Quina

Chapitre 24

Une porte qui s'ouvre, puis se ferme, l'odeur de la pierre tout autour d'elle, et celle de la terre battue.
Blanche était étendue sur un lit, le bourdonnement de nombreuses machines autour d'elle, de l'eau fraîche sur son visage, le front douloureux. Elle voulut bouger, ouvrir les paupières, ou même respirer, mais c'était impossible. Son corps ne répondait plus, et pourtant, elle se sentait bouillonnante de vie. Elle n'avait pas voulu mourir, et elle ne l'étais qu'à moitié, son esprit bien vivant. Si non, comment peut-on penser lorsqu'on est mort? Blanche en était arrivée à cette conclusion. On ne peut pas penser lorsqu'on est mort, or elle pensait, donc elle était vivante. En partie.
Elle sentait une petite main chaude dans sa main, elle reconnu Gyn. Elle se demandait comment elle arrivait à déterminer qui se trouvait dans la pièce, sans humer leur parfum ou les voir, et pourtant elle y arrivait. Il y avait, dans la pièce, Nora, Anna, et cette chère Alexina, en plus de la fillette qui lui tenait la main.
Mais soudain, même si son coeur ne battait plus, elle eu l'impression qu'il ratait un battement. Quelque chose au fond d'elle se crispa, elle ne bougeait pas mais tout, à l'intérieur d'elle était en mouvement, son esprit était en fête. Elle avait senti une autre présence. Plus lointaine, plus étouffée, comme séparée par un mur, mais elle en était certaine, il s'agissait bien de lui.
Aaron était ici, tout proche.
Elle entendit soudain des voix, celles de Nora et Anna qui parlaient.
"Il y a du nouveau? Demandait Nora.
-Malheureusement non. Son corps ne donne aucun signe de vie, elle a toujours besoin de toutes les machines pour faire circuler son sang ou pour respirer, et toutes les autres choses essentielles à sa survie, mais son esprit vit toujours à l'intérieur d'elle, il refuse d'abandonner, je suis confiante, elle va se réveiller.
-Et si elle ne se réveille pas?
-Elle va se réveiller.
-Bien. Je ne veux tout de même pas avertir Aaron. Il sera encore plus dévasté si elle ne se réveille jamais. Il vaut mieux qu'il la croit morte.
-C'est horrible ce que vous faites Nora. C'était Alexina qui avait répondu. Comment vous croyez qu'il va réagir lorsqu'elle va se réveiller?
-Je ne veux pas prendre le risque de le perdre pour de bon, je vais le ménager ces prochains jours, mais ensuite il reprendra ses activités. Il ne faut pas qu'il se laisse entraîner par sa tristesse. "
Un silence tendu accueilli cette réplique. Blanche entendit de nouveau le grincement de la pierre, sans doute un passage secret, et ne sentit plus que la présence de Anna et Gyn.
Elle sentit la main ridée de la vieille femme sur sa joue, puis sa voix, lui parlant.
"Si tu te poses la question, tu n'est pas morte. Mais nous allons profiter de ta situation, nous allons comploter toi et moi. Blanche entendit son sourire dans ses paroles. Tu sens ton esprit remuer en toi? Il ne demande qu'à s'exprimer. Mais tu ne peux pas, car ton corps ne répond plus. Seulement, tu peux le faire par un autre moyen. Concentre toi. Permet à une partie de ton esprit de sortir de ta tête, qu'elle s'élève et voie la pièce dans laquelle tu te trouve." Elle se tu, attendant que Blanche y arrive.
La jeune fille se concentra, et libéra un morceau de son esprit. Des images s'imposèrent soudain à Blanche. Une petite pièce entièrement en pierre, au sol en terre battue, elle, allongée sur un lit, pâle comme la mort, une plaie nette et propre sur son front. Elle était reliée à des machines de toutes sortes, qui la maintenaient en vie. Elle vit Gyn, sa petite main toujours fermement serrée dans la sienne, et Anna, les yeux fermés, la tête levée vers le plafond.
"Bravo! Je sens que tu as réussi, bravo! Continue, va voir Aaron, traverse le mur, il est de l'autre côté."
Elle était parfaitement libre de ses mouvements, et invisible aux yeux des autres, à part de l'esprit de Anna, elle venait de le lui prouver.
Blanche traversa le mur, et se retrouva au dessus d'un dortoir, plusieurs dizaines de personnes y dormaient, elle scrutait les visages, mais fut attirée naturellement par le dernier lit au fond de la pièce, dans un angle. Aaron était allongé là, les yeux grands ouverts, vides de toute expression, mis à part une tristesse infinie. Il fixait le plafond, et sans le vouloir, Blanche fut aspirée dans ses pensées. Elle y voyait des images douloureuses, qui détruisaient l'adolescent, des images d'elle, au bord du lac, ou encore folle de rage, lors d'une dispute, mais aussi de leurs courses folles pour rentrer à la maison avant le retour d'Alexina, elle se voyait elle, ses yeux verts pétillants de rire. Elle fut choquée par la force qui émanait des sentiments d'Aaron. Refusant de le laisser souffrir ainsi, elle se glissa au creux de ses pensées, et lui envoya tout l'amour dont elle était capable. Le garçon s'apaisa, sa respiration ralenti, et il s'endormit.