C'était un jour d'été II

Chapitre 6

Soléa

12 juin 2017, Montréal, QC

C'est une catastrophe. Plus rien ne va ici. J'ai l'impression de perdre pied.

Je ne suis pas sortie de chez moi depuis hier midi. Et si j'ai bien envie de mettre un pied dehors maintenant, c'est pour récupérer mon chèque au bar.

Hailey est en train de servir William, un habitué quand j'arrive. Elle me fait un grand sourire et me fait un signe de main pour me dire qu'elle arrive.

Je soupire et m'assois finalement sur le tabouret du bar. Mon amie arrive et m'embrasse la joue :

— Comment tu vas ?

J'émets une grimace et elle se stoppe.

— Qu'est-ce qu'il y a ?

— J'ai dormi avec Blake.

OK. J'y suis peut-être allée un peu brusquement. Parce que ça ne s'est pas réellement passé comme ça.

Mais Hailey pousse un cri sans prendre la peine de m'écouter.

— Y a rien eu ! hurlé-je en retour.

Et c'est le cas. Il n'y a vraiment rien eu ! Hier je me suis réveillée dans le lit du canadien. Lui à mes côtés.

On a rien fait, je me suis juste endormie dans sa voiture, juste après avoir fait ma crise de panique. Et il n'a rien trouvé de mieux que de me ramener chez lui, me poser sur son lit, et s'endormir à mes côtés.

Il n'y a rien eu, mais quand je me suis réveillée, ses jambes étaient entremêlées aux miennes, et je me suis demandée ce qui avait bien pu se passer.

J'ouvre la bouche pour dire à mon amie que je suis perdue mais une voix grave nous interrompt :

— Tout va bien ?

Je vais gerber.

C'est sa voix. Oh mon Dieu il est là. Ce n'est pas possible.

Je sens mon visage pâlir mais me tourne tout de même vers lui. C'est vraiment lui. Il est là, devant moi. Toujours aussi grand, toujours aussi imposant, toujours aussi beau.

Et... Oh mon Dieu, il porte le tablier noir de Sam. Pourquoi est-ce qu'il a ce foutu tablier ?!

Je ne sais plus comment respirer. C'est une blague, une putain de blague, ce n'est pas possible. Il  ne peut pas être là.

— Nathan, je te présente Soléa, elle travaille ici depuis presque deux ans. Et elle vient de...

Hailey me sort de ma contemplation, et je vois Nathan ouvrir sa bouche, mais je ne comprends rien de ce qu'il dit. J'observe seulement sa bouche qui se mouve pour former un mot. Et je ne sais pas si ça me donne envie de pleurer ou si j'adore juste ça.

OK. Plus rien ne va. Qu'est-ce qu'il me prend. Et puis, et puis ses yeux chocolat, sa petite barbe que j'ai toujours tant aimé.

Plus rien ne va. J'ai du mal à respirer, à me concentrer. J'ai la poitrine qui me fait mal, et ça me donne presque envie de crever.

Je ne peux plus le regarder. C'est beaucoup trop douloureux, ça fait beaucoup trop mal. C'est beaucoup trop dur.

Hailey demande si on s'est déjà rencontré, mais je ne sais pas quoi répondre. Je n'ai pas envie de répondre, parce que cela voudrait dire qu'elle comprendrait. Et je crois que je n'en ai pas envie.

Je suis trop longue à la détente, car c'est Nathan qui répond :

— On s'est croisé rapidement à Paris.