Chapitre 33 - Méphista

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La lumière du soleil filtra soudain entre les arbres. Le chant des oiseaux monta aux oreilles de Brandon. Il ouvrit les yeux, mais un mal de crâne encore bien présent le força à les refermer quelques secondes.

Devant lui s'étendait une longue étendue d'herbe. Une clairière entourée d'arbre. Quelques fleurs jaunes somptueuse poussaient à leurs pieds. Il perçut au loin le fracassement de l'eau contre la roche.

Il devina sans soucis où il se trouvait. Le gouffre du Destin. A le voir ainsi, on pourrait penser que personne n'y vivait, qu'il ne s'agissait que d'une simple forêt.

Sur sa droite, un petit chemin dégarni de végétaux s'enfonçait dans la forêt. Il rêvait d'ores et déjà de l'emprunter pour se tirer de là. Il voulut bouger afin d'assouvir cette envie, mais il s'aperçut que son corps entier reposait sur une chaise et que chacun de ses membres étaient attachées par de solides cordes.

Il se souvint être déjà venu ici. Mais c'était différent. Un miaulement le tira de sa contemplation et un joli chat tigré surgit de derrière les buissons, l'air de rien. Celui-ci s'assit devant lui et parut le narguer en remuant librement sa queue. Ses yeux bleus ne le quittèrent pas un instant. Brandon commençait à croire que cet animal n'était pas normal. Un chat ne prenait pas cet air-là. Il devrait agir en animal de compagnie, non ?

Raide comme un piquet, la bête continua malgré tout son manège au point de l'agacer et de le rendre très mal à l'aise.

—Tu veux un portrait ? Tu as de la chance que j'aime les animaux.

Cette situation burlesque digne d'un « film » comme aimait le dire Alanah, le fit se mesurer à un chat durant une éternité. Plus le temps passait et plus il doutait que l'animal n'était pas ce qu'il prétendait être.

Et il avait raison. Une fois le moment opportun choisit, l'animal se redressa sur ses pattes. Il lui suffit d'un battement de cil pour prendre la forme d'une somptueuse jeune femme aux longs cheveux blonds et aux prunelles azurées.

—Bonjour Brandon, enfin Jefferson, non ? C'est ton prénom, si je me souviens bien.

Très grande et très mince, la robe qu'elle portait lui allait à ravir. D'un blanc immaculé, on aurait cru qu'elle venait tout droit du paradis. Sauf que cette femme était loin d'être un ange. Son petit nez ferait fondre n'importe quel homme de toute façon.

—Méphista ! Quel malheur de te revoir ! maugréa Brandon.

—Mon cher Brandon, tu m'as manqué, dit-elle en souriant. Ton absence commençait à me peser.

—Ne dis pas n'importe quoi.

—Je peux quand même essayer. Qui ne tente rien n'a rien, d'après ce qu'on en dit.

Alors que ses doigts doux entreprirent de lui caresser la joue, Brandon énervé, lutta pour se défaire de son pouvoir et reprendre le contrôle de ses émotions. Il devait se libérer et sortir de là au plus vite. Alanah avait besoin de lui. S'il avait été plus vigilant, il n'aurait pas quitté la piste et serait déjà très loin de cette immonde saleté.

Méphista était une voyante ou une tortionnaire selon les points de vue. Rares étaient ceux qui s'échappaient de son antre. Et quand certains survivaient, ils ne repassaient jamais par là.

Celle-ci oublia rapidement les bonnes manières, se permettant de glisser ses mains à des endroits gênants. Elle en vint même à s'asseoir sur ses genoux afin d'en profiter un peu plus.

—J'ai apprécié ton petit compliment, tu sais ! le remercia-t-elle avec un grand sourire aguicheur.

—Quoi ? s'étonna Brandon perdu.

—Tu aimais le chat ! Ça veut dire que tu m'aimes !

Brandon nia rapidement, et s'en voulut pour ce propos un tant soit peu déplacé. Méphista se donnait d'ailleurs un air de femme attachante, alors qu'il n'en était rien du tout.

—N'essaie pas de te libérer ! l'avertit-elle, autrement tu regretteras d'être né. Ça ne me dérange pas de te tuer.

—C'est très sympathique de ta part, ironisa Brandon. Merci de ton attention.

Brandon abandonna sa lutte silencieuse et la dévisagea méchamment. Cela ne lui ferait rien du tout.

—Tu ne crains rien !

—Permets-moi d'en douter ! La dernière fois, si je me souviens bien, tu as tenté de me tuer alors que je venais demander de l'aide. Chose tout à fait normal pour une personne sensée.

Mais puisqu'elle ne l'était pas...

—Oh ! C'est vrai. Mais maintenant nous sommes amis, n'est-ce pas ?

—Ah non, je ne crois pas.

Vexée, la jeune femme délaissa son siège humain pour tourner autour de lui tel un animal affamé. Un sourire en coin, Méphista admira le paysage, sans se préoccuper de son cas.

—Libère-moi ! quémanda-t-il.

—Pas tout de suite. Je veux seulement te parler.

—Et tu as besoin de m'attacher ? Je te croyais plus civilisée.

—Simple précaution. Ecoute au moins ce que j'ai à te dire.

—Ai-je le choix ? Je suis pressé, je dois aller à ...

—... Arlington ! coupa-t-elle en le fusillant de son regard bleu. Je sais. Je suis là pour t'en empêcher.

Brandon n'abdiqua pas. Si elle ne le libérait pas, alors il passerait par la force. Une fois en colère, plus rien ne l'arrêtait. Cette maudite femme ne le tiendrait pas en laisse.

—Je ne changerai pas d'avis.

—Moi non plus ! s'exclama-t-elle. J'ai lu l'avenir. Et j'ai pas mal de chose à te dire, c'est donc une aubaine de te trouver dans le Gouffre.

—Pour une voyante, heureusement que tu sais le faire. Autrement tu serais bien embêtée.

Les sarcasmes répétés de Brandon ne l'atteignirent pas. Le visage impassible, elle poursuivit sur sa lancée.

—J'ai su que tu viendrais dans mon domaine.

—Moi aussi et je n'ai pas eu besoin de pouvoir de divination pour le savoir. Je ne suis pas venu pour te déranger. Je devais rejoindre la ville au plus vite.

—J'ai compris la première fois, inutile de te répéter petit perroquet. Dès fois, tu es vraiment gonflant.

Méphista croisa les mains sur son giron et se promena tranquillement dans la clairière, rendant le moment interminable. Elle se faisait prier, tout en sachant dans quel état de nervosité il se trouvait. Elle le faisait exprès afin de jouer avec ses nerfs.

—Qu'est-ce que tu me veux ?

—Te mettre en garde.

—Je n'en ai pas besoin. Je suis capable de voir les risques que j'encoure ! s'emporta Brandon.

—Ça m'étonnerait. Si tu vas à Arlington, tu mourras. Ils mourront tous.

Une expression qui le figea d'horreur.

Les Immortels - TOME 1Où les histoires vivent. Découvrez maintenant