Je n'ai croisé qu'une fois un prêtre d'Aton.
Sur de nombreux mondes, leur culte a existé de façon simultanée, précédant celui de Kaldar, comme une parenthèse dans l'histoire des peuples.
Mais leur foi première s'est évanouie. L'homme le reconnaissait ; il semblait avoir sombré dans un occultisme malsain.
Adrian von Zögarn, Notes sur mes voyages
Lydr surgit de la plaine comme un défi.
La ville était idéalement située. À l'Est la bordait une forêt de cèdres, autour d'un large fleuve dont les affluents alimentaient Lydr comme les artères d'un corps sain. Adrian avait deviné de loin un chapelet d'anciens villages de bûcherons, abandonnés à mesure que la forêt reculait. L'exploitation, déraisonnable comme toute activité humaine, allait bon train.
« Halte. Qui êtes-vous, et d'où venez-vous ? »
Les deux gardes posaient la question pour la forme. Adrian, qui avait pris soin de se laver un peu sur le chemin, serait passé inaperçu dans la foule de la matinée ; mais le hasard et une insomnie voulaient qu'il arrive à Lydr en plein milieu de la nuit.
Casque alourdi par une pointe ridicule, plumes de paon décoratives, hallebardes incapables de planter un jambon ; même avec sa valise en main, il aurait pu courir entre les deux bonshommes sans prendre de risque.
« Je suis Adrian von Zögarn, célèbre alchimiste, scientifique en formation, philosophe putatif, et je viens de là où je viens. »
Il s'apprêtait à dire « Xiloth », mais un certain nombre de bonnes raisons avaient fait bifurquer son idée initiale. Deux gageures notamment : expliquer un aussi long trajet à pied sans impliquer Zögarn et justifier qu'il n'apportait pas la peste bleue avec lui.
« C'est-à-dire ?
— Là d'où mes pas m'ont porté. Euh, le village, là-bas. J'y faisais des trucs de, euh, d'alchimiste, voyez-vous.
— Laisse, dit l'homme, c'est un charlatan, c'est tout.
— Exactement. Écoutez votre confrère. Je suis Adrian von Zögarn, célèbre charlatan. Je dispose d'un élixir pour faire repousser les cheveux, d'une lotion qui guérit la gale, de répulsifs à moustiques. »
Il consulta sa montre.
« Bigre, nous discutons, mais le temps passe vite. Chaque seconde de perdue, le peuple de Lydr ignore encore l'existence du fameux Adrian von Zög... »
Les gardes le poussèrent à l'intérieur pour se débarrasser de lui. Il flâna dans les rues commerçantes de Lydr, ne manquant pas de noter chaque détail qui l'éclairait sur la vie des enfants d'Enki. Malgré l'absence d'éclairage public, les auberges et gargotes encore animées donnaient vie au quartier. Lydr, comme toute ville, avait ses crimes impunis, mais on pouvait y définir une certaine notion de sécurité. Contrairement à Xiloth la malheureuse.
Un temps de prospérité économique, songea Adrian.
Le monarque local, s'il se reposait sur ses lauriers, laisserait la ville se gouverner toute seule. Au premier signe de récession, cela donnerait ce qu'il avait vu à Xiloth. Une illusion qui s'effondre.
Tout à sa réflexion économique, il songea à ses propres finances. Les peuples de Ki reconnaissaient à l'or sa valeur monétaire habituelle. Rareté et apparence de ce métal formaient sans doute une combinaison bien ancrée dans l'esprit human. À moins que le peuplement de ces planètes ne soit plus récent encore que l'apparition des civilisations frappant monnaie.
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La Colère du Roi
FantasySon royaume s'effondre. Il est à bout de souffle. Autour de lui, la terre de Ki sombre dans la décadence. Les hommes et les dieux conspirent dans son dos. L'histoire s'apprête à le moquer comme un faible, un incapable, un sot. Grande est la colère d...