Chapitre 19

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Une petite main douce se posa sur l'épaule de Blanche. Elle releva la tête, et vit Gyn, ses grands yeux lui disant milles choses qui ne nécessitaient pas l'usage de la parole. Blanche lut dans ses yeux un réconfort infini, une confiance accordée alors que la fillette la connaissait à peine, et une expression qui signifiait,
"ne t'en fait pas, Aaron ne t'en veut pas, il a juste eu peur pour toi." Prise d'une soudaine affection pour la petite fille, Blanche se pencha et prit Gyn dans ses bras. La petite s'agrippa au cou de l'adolescente, glissant sa tête au creux de son cou. Elles restèrent ainsi de longues minutes, Blanche passant la main dans les cheveux de Gyn d'un geste maternel.
Soudain, trois petits coups furent frappés à la porte restée ouverte. Blanche releva la tête et vit Aaron, la tête penchée sur le côté, regardant tendrement les deux filles. Gyn tourna la tête, et lorsqu'elle vit le garçon, elle bondit des genoux de Blanche comme si elle était devenue brûlante. Elle regarda furtivement Aaron et s'enfuit en courant de la chambre.
Le garçon s'avança, gêné. Ses bras se balançant d'avant en arrière dans un tic nerveux.
"C'est... Surprenant... Elle ne laisse personne la toucher d'habitude, à part Anna, alors là, un câlin...Ce n'est pas étonnant qu'elle soit partie en courant quand je suis arrivé. Tu dois vraiment avoir quelque chose de spécial..."
Il se balançait d'une jambe sur l'autre, le regard fixé au sol.
"Je voulais te dire...je suis désolé pour tout à l'heure, je me suis emporté...c'est que j'ai vraiment eu peur pour toi, tu comprend? J'étais sérieux quand je te disais que n'importe qui peut te vouloir du mal, il faut que tu sois toujours sur tes gardes. Et...Le Pirate ne m'inspire pas confiance.
-Le Pirate, tu veux dire Val?
-Oui, c'est comme ça que tout le monde l'appelle. Il est arrivé il y a quelques mois, personne ne sait d'où il vient, et il s'est rapidement rendu indispensable. Méfie-toi de lui.
-Val est très gentil, il ne me veut que du bien, arrête de te faire du souci pour rien.
-Très bien. Son ton était de nouveau sec et cassant. Le repas est servi. On t'attend en bas."
Et il partit d'un pas rapide. Blanche attendit que ses pas ne résonnent plus dans le couloir pour le suivre et descendre à la cuisine.
Le repas terminé, ils remontèrent chacun dans leur chambre, Blanche s'installa dans la première chambre au lit à baldaquin, tandis que Aaron prenait place dans la pièce voisine. Ils avaient décidé de partir à l'aube le lendemain pour ne pas faire le trajet sous la chaleur brûlante de mois de juillet.
Ils prirent donc la route le lendemain, après avoir longuement remercié Anna pour ses services. Le trajet se fit dans un silence de mort, jusqu'à ce qu'ils arrivent à la petite maison en bois où Alexina les attendaient sur le seuil. Elle se précipita en les voyant arriver.
"Mon Dieu les enfants! Vous allez bien? La République a organisé des rafles de Rebels, Jobias a donné carte blanche aux Nawrds, ils te cherchent Blanche, rentrez vite vous mettre à l'abri."
Elle les poussa à l'intérieur, comme une poule protégeant ses poussins.
Ils s'installèrent au fond des fauteuils devant la cheminée éteinte, car à Niitey les nuits avaient beau être fraîches, ce qui nécessitait parfois un feu de cheminée le soir, la journée était étouffante.
       
                            ***

Les jours qui suivirent furent très longs pour la jeune fille. Alexina refusait qu'elle sorte, de peur qu'elle se fasse arrêter par les gardes. Blanche était irritable, et elle s'ennuyait. Elle voulait agir, on comptait sur elle dehors, et elle restait là à broyer du noir, inutile. Au bout d'une semaine, elle décida de parler à Aaron, alors que Alexina était à l'atelier de couture. Ils ne s'étaient pas reparlés depuis leur dispute dans la chambre chez Anna. Elle voulait lui demander de l'emmener avec elle dans ses missions d'espionnage. En effet, l'adolescent sortait régulièrement pour aller repérer les patrouilles de surveillance de la République, il notait les arrestations et les contrôles. C'était sans doute pour prévoir le temps qu'ils mettraient à arriver jusqu'à Blanche.
Elle s'approcha de lui, il était penché sur des documents.
"Emmène moi, emmène moi dehors.
Il releva la tête, l'air surpris.
-Sûrement pas, tu veux mourir?
-Je serai prudente, je suivrai tes ordres au doigt et à l'oeil je te le promet. Mais s'il te plaît, emmène moi, je vais devenir folle si je reste enfermée.
Il soupira longuement.
-Tu sais ce que je risque si Alexina apprend que je t'ai emmenée à quelques mètres des gardes.
-Elle n'en saura rien, on sera rentrés avant son retour.
Il soupira de nouveau.
-Elle rentre dans trois heures. Met tes chaussures, il y a une patrouille qui part dans trente minutes du village, on va aller les surveiller."
Elle sauta de joie et eu mis ses chaussures avant même que Aaron ai eu le temps de ranger ses dossiers.
Ils marchèrent une vingtaine de minutes, puis Aaron fit signe à Blanche de s'arrêter. Il lui indiqua un trou dans les buissons sur le bord du chemin. Ils s'y glissèrent et attendirent. Les adolescents entendirent bientôt des beuglements et le bruit des bottes contre le sol. Ils étaient cinq, quatre alignés deux par deux et un qui menait la marche. Blanche s'enfonça un peu plus dans les buissons de peur d'être visible. Ils les dépassèrent sans les voir. Une fois qu'ils furent hors de vue, Aaron se leva et nota l'heure et le lieu sur un carnet rempli de chiffres et de mots, puis pris le chemin en direction de là où les soldats venaient de disparaître.
Ils les suivirent ainsi pendant longtemps, et lorsque Aaron regarda sa montre, ils ne leur restaient plus que quinze minutes avant le retour d'Alexina. Ils se mirent à courir à toutes jambes à travers la forêt. Lorsqu'ils arrivèrent, essoufflés mais rieurs et de nouveau complices, la maison était toujours vide. Blanche s'empressa d'aller changer ses vêtements tâchés par l'herbe et la terre, et qui humaient le parfum de la forêt.
Lorsque Alexina rentra, tout était en ordre, Blanche plongée dans un livre et Aaron de nouveau dans ses dossiers.

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