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Je viens de rejoindre mon groupe, ma bande composée des "infréquentables". Ils m'ont vus avec elle. Ils rigolent. Je m'en fiche. Ils rigolent tous, sauf L.

Je sais ce qu'elle ressent quand elle me voit partir avec elle, j'ai déjà ressenti pareil.

Mais en plus violent.

"- Je peux te parler ?

Je m'écarte du groupe et la suis.

- Alors comme ça tu changes de camp ?

- Je vois pas ce que tu veux dire.

- Tu vois très bien.

- Non.

- Qu'est ce que tu fous avec cette cloche ?

- Je t'interdis de l'appeler comme ça.

- Ah ! Tu la défends, c'est du joli ! Elle t'a retourné la cervelle, oublie-la !

- Fous lui la paix, je te demande pas de t'occuper de mes affaires.

- Pauvre type"

Je sais que dans le fond elle a mal, moi aussi j'ai eu mal.

Au fond, ça me fait un peu de peine pour elle.

Je sais ce que ça fait de se sentir trahi après tellement d'années... Elle a toujours été un alibi de taille lors de mes petites fugues, une amie de confiance, la seule fille que je consentais d'approcher, c'est incontestable.

Mais là si, je n'ai pas assez confiance en elle pour la laisser s'en mêler, et peut être même tout gâcher.

Elle n'essaie même pas de me comprendre...

Et puis

Après réflexion, je crois que si... :

- J'ai choisi mon camp.

La sonnerie retentit. Tout le monde se précipite dehors en courant. Elle range soigneusement ses cahiers dans son sac. Je ne me lasse pas de la regarder.

"(R.) - He ho. Je te parle !

(moi) - Excuse.

- On y va ?

- Non, fin je...

(L.) - Laisse-le, il attend sa copine, on se tire."

Je soupire d'énervement.

Oui j'attends ma "copine", ça vous dérange !?

J'attends que tout le monde sorte, je m'approche de sa table.

"- Tu rentres à pied ?

Elle se retourne brusquement, sûrement un peu surprise.

- Ah, c'est toi...

- Toujours !

- Oui je rentre à pied, mon père... bosse.

- On rentre ensemble ou t'as déjà quelque chose de prévu ?

Elle esquisse un sourire moqueur, comme si ma question était stupide.

- Faut que je regarde mon agenda mais je devrais te trouver une place..."

Je souris alors à mon tour.

En plus elle est drôle. Elle est décidemment parfaite. Et vraiment belle.

Oh oui.

Terriblement belle.

Dans les couloirs, à la sortie du cours de maths de Monsieur Gruat, quelques regards se retournent sur nous. Elle me regarde, un peu déstabilisée, je me contente de lui sourire.

Nous arrivons devant le hangar à vélos. Ma "bande" est là. je commence à penser qu'elle a le don de gâcher mes meilleurs moments !

"- Alors, tu viens ou tu restes avec ta copine ?!

Je ne réponds pas. Je la regarde, pour voir comment elle réagit, elle baisse les yeux.

R. s'approche en sifflant.

- Tu nous la présentes pas ? Elle a l'air vachement bonne pourtant, c'est combien ? Allez fais pas ton radin on partage.

Je l'attrape par le col de sa chemise et le plaque contre le mur.

- Fous lui la paix sale type !

- Oh, tu la défends, c'est vraiment chevaleresque ça

- T'es qu'un bouffon !

Je le lâche et m'écarte pour le regarder, avec dégoût. Il tire légèrement sur sa chemise pour laisser son cou respirer avant d'ajouter :

- He la bombe, surveille un peu ta bête !

Je fais un pas en avant, près à le frapper comme on me l'a appris il y a quelques années, mais elle me saisit l'avant bras, tremblante. Je me ravise. R. demande alors, sourire en coin.

- Et tu vas me faire quoi Super-justicier dis moi ? Faut que j'ai peur de ce corps de lâche c'est ça ?

Bléssé, je me contente de lui cracher aux pieds pour ne pas le laisser se réjouir d'avoir réussi son attaque.

- Que ce soit clair : si tu la touches, je te tue."

J'en entends quelques-uns siffler, je m'en fous.

Je commence à marcher, elle me suit, mais elle reste un peu à l'écart.

Elle tremble encore. Elle n'a pas l'air d'aimer ça, la violence.

Je me souviens de la première fois où elle m'a suivi, la fois où elle m'a fait confiance.

Je n'ai pas le droit de la laisser se sentir mal à cause de moi.

Je m'en fous qu'ils me regardent.

Je tends le bras, attrape sa main, la tire vers moi et fourre nos deux mains dans la poche rembourrée de mon gilet. Cette fois, je garde sa main au chaud dans la mienne.

Elle se laisse faire et sourit.

En fuite Où les histoires vivent. Découvrez maintenant