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Dans cette orée de forêt du pourtour de la ville, sa tête est posée sur mon torse, sa respiration régulière m'apaise... Nous avons marché une bonne partie de la nuit. Je regarde son œil bleuté... 

Si seulement je pouvais le frapper, lui faire vivre ce qu'elle a vécu !

Mon pouls s'accélère.

Elle entrouvre les yeux.

- Ca va ?

Je ne lui réponds pas.

Elle suit mon regard et pose une main sur son œil avant de gémir doucement.

Je serre son corps contre le mien comme si je pensais pouvoir la protéger éternellement...

Evidemment, c'était trop beau, Trop simple.

On avait pas prévu...

Je n'avais pas prévu.

Elle, elle n'est pas en état de prévoir quoi que ce soit...

Je ramasse une petite brindille toute frêle à même le sol, pour la tortiller entre mes doigts...

Je me suis levé assez tôt ce matin, au milieu de nulle part. Mes cheveux encore mouillés me frottent le visage. Je suis allé à la cascade. L'eau y est assez pure pour y remplir nos gourdes et le bassin assez profond pour que je puisse me laver ... Quand j'étais petit, c'est mon père qui me l'avait montrée.

A ce seul souvenir, mes poings se serrent. La brindille éclate entre mes doigts. Je regarde désespéré les deux bouts séparés...

Je soupire.

J'allume mon portable.

Ma mère m'a appelé un quinzaine de fois, ma sœur de même...

Je commence à taper un message, puis je me ravise.

Je suis pas une balance.

C'est à elle de décider...

Je n'ai pas le droit de choisir à sa place.


Après une grosse demi-heure à la regarder dormir, je décide de mettre à profit le petit vent frais qui souffle dans le sens du courant, les hautes herbes où me camoufler, et les truites que je sais encore à moitié endormies à cette heure ci...

Je ramasse une branche assez longue, m'arrache un lacet, et avec un ressort en métal que je déroule et un vulgaire asticot, je la laisse dormir encore et, assis sur mon rocher, je laisse un peu le vent froid me fouetter le visage, pour ressentir cette sensation, ce picotement de la première gifle. Après un instant de nostalgie, je plonge ma "canne à pêche" dans l'eau fraîche du matin et regarde l'asticot se débattre au bout de la ligne, secoué violement contre les parois coupantes des rochers de la digue, semi engloutie par le courant.

Soudain je me fige, comme une lionne surveille sa proie, comme si cette truite était indispensable à la survie de ses petits. Elle s'approche doucement de l'appât, et, naïve, mort goulument l'asticot. Avec un petit pincement au cœur je la sors rapidement de l'eau et l'assomme contre un rocher.

Je la range avec mes deux autres victimes dans ma "garbuste", qui se résume à un sac en plastique (percé).

Si on se fait un feu de camp... Peut être qu'avec un paquet de chips que j'ai emporté dans mon sac à dos...

J'espère qu'elle sera fière de moi.

En fuite Où les histoires vivent. Découvrez maintenant