La Falaise

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PDV Damien

Le vent souffle fort sur la plaine déserte. Ses rafales puissantes me malmènent et les débris qu'elles transportent me heurtent avec violence. Je vacille et manque de tomber à de multiples reprisent. Mes larmes laissent leurs traînées humides sur mes joues creusées. Au loin résonnent les cris des corbeaux de malheurs, leurs ailes viennent obscurcir l'horizon. Ils s'approchent de moi, tournoient. Leurs croassements bruyant font vibrer mes tympans. Puis ils fondent sur moi, serres tendues. Je me couvre le vissage dans une tentative dérisoire de me protéger et chute à genoux sous leurs coups incessants.

Le temps se dilate, se fige en cet instant de douleur. L'univers est souffrance.

Puis tout s'arrête. Les corbeaux crient encore, mais ils s'éloignent doucement. Une pression rassurante s'imprime sur mon bras, je relève les yeux et viens les figer dans ceux, d'un brun profond, de l'ange au cheveux bouclé qui se tient devant moi. Il m'aide à me lever en me regardant avec douceur.

Nous marchons, mains dans la mains. Il m'empêche de tomber, me protège de la morsure du vent et tiens les corbeaux à distance. Il est mon monde, une pierre solide dans un océan de furie. Sans lui je ne tiendrait pas, chaque jour il me sauve la vie.

Nous marchons ensemble depuis longtemps, je lui fait confiance. Nous sommes au bord d'une falaise.

Je revois chaque instant passé ensemble, nos fou-rires, nos pleurs, nos larmes, nos délires, nos joies, nos petits moments de bonheurs fugaces.

Puis Thomas me pousse.

Ma chute me semble durer une éternité, les corbeaux sont revenu, plus nombreux.
Puis soudain l'impact, le noir.

Et j'ouvre les yeux.

***

Il me regarde, l'auteur de mes tourments et le créateur de mes rêves. Il est enfin là, les joues délavée par les larmes. Il me sourit en prononçant mon nom.
Ses yeux ont le parfum de la douceur. Je me sens guérir, j'ai enfin l'impression d'être à ma place dans ce regard troublé. Il semble triste, mal, alors sans réfléchir je lui serre la main qu'il avait précédemment lié à la mienne. Je me sens mieux, sa présence comble un gouffre.
Il ne me vient pas à l'esprit un seul instant que ce gouffre, c'est lui qui l'a ouvert. Pour moi, il restera toujours celui qui m'a sauvé.

Nous restons là, communiquant par nos regard. Je lis du soulagement et du regret, beaucoup de regret dans ses yeux que j'aime tant. Je ne parvient pas à accepter totalement l'idée que ces larmes me soient destinées malgré le fait que mon prénom les accompagne. Impossible de savoir s'il s'agit de larme de joie ou de douleur.
Je ne peux le voir ainsi sans souffrir, malgré tout ce qu'il m'a fait. Il est ma vie, mon âme, mon tout.

Je sais qu'il m'a poussé dans le gouffre, qu'il m'a fait chuter du piédestal sur lequel il m'avait hissé. Il m'a fait redescendre plus bas que là ou il m'avait amené. La chute est brutale quand on a goûté au bonheur.
Mais s'il est vraiment là pour moi, je me sens capable de gravir les montagne, de traverser des volcans et de braver la foudre. S'il est là.
Car quoi que l'on dise, même si ces derniers temps il a été toxique, j'ai besoin de lui. Comme un arbre sans racine, je ne peux pas vivre sans celui qui me complète.

Le temps file, il fait que cela après tout. C'est peut-être pour ça qu'il existe. Peut-être que quand il sera vieux il ira moins vite, peut-être même qu'il finira par mourir. Il enveloppe chaque instant de nos vie.
Un cœur qui bat à la vitesse de la terre. A nous d'apprendre à suivre le tempo.

- Damien ? Je t'en prie, laisse moi finir. Tu pourra légitimement me jeter dehors, hors de ta vie quand j'aurai terminé, mais attends juste un peu. S'il te plaît. Je n'ai pas d'excuse, pas de circonstance atténuante. Mais je suis là, je suis là pour te demander de me pardonner. Je pensais venir te voir avec des phases toutes faites, un discourt préparé, pourtant je n'ai rien. Rien d'autre que moi, avec toutes ma maladresse et ma tristesse. J'ai besoin de toi Damien. Tu n'imagine même pas combien je regrette mes actes. Non seulement j'ai scié la branche sur laquelle j'étais assis, mais j'ai aussi coupé un jeune arbre plein de vie et d'avenir. Je t'ai détruit. Mais vivre sans toi m'est impossible, comme une plante a besoin d'eau et de soleil pour faire des fruits. T'est mon soleil ouais, tu illuminais ma vie. Je te l'ai dis, je n'ai pas d'excuse pour mon comportement, aucune raison pouvant justifier mes actes. J'ai juste cédé à la plus basse des pulsions, cédé à la peur en sachant qu'un petit quelque chose te rendait différent. Je me suis aveuglé, j'ai caché tout ce que tu es, tout ce que tu m'as offert derrière cette unique différence. On m'a toujours dit que les LGBT+ ne méritaient pas d'exister, et je n'ai jamais remis ça en question. Aujourd'hui j'ai compris, j'ai vu ma connerie, et je ferai tout pour y remédier. Mais pour ça, il vaudrait mieux que je parte. Mais j'en suis incapable. Alors même si ça ne change rien, même si ça n'efface pas le passé, je te demande pardon Damien, je te demande de pouvoir t'aider à reconstruire ce que j'ai détruis.

Les larmes coulent sur son visage ravagé, il semble presque fou à supplier comme ça avec la voix déraillant.
J'écoute son discours dans un état second. Je rêve de ce moment depuis longtemps, il a enfin lieu. Ses mots ont bien du mal à atteindre mon esprit, mais se frayent sans peine un chemin jusqu'à mon cœur. Le langage des émotions est limpide.
Chacune des ses larmes vient se figer dans mon cœur comme un dard glacé. Chacun des ses mots tremblant vient se figer en moi sans même que j'en aie conscience.

Je ne peux tout simplement pas imaginer vivre à ses dépends. Je ne devrai probablement pas, mais j'ai confiance en lui, encore maintenant. Il ne fait pas semblant.
Malgré tout, je pensais le connaître et je me suis trompé alors comment savoir si je ne me berce d'illusion.
Je ne peux vivre sans lui, je préfère continuer à rêver même si le réveille sera brutal. La vie est un mirage.

Alors je fais la seule chose à faire, je serre la main, je lui montre d'une pression que je suis là, et que je ne partirai pas. Il est assis devant moi, alors je tend mon autre main et viens caresser de mes doigts noueux sa joue creusée pour sécher ses larmes. Un sourire fleuri sur ses trais et son regard me berce de douceur alors qu'il vient se mêler au miens dans une osmose semblable à celle qui nous a toujours lié.

Les mots sont superflus, mais je devine qu'il en a besoin pour pouvoir croire ce que lui dicte son instinct.

- Thomas, tu le sais, j'ai besoin de toi. Sans toi je ne suis rien. Et tu l'as vu.

Je respire un moment avant de continuer :

- Tu ne l'as jamais su, mais tu l'as toujours deviné, quand nous nous sommes rencontré, je chutais. Je sombrais, la vie me poussait à la quitter. Tu m'as sorti de l'enfer, tu as donné à ma vie un sens. Sans toi voilà longtemps que je ne serais plus ici. Alors chaque jours qui passe est un jours que je vis que grâce à toi. Je ne peux tout simplement pas te chasser. Tu m'as fait du mal, mais je t'en ai déjà fait aussi. La première qualité d'un ami est de savoir pardonner. Et je sais que tu ne recommencera pas, tu ne serai pas venu ici juste pour m'achever. Tu es tellement borné que toi seul peut t'avoir amené à mon chevet. Tu seras toujours important pour moi. Sans toi je serai mort Thomas, mort.

Les larmes que j'avais essuyer recommence à couler, mais il s'agit clairement de larme de joie cette fois ci. Je me sens bien.

*****

Ce chapitre est probablement le plus long que j'aille écris (1350 mots). Mais le voilà.

J'ai une question à vous poser sur ce que vous préféreriez :

- Vous voulez qu'on arrive rapidement à la fin, qu'on survole les événements secondaire ou au contraire que ça traine ?

C'est la seule question qui me vient pour l'instant. Je crois que j'ai dis tout ce que j'avais à dire.

Bref,
A bientôt

P.S. Le titre est un hommage à une amie qui ne le verra jamais, elle avait gagné un concour avec un texte du même nom. C'est en partie pour elle que j'écris.


Un peu trop tardOù les histoires vivent. Découvrez maintenant