Naturellement, une fois arrivé sur une planète étrangère, posez les bonnes questions. La première d'entre elles : quels champignons sont comestibles ? La deuxième : qui va vouloir me tuer à la première occasion sans même m'expliquer pourquoi ?
Adrian von Zögarn, Traité de voyagisme
La jeune femme regarda Adrian descendre de cheval. Elle fronça des sourcils pour marquer sa désapprobation. Dans le silence, ses expressions faciales parlaient pour elle : plutôt que de trouver les enfants d'Enlil, Adrian passait son temps à collecter des graines, des feuilles et des cailloux dont il remplissait les poches de sa valise et de son manteau.
« Remontez, dit-elle. Qui vous ordonne de vous pencher sur le premier brin d'herbe venu ?
— Personne. Je me l'ordonne tout seul. À moins que Zögarn n'infuse en moi une curiosité naturelle. Difficile de faire la part entre nous deux. Nous sommes liés, voyez-vous. »
Jilèn soupira et laissa baguenauder son regard. L'air s'électrisait ; un front grossissant de cumulonimbus annonçait l'imminence d'un orage.
Les marches d'Enki leur offriraient un bon abri face au déchaînement des pluies. Encore fallait-il en atteindre une, donc, se remettre en chemin.
« Vous n'êtes pas obligée de me suivre » l'admonesta-t-il en essuyant ses mains sur ses chausses.
Il reçut pour toute réponse une exclamation, une chute, un son de cavalcade ; à peine eut-il tourné la tête que son propre cheval s'était enfui. Il referma sa valise en urgence. Jilèn avait sauté de sa monture, qui semblait se démener contre un adversaire invisible. Elle se ramassait à peine.
Deux hommes à cheval émergèrent du couvert d'une marche. L'ombre du rocher pesait autant que leurs regards scrutateurs. Adrian détailla leurs tenues, riches de marqueurs de tribu et de rang social ; il essaya de faire sens de tous les bracelets métalliques, boucles d'oreille et colifichets en plumes, avant de s'offusquer de la flèche pointée dans sa direction. À moins que. L'archère à pied n'ayant pas encore bandé son arc, devait-il le prendre comme une marque d'apaisement ?
« En voilà des manières ! Sachez, précisa inutilement Adrian, que je suis outré.
— Doucement » dit l'homme le plus jeune du groupe, seul à arborer des tatouages sur ses bras découverts.
Ses yeux étaient cerclés de noir, un maquillage similaire marquait ses sourcils. Adrian nota aussi des dents en bon état, quelques cicatrices mineures prouvant la participation à des chasses ou des rixes – et suggérant une accumulation de victoires.
« Qui êtes-vous, messieurs, qui ne vous annoncez point ? Et vous, madame, avec cet arc, que comptez-vous faire ? »
Ils étaient en position de force. De là leur apparente bonhomie. Jilèn, elle, avait la main posée sur son arme, un cimeterre noir chargé d'histoire – une arme volée à Zor lui-même...
« On ne vous veut rien, reprit l'homme. Vous êtes un fils d'Enki. C'est la fille que nous voulons. Elle est d'une tribu du bois.
— Qu'est-ce qui vous dit ça ? »
Ils se regardèrent avec gêne et perplexité, comme si les paroles d'Adrian franchissaient tous les seuils de l'incompréhensible.
« C'est marqué sur ma figure, soupira Jilèn.
— Ah. Excusez, je suis observateur, mais j'oublie souvent ce genre de détail. Ceci étant, vous n'étiez pas de Xiloth ?
— Mes parents étaient des enfants d'Enlil. Ils ont rejoint la ville par nécessité.
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La Colère du Roi
FantasíaSon royaume s'effondre. Il est à bout de souffle. Autour de lui, la terre de Ki sombre dans la décadence. Les hommes et les dieux conspirent dans son dos. L'histoire s'apprête à le moquer comme un faible, un incapable, un sot. Grande est la colère d...