Soléa
On est retourné à la tente après ça. Je ne savais pas quoi dire. Notre discussion avait pris un tournant à 180 degrés et j'étais totalement perdue et anesthésiée. Entre le fait qu'il ait reçu une lettre de mon grand-père après sa mort et qu'il ait tapé son frère jusqu'à ne plus lui parler pendant deux ans, je ne savais pas comment réagir.
J'avais l'impression que tout était de ma faute. Tout s'était détruit autour de lui dès l'instant où j'étais partie, même pire, dès l'instant où j'étais apparue dans sa vie.
— J'avais prévu un restaurant pour ce soir.
Il dit ça comme ça alors que je suis assise sur le matelas à l'intérieur de la tente à regarder mes pieds.
— Ça me va, enfin, si t'as toujours faim.
Il hoche la tête puis me dit que ce n'est rien de très luxueux, une sorte de guinguette sur le bord du lac. Je lui réponds que c'est déjà beaucoup et qu'un sandwich m'aurait suffi.
— J'ai la lettre de ton grand-père dans mon sac, tu veux la lire ?
Les bombes arrivent et tombent sur moi ne me laissant aucun répit. Lire une lettre de mon grand-père ? Je ne rêve que de ça en réalité. Relire les formes courbés et légèrement tremblotantes de l'écriture magique de mon papy. Après tout ce temps sans lui. Nathan ne s'imagine pas le bonheur et la peur qui font rage dans mon ventre. Puis, je me rappelle. Mon grand-père n'a pas écrite cette lettre pour moi, il l'a écrite pour l'homme en face de moi, le brun vraiment imposant qui se tient de toute sa hauteur alors que je suis recroquevillée sur moi-même. Cet homme qui, malgré tout, malgré sa force et son air sûr de lui, n'en est rien. Et il faudrait que je fasse ça ? Que ça soit à moi de le briser encore plus qu'il ne l'est déjà ? Pas en lisant la lettre qu'il me propose, mais en lui racontant la vérité. Parce que je suis venue pour ça en réalité, tout lui raconter. Pourquoi je suis partie, pourquoi j'ai fui aussi loin et aussi longtemps. Mais en suis-je capable ? Suis-je capable de détruire celui qui est déjà brisé par la vie ? S'il vient à me demander, il faudra que je lui mente, encore une fois, comme lui m'a caché ce terrible secret il y a plus de deux ans. Aujourd'hui je comprends, je comprends enfin pourquoi il ne m'avait rien dit. En faisant cela, en gardant tout pour lui, il m'empêchait de souffrir, il préféré être le seul à avoir mal. Et je le comprends enfin désormais. Parce qu'aujourd'hui, c'est moi qui vais faire comme lui. C'est moi qui vais essayer de le protéger pour éviter de le faire souffrir plus qu'il ne l'est déjà.
Mais là, maintenant, seule sa lettre m'importe.
— Tu es sûr que je peux la lire ? Il ne l'a pas écrite pour moi tu sais.
—Je pense que tu serais surprise de ce qu'il avait à dire.
Du passé. « Ce qu'il avait à dire ». Des fois j'oublie, j'oublie que mon grand-père n'est plus là.
— OK, je veux bien la lire.
Nathan acquiesce doucement avec un léger sourire nerveux et s'approche de la tente. Je deviens nerveuse tout à coup, et encore plus dès qu'il attrape son sac pour en sortir une lettre de son carnet noir. Il me la tend, presque tremblant lui aussi.
— Tiens, je te laisse, je vais juste à côté. Prends ton temps.
Il me fait peur maintenant. Je le regarde partir doucement en direction du lac et observe la lettre qu'il vient de me donner. L'enveloppe a vécu, elle est toute froissée, et ça me prouve que Nathan a dû lire et relire cette lettre. Je sors la lettre doucement, presque comme si c'était fragile.
« Nathan »
J'ai envie de pleurer, ses lettres me manquent. Mon grand-père me manque.
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C'était un jour d'été II
RomanceC'était un jour d'été II : Ne m'oublie pas Deux ans. Cela fait deux ans que Nathan n'a plus de nouvelles de Soléa. Elle l'a abandonné, et il en vient même à en douter de son existence. Elle a disparu, elle n'est plus en France, la maison de ses gra...