Chapitre 20

5 1 2
                                    

Ils ressortirent ainsi à l'insu de la mère de Aaron durant plusieurs semaines. La dispute au sujet de Val était oubliée depuis bien longtemps maintenant, et ils étaient de nouveau complices. Ils étaient retournés régulièrement au QG, pour donner les rapports de leurs missions d'espionnage, et à chaque fois, dès que Aaron avait le dos tourné, Blanche et Val se retrouvaient dans le laboratoire pour tester les nouvelles innovations du secteur recherches.
Aujourd'hui encore, Aaron avait dû s'éclipser dans le bureau du commandant du secteur espionnage et les deux adolescents avaient une bonne heure devant eux pour faire ce qu'ils souhaitaient. Val chuchota à l'oreille de Blanche.
"Aujourd'hui je t'emmène voir autre chose."
Ils s'éloignèrent et le garçon posa la main sur une porte.
"J'ai cru comprendre que tu aimais particulièrement lire, welcome!"
Il ouvrit la porte qui s'ouvrit sur une immense pièce, la bibliothèque. Les étagères débordantes de livres s'alignaient sur une surface gigantesque, le plafond se trouvant à plus de six mètres du sol. La hauteur du plafond s'expliquait par des mezzanines sur les contours de la pièce, tapissées d'étagères remplies de vieux livres. Les plus hauts ouvrages étaient accessibles par des échelles coulissantes. Blanche était au paradis. Val tendit une pile de livres à la jeune fille.
"Ceux-là sont à toi, je les ai achetés pour toi, ils parlent de tous ce que l'on sait sur ton pays de notre Côté. Ça t'intéresseras peut être."
Blanche lui sauta au cou, manquant de faire tomber la pile d'ouvrages. Elle se reprit aussitôt, glissant une mèche bouclée derrière son oreille, gênée.
"Merci! Tu n'aurais pas dû, c'est beaucoup trop, je n'ai rien fait de spécial pour mériter pareil cadeau...
-Je te les offre car ça me fait plaisir, tu n'as pas besoin d'avoir fait d'exploit"
Il lui fit un grand sourire, faisant pétiller ses yeux verts. Il la regarda monter les escaliers en colimaçon qui accédaient à l'étage, elle avait l'air émerveillé, ses livres à la main. Lorsqu'elle arriva en haut, elle s'approcha de la rambarde qui surplombait toute la pièce. Il la rejoint et s'appuya à la barrière, contemplant d'un oeil rêveur les étagères colorées.
"La vue est imprenable sur la bibliothèque ici."
Il vit Blanche hocher doucement de la tête, et dit soudain, le ton plus grave.
"Il faut que tu rentres chez toi.
Elle se tourna vers lui, l'air étonné, mais il n'en fit pas de même.
-Pourquoi? Je suis bien ici.
-J'ai entendu les Jumeaux discuter. Ils ont des espions au Palais et ils les ont informés que la République organise une nouvelle rafle de Rebels. C'est pour ce soir. On ne sait pas encore où ils vont te chercher, mais tu n'es en sécurité nulle part. Il faut que tu rentres chez toi. Tu as encore le temps de faire tes bagages et de passer le Portail.
-Tu dis n'importe quoi, les Rebels ont besoin de moi, je suis leur espoir, si je m'en vais ils ne voudront plus continuer.
-Nous nous débrouilleront très bien sans toi, il se tourna vers elle et lui prit doucement la pile de livres pour la poser sur un bureau à côté, libérant les mains de l'adolescente pour les prendre dans les siennes. Il la regarda et eu un sourire triste.
-Je t'aime beaucoup tu sais, je ne veux pas qu'il t'arrive quoi que ce soit."
Blanche était hypnotisée par les yeux émeraude du garçon. Il posa sa main sur la joue de la jeune fille, elle était douce. Il approcha ses lèvres, leurs bouches allaient se frôler, lorsque tout à coup, un claquement de porte retentit, ils se décollèrent immédiatement, et une voix que Blanche connaissait bien retentit, elle tremblait de colère.
"Blanche!"
Aaron se tenait sur le pas de la porte. La jeune fille devint écarlate, regarda furtivement Val, qui arborait un air frustré et déçu. Elle dévala les escaliers en trombe, sans prendre le temps de récupérer ses livres.
Aaron la prit par le bras fermement, il tremblait de rage. La porte claqua derrière eux. Ils traversèrent la salle principale au pas de charge, puis remontèrent chez Anna, et une fois dehors, dans la rue sombre, même en pleine journée, Aaron explosa.
"Mais qu'est ce qu'il te prend?! Embrasser Le Pirate!
-Mais on ne s'est pas...
-Peut importe! Vous étiez sur le point de le faire! Qu'est ce que tu sais de lui? Rien! On ne peut pas lui faire confiance! Et moi qui te cherchais partout une nouvelle fois..."
Il baissa le ton voyant qu'elle avait les larmes aux yeux. Il lui prit la tête entre ses mains et dit doucement.
"Je m'inquiète pour toi, tu comprend? Quoi qu'il te dise, pas grand monde n'a confiance en lui, on ne lui donne pas de tâche importante pour cette raison. C'est un envoûteur pour parvenir à ses fins. J'ai peur pour toi c'est tout."
Il l'amena contre lui, et voyant qu'elle ne se débattait pas, il passa sa main dans ses cheveux bouclés.
"Il faut que je t'emmène voir quelque chose..."
Il la regarda avec malice et partit en courant. Elle sourit et le suivit sur le même pas.
Ils arpentèrent de nombreuses ruelles de la capitale, toujours à l'abri des patrouilles de surveillance, puis sortirent de la ville, traversèrent un terrain vague, et arrivèrent en lisière de la forêt. Il lui prit la main et s'enfonça dans les épais taillis. Les ronces écorchaient ses bras mais Blanche s'en fichait. Aaron ne lui en voulait pas, et c'est tout ce qui comptait. Elle n'avait jamais eu l'intention d'embrasser Val, elle n'avait pas compris ce qu'il se passait à ce moment là, et lorsque Aaron était entré, elle allait se détourner, mais le garçon lui avait servi une occasion sur un plateau. L'adolescent aux yeux verts était très gentil avec elle, et il l'envoûtait, mais elle n'étais pas amoureuse. Elle en était là dans ses réflexions lorsque Aaron s'arrêta et se tourna vers elle. Il l'invita à passer sous un rideau de lierre, tenant les lianes pour laisser la place à la jeune fille.
Elle passa devant le garçon et se retrouva devant un petit lac, bordé de rochers moussus. L'endroit avait une ambiance féerique. Le soleil filtrait à travers le feuillage des arbres pour se refléter dans l'eau transparente. Les arbres bordant l'eau attirèrent l'attention de Blanche.
Leurs fruits étaient gros comme une balle de tennis, et ils étaient bleu électrique, nuancé de violet, et piquetés de points blancs, comme des étoiles dans une nuit claire.
L'adolescente s'approcha pour en toucher un, et Aaron la rattrapa au moment où sa main touchait le fruit. Il posa sa main sur la sienne, Blanche frissonna. Le garçon décrocha délicatement le fruit, s'assit par terre, au bord de l'eau, le fruit toujours à la main, et son étincelle malicieuse au fond des yeux.
"Regarde."
Il ouvrit le fruit en deux, et une odeur pestilentielle se répandit du fruit. L'intérieur était aussi affreux que l'extérieur était beau. Il était comme pourri, et un jus noir coulait sur les mains d'Aaron. Il posa le fruit à terre, se rinça les mains dans l'eau et expliqua.
"Ces fruits sont des Tourraz, qui signifie pourri, dans ma langue. Ils sont magnifiques à l'extérieur mais repoussants à l'intérieur. En Niity, il y a une expression très connue, Yrrah guent di Tourraz. Cela signifie prends garde au Tourraz. En français, l'expression qui correspondrait serait L'habit de fait pas le moine. Les apparences sont parfois trompeuses, certaines personnes très belles qui inspirent confiance sont peut être pourries à l'intérieur."
Elle voyait très bien de qui il parlait, cette description correspondait évidemment à Val.
Elle hocha doucement la tête tout en regardant au travers des arbres le soleil baisser dans le ciel. Le lac gardait la fraîcheur, et l'air se refroidissait. Elle tremblait, alors Aaron la prit contre lui pour la réchauffer. Elle se laissa faire, épuisée.

QuinaOù les histoires vivent. Découvrez maintenant