L'île lointaine...

10 3 0
                                    




Je suis né dans une île amoureuse du vent

Où l'air a des senteurs de sucre et de vanille

Et que berce au soleil du tropique mouvant

Le flot tiède et bleu de la mer des Antilles.



Sous les brises, au chant des arbres familiers,

J'ai vu des horizons où planent des frégates

Et respiré l'encens sauvage des halliers

Dans ses forêts pleines de fleurs et d'aromates.



Cent fois je suis monté sur ses mornes en feu

Pour voir à l'infini la mer splendide et nue

Ainsi qu'un grand désert mouvant de sable bleu

Border la perspective immense de la vue.



À l'heure où sur ses pics s'allument les boucans,

Un hibou miaulait au cœur de la montagne

Et j'écoutais, pensif, au pied des noirs volcans

L'oiseau que la chanson de la nuit accompagne.



Contre ces souvenirs en vain je me défends.

Je me souviens des airs que les femmes créoles

Disent au crépuscule à leurs petits enfants,

Car ma mère autrefois m'en apprit les paroles.



Et c'est pourquoi toujours mes rêves reviendront

Vers ces plages en feu ceintes de coquillages,

Vers les arbres heureux qui parfument ses monts

Dans le balancement des fleurs et des feuillages.



Et c'est pourquoi du temps des hivers lamentables

Où des orgues jouaient au fond des vieilles cours,

Dans les jardins de France où meurent les érables

J'ai chanté ses forêts qui verdissent toujours.



Ô charme d'évoquer sous le ciel de Paris

Le souvenir pieux d'une enfance sereine,

Et, dans un Luxembourg aux parterres flétris,

De respirer l'odeur d'une Antille lointaine !



Ô charme d'aborder en rêve au sol natal

Où pleure la chanson des longs filaos tristes,

Et de revoir au fond du soir occidental

Flotter la lune rose au faîte des palmistes.


                                            Daniel Thaly 

 Maelström Où les histoires vivent. Découvrez maintenant