'annonça : 

- Elle s'appelle Inès.

Mon expression faciale n'y tenant plus, je fronças les sourcils et répliqua : 

-  Tordante ta vanne. Allez, dis-moi, ce suspens me tue à petit feu. Il est plutôt sportif aguerri trouvant son refuge à la salle de sport, musicien fébrile à la plume torturé ou éminent intellectuel philanthrope, du genre à lire 4 livres d'art et d'essais en seulement deux jours qui portent tous sur l'Esculape et l'art à la renaissance ? Je sais que tu es très ouvert d'esprit, c'est pour ça que je permets de tous les citer. 

Il n'était clairement pas dans le même fuseau horaire que mon humour du jour, puisqu'il me répondit : 

- Plutôt du genre érudit, toujours plongée dans les livres, le sourire aux lèvres. Elle a une voix apaisante et douce. Chaque moment passé avec elle, me fait oublier le temps, la liste des choses que j'ai à faire, les contraintes et mes tourments. C'est indéniablement la plus belle âme que je n'ai jamais rencontré.

 Il marqua une pause et me demanda : 

- Tu ne dis plus rien ? 

Un blanc s'installa entre nous. J'examinais son visage pour y déceler LE détail qui allait m'aider à me convaincre qu'il se fichait de moi. Mais rien, je n'y trouvais rien. Il était tellement sérieux, qu'il fallait que je me rende à l'évidence. Ce n'était pas du badinage. Je déglutis, le regard perdu et lui dis : 

- Mais Milo, c'est une fille. 

Avec du recul, je pense que je n'ai jamais eu de ma vie à sortir une phrase aussi stupide que celle-ci. Il ne lui en fallu pas plus pour me rétorquer : 

- Oui c'est vrai. J'ai rencontré une femme. Nous avons une connexion incroyable. Tu comprends ? 

Je fis non de la tête, un non confus, un non ébahi, un non dubitatif.

Il soupira, tapant sa main contre son front. 

- Ce que tu peux être primaire ! J'ai rencontré une âme, on s'en fout que ce soit une fille ou bien même un garçon. Ce qu'on a avec Inès, c'est puissant, ça ne ressemble à rien d'autres que je connaisse. C'est tellement beau que j'en ai les larmes aux yeux. Je suis ému tout le temps à ses côtés. Em, je vis quelque chose d'incroyable, c'est tellement fort que j'ai l'impression de perdre pied.

Je commençais à comprendre. Je traduisis :

 - Donc, ce que tu essayes de me dire, c'est que tu as rencontré une fille avec qui tu te sens bien et vous avez parlé, vous avez pleins de belles choses en commun, du coup c'est un coup de foudre amical quoi... ?

Milo se leva de son tabouret et se plaça devant moi (toujours lamentablement affalée sur son canapé). Il me dominait de toute sa grandeur, j'en aurais presque été intimidée.

- Tu comprends vraiment rien ou il t'arrive parfois de faire exprès ? Ça va bien au-delà de l'amitié. Une amie j'en ai déjà une, et tu suffis à toi toute seule, sache-le. Non je te parle d'autres choses, de la rencontre de deux âmes qui s'accordent, se mettent d'accord, vibrent à l'unisson ». Tout en minaudant ces belles paroles, je voyais le corps de Milo s'enflammer. Ses bras bougeaient dans tous les sens, comme pour essayer de capter ce fragment de sensations inexplicables qui semblait le troubler plus que de raisons.

-  Excuse-moi, je pense ne pas avoir saisi l'essentiel. Tu couches avec au moins ? Je demanda naïvement.

Je retire ce que j'ai dit plus haut, voici la question la plus stupide que j'ai eu à poser.

Il pris un temps de réflexion, j'ai bien cru à ce moment-là qu'il pouvait être capable de m'envoyer une bonne grosse taloche sur l'arrière de mon crâne mais il n'en fit rien. A la place, il me murmura :

 - Non, mais j'y réfléchis.

N'y pouvant plus, je me redressa pour lui faire face : 

- Mais Milo, t'es gay ! Hurlais-je de façon somme toute très distinguée.

N'ayant pas pris ma sentence comme un profond signe de mépris, il me toisa et me répondit calmement : 

- Mon homosexualité ne me définit pas. Je suis entrain de te parler de quelque chose de mieux que de seulement deux êtres sexués qui s'attirent. Vous, les gens pragmatiques 'soit-disant' vous ne pouvez pas comprendre parce que ça va au delà de votre raisonnement étriqué. Cela vous dérange pour la simple et bonne raison que vous ne pouvez pas coller d'étiquettes sur autre chose que de l'attirance physique. Pour vous ce n'est qu'utopie. Ça n'existe que dans les romans pour ado ou les drames hollywoodiens. » Il reprit sa respiration et me pointa du doigt 

– Atterrie Emma, tu vois tout en noir et blanc, sans jamais une seule nuance.

Je me défendis comme je pouvais : 

-  C'est toi aussi, tu m'expliques pas bien. Puis je baissa d'un ton et poursuivi :

- Je m'en fous Milo, tu fais ce que tu veux. Mais avec toi, sache que je veux bien les voir les nuances. C'est juste que je ne sais pas ce que c'est une belle âme...peut-être que je ne les perçois pas aussi bien que toi.

Il sembla se détendre :

-  Ça, je te le confirme, me dit-il avec un grand sourire : 

- Elle pourrait être cool ton âme, Emma. Mais en ce moment, elle est un peu abîmée. Elle a les pages cornées et le contenu gribouillé. Est-ce que je dois m'en inquiéter ou continuer à faire semblant de ne pas le voir ?

Je lui fis non de la tête tout en mordillant la peau autour de mon pouce : 

- Je veux surtout pas que tu t'inquiètes. Je rature mon âme comme tu dis, c'est juste pour réécrire par-dessus. Chuchotais-je.

Il se rapprocha plus de moi encore. Me prit silencieusement dans ses bras et me souffla dans l'oreille : 

- Tu as le droit de parler Emma. Il est peut-être temps de te raconter, au lieu de te cacher derrière ton cynisme pernicieux, tu ne crois pas ? 



Petit mot de l'auteur :
J'espère que ça commence à vous plaire. Êtes-vous prêts à découvrir un peu de la vie d'Emma ? Bisous. Em.

20 ans et quelques | Terminée |Où les histoires vivent. Découvrez maintenant