Chapitre 36 - Le supplice des braves

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Un filet de bave mélangé à celui du sang s'écoula de sa bouche entrouverte. Sa lèvre éclatée arborait une magnifique plaie à peine fermée. Ses nombreuses lésions au visage s'accumulaient au fil des heures. Sa pommette droite aussi violette qu'une figue montrait à quel point Ryan aimait la frapper.

Ses côtes durement touchées ses derniers jours l'empêchèrent de respirer correctement. Son état de fatigue avancée et sa faim extrême la faisaient disjoncter de l'intérieur.

Ryan continuait malheureusement. Tant que son corps vivrait, il se vaquerait à ses occupations avec grand plaisir. Alanah ne cessait de compter les jours passés dans ce monde. Ils en étaient au dix-septième. Et elle était dans un état pitoyable.

Contrairement à elle, la main du jeune homme affichait quelques traces rougeâtres et rien d'autres, alors qu'elle saignait. Il lui était impossible de dormir ou de se reposer. Dès que ses yeux se fermaient, Ryan était là pour la réveiller à sa façon.

Elle n'en pouvait plus. L'idée d'accepter la révoltait et pourtant, il était ô combien facile de prononcer ce seul mot qui mettrait fin à son agonie. Ce simple oui qui la sauverait la condamnerait également à une vie de misère.

Alanah ne sentait même plus ses bras, ni le fer qui entaillait la chair de ses poignets. Quant à ses jambes...

—Tu comptes tenir longtemps ? demanda Ryan presque amusé.

Elle ne répondit pas et préfèra le laisser faire ce qu'il avait à faire. A savoir lui verser une quantité d'eau dans la bouche, sans se préoccuper du fait qu'elle avale ou non et ce, jusqu'à l'étouffer.

—Tu devrais accepter. Ce sera plus facile et tu auras la vie sauve. Tu n'aurais plus besoin de fuir et tu auras tout ce que tu voudras. La richesse, le pouvoir...

Alanah ne jurerait pas que Ryan dise la vérité. Et oui, elle pourrait tenir longtemps. Si Démolian la désirait pour un quelconque plan, alors il la tuerait une fois ce désir satisfait. Que gagnerait-elle ? Rien. En refusant, elle s'infligeait mille tourments mais s'assurait de rester en vie le temps de trouver une solution.

—Va te faire voir ! cracha-t-elle.

Sa gorge était un supplice lorsqu'elle se mettait à parler. Heureusement, cela n'arrivait pas souvent.

—Tu sais... en te capturant, le roi devinait que Brandon viendrait tout seul. Peut-être que si on le tuait sous tes yeux, tu accepterais. Si tu décides de le servir avant que ça n'arrive, il restera libre et il ne sera plus recherché !

—Je ne te crois pas. Rien ne me garantit qu'il ne soit pas déjà mort. Et je n'accepterai rien qui vienne d'un traitre. Je suis loin d'être bête et tu ne m'auras pas. Oui, c'est bien le mot. Tu es un traitre. Un connard de première à qui je n'aurais pas dû faire confiance.

Alanah espéra à présent que Brandon ne ferait pas la bêtise de venir la libérer. Il tomberait à coup sûr dans un guêpier dont personne ne se sortirait indemne. Elle se refusait d'ailleurs d'être la complice d'un meurtre. Doutant de plus en plus quant à la vie de Brandon, Alanah se tritura les méninges, tentant par-dessus tout de discerner le bon grain de l'ivraie. Perdant de temps en temps connaissance sous les coups de Ryan, la jeune femme ne pouvait pas tout savoir.

—Je n'ai pas voulu te faire de mal, lança tout à coup Ryan à quelques centimètres d'elle.

Alors pourquoi la frapper ? Pourquoi la battre avec insistance ?

Les lèvres proches des siennes, la jeune femme mourrait d'envie de lui faire une vacherie. Malheureusement, la dernière fois qu'elle s'était révoltée, Ryan le lui avait fait payer.

—Tu te répètes ! fit-elle de plus en plus faible.

—Nous ne pourrons jamais rentrer... tu le savais ?

Elle médita un moment. Pourquoi rentrer serait impossible ? Brandon lui avait promis de l'aider une fois que Démolian serait tué. Si ça avait été le cas, il n'aurait pas menti. Elle faisait confiance à Brandon.

—Démolian a dit que la porte ne s'ouvrirait plus.

—Il te ment, protesta la jeune femme. Il te ment sans arrêt. Tu crois être son bras droit mais tu n'es qu'un pantin. Pourquoi il te dirait le contraire ?

—C'est la vérité.

—Non !

Ryan supposait pouvoir la faire plier grâce à cette manœuvre. Il se faisait avoir depuis le début et il ne le voyait pas. Cela désolait la jeune femme. Ryan était pourtant un garçon bien, envahissant parfois, mais gentil. S'était-elle trompée ?

—Je refuse de servir le salaud qui a tué mon père ! C'est un meurtrier. Et le sang de ma famille a souillé ses mains.

—Encore...

—Tu t'es allié à lui parce que tu es un lâche. Moi je veux me venger. Mais ça tu ne pourrais pas le comprendre...

S'en était trop pour Ryan. Plus qu'en colère, le jeune homme lui flanqua un violent coup de poing dans la poitrine. Le choc la priva momentanément de tout oxygène et l'empêcha d'en absorber. Cet air si vital pour l'homme restait hors de sa portée. Tel un poisson hors de l'eau, Alanah suffoquait. Son thorax se comprimait frénétiquement à la recherche de ce fameux trésor et ses côtes criaient de douleur.

—Détrompes-toi ! Je comprends mieux que toi l'idée de vengeance. Tu ne me connais pas suffisamment pour le savoir.

Il recula, les poings serrés. Alanah quant à elle cherchait de l'air.

—Es-tu au moins sûr de ce que tu avances au sujet de ton père ? lui demanda-t-il en lui tournant le dos.

—Je préfère faire confiance à Brandon plutôt qu'à un homme de ton genre, s'efforça-t-elle de dire.

Ryan lui fit aussitôt regretter ses paroles comme à son habitude. Ce n'était pas sa nouvelle alliance avec Démolian qui le rendait fou mais sa jalousie envers Brandon. Enfin, c'est ce qu'elle croyait remarquer. Ryan ne lâcha pas l'affaire, assénant des coups par dizaines. Dormir et manger étaient deux idées inconcevables pour elle. De temps à autres, le jeune homme consentait à lui donner une gorgée d'eau, malheureusement en quantité insuffisantes pour l'aider à tenir.

En acceptant, elle mettrait fin à son calvaire une bonne fois pour toute et ne le supporterait plus. D'ailleurs, si elle acceptait, Démolian exaucerait sûrement son souhait de l'abattre sur le champ ? Abandonnée et trahit, que pouvait-elle faire d'autre ? Ryan n'était plus son ami. Et Brandon ne devait surtout pas venir. Avec un peu de chance, il avait entendu ses prières et fait demi-tour pour reprendre une vie normale. Elle s'en voulait encore d'avoir été la principale responsable de l'incendie de sa maison et d'avoir un peu plus détruit sa vie.

Alanah repensa à sa vengeance et commença à se dire qu'elle préférerait mourir que de lui laisser l'honneur de le satisfaire. Si elle pouvait un jour le tuer, ce qui restait somme toute possible, alors elle essaierait. Tant que son cœur battrait, elle n'abdiquerait pas. Tant qu'elle pouvait encore réaliser son rêve, elle survivrait.

Les Immortels - TOME 1Où les histoires vivent. Découvrez maintenant