Chapitre 26 - Les plus bas instincts des hommes...

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Alanah entendit un bruit étrange. Dans le brouillard du demi-sommeil, elle ne parvint pas à l'identifier.

Elle ouvrit les yeux lentement et sentit une odeur de brûler caractéristique d'un bon feu de bois suivit d'un raclement de gorge.

Feignant de dormir, elle évalua la position de son visiteur puis celle de son arme qui avait quitté son flanc. Sans une arme mortelle, comment se défendre ?

Alanah se rappela soudain l'attaque de Bethesa et sa capture par les soldats. Elle se souvint avoir été malmenée un bon moment avant de perdre connaissance. L'un d'eux se tenait à coup sûr à côté d'elle et la guettait.

Elle jeta un coup d'œil, avec prudence... et tressaillit de peur. Deux hommes lourdement armés maintenaient la porte fermée. Impossible de sortir de ce côté-ci.

Alanah se releva vivement, et analysa les lieux. Une toile blanche les recouvrait entièrement et semblait soutenue par plusieurs poteaux en bois enfoncés dans la terre. Le chapiteau conservait la chaleur dégagée par le feu de bois. Aucune autre porte n'était à déplorer.

Ses mains liées au poteau central l'empêchèrent de bouger. Assise sur le sol, Alanah se trouvait dans une position vulnérable. Plus elle gigotait, plus ses liens se resserraient autour de ses poignets meurtris.

La douleur dans son bras se raviva soudain, lui arrachant un grognement. Une légère flaque de sang tâchait discrètement le sol à l'endroit où son bras reposait avant qu'elle ne se réveille. Autour d'elle, personne ne remarqua qu'elle avait repris connaissance et elle ne leur donna aucune raison de le faire. Ainsi tranquille, elle gagnait du temps. En tant qu'observatrice, elle apprendrait bien plus de choses qu'en se faisant cogner de toute part par ses geôliers. Un moindre mal puisque le but était de rester en vie et de faire en sorte de toucher à nouveau sa liberté.

Elle se concentra ensuite sur ses poignets. Le jeu du chat et de la souris. Plus ses doigts tentaient de s'emparer du nœud, plus celui-ci s'éloignait et accroissait son emprise. Une valse douloureuse qu'elle ne se plaisait pas du tout à répéter.

Interrompue par les deux gardes, Alanah stoppa net. Un autre soldat arrivait, le pas lourd raisonnant dans l'air. Ceux-ci le laissèrent passer en baissant la tête, pour faire place au colosse de Rhodes. En le voyant, la jeune femme crut son heure arrivée. Son cœur se débattait sous ses côtes, voulant à tout prix sortir pour ne pas se faire transpercer.

Les cheveux blonds bouclés, les yeux froids et son sourire narquois pétrifièrent la jeune femme. Tout en la regardant, il passa un pouce dans sa ceinture et se pinça les lèvres.

—Une bien jolie donzelle ! Je suis content qu'on n'ait réussi à te mettre la main dessus.

Un rayon de soleil filtra par l'entrée, l'éclairant par le dos. Ainsi, il donnait l'air d'être tombé du ciel. Il se baissa, posant genou à terre. Son regard de fouine ne décrocha pas un seul instant celui d'Alanah terrorisée. L'homme qui lui faisait face ne venait pas du paradis, elle en eut la certitude.

—On vous tuera tous ! lui cracha-t-elle en guise de menace.

Le soldat la gifla en ricanant, puis lui flanqua son poing dans l'estomac. Pliée en deux, le souffle court, un filet de bave s'échappa de sa bouche. Des mains perverses déboutonnèrent ensuite ses vêtements pendant qu'un autre, venu de nulle part lui banda les yeux. Elle mit du temps à comprendre ce qui se passait.

—On a ordre de ne pas te toucher, mais j'avoue que c'est tentant. Je ne vois pas pourquoi je me retiendrais. J'ai quelques envies à assouvir. Quand on est en campagne, on ne peut se permettre de prendre du bon temps.

Il ouvrit alors les pans de sa robe et découvrit sa poitrine. Aveugle, elle put deviner facilement ce qui se produisait autour d'elle. Il ne fut même pas étonné de voir des sous-vêtements de la sorte.

Hors de question qu'elle se laisse faire comme une vulgaire putain. Ses porcs ne la violeraient pas. Elle resserra donc les cuisses avec acharnement en espérant les en dissuader. Mais un genou s'insinua entre celles-ci pour la contraindre à obéir. Alanah jura de rage et hurla à s'en briser les cordes vocales en constatant sa défaite imminente. Subir une horreur de ce nom n'était supportable par personne. Un cliquetis survint ensuite, annonçant qu'il défaisait sa ceinture.

—Capitaine ! s'exclama la voix d'un jeune garçon à l'extérieur.

Une voix qui lui sauvait sans doute la vie.

Le colosse s'interrompit, agacé. Alanah soupira de soulagement et remercia le seigneur de lui accorder pareil répit. Elle put respirer librement, tout en se méfiant de ce que le soldat allait lui faire. Ce jeune inexpérimenté lui donnait une chance inespérée.

—Quoi ? brailla le capitaine. Qui vient me déranger ?

Un tintement métallique accompagna la question, signe qu'il refermait sa ceinture tout en se dirigeant vers l'entrée pour entendre les doléances qu'elle n'entendit pas.

Elle s'acharna de nouveau à se libérer. Son désir de fuir à toutes jambes lui donna suffisamment de motivation pour se débattre jusqu'à en crever. Si sa mère découvrait ce qui lui arrivait... Non, inutile d'y penser. Elle s'imagina très bien quelle serait sa réplique.

« Tu t'es mise toute seule dans ce pétrin, à toi de te débrouiller et ne viens pas te plaindre ».

Le moral à zéro, elle entreprit de réfléchir à la méthode qu'emploierait son père. Dans ce genre de situation, il gagnerait du temps. Il inventerait n'importe quel subterfuge pour se laisser une chance de trouver une solution.

Le capitaine d'humeur morose revint dans son fief. Le cœur battant la chamade, elle se prépara mentalement à ce qui suivrait, persuadée qu'il reprendrait ses petites affaires dès que possible.

—Nous ne sommes plus très loin d'Arlington. Nous devrions arriver demain matin. Ce sera pour une autre fois.

La voyant se débattre dans le vide, le capitaine ricana à gorge déployée.

—Tu crois réussir à t'échapper ? Si tu te tires, on te retrouve et on te tue. Après quelques petites récompenses, bien sûr.

Alanah paniqua. Incapable de discerner quoi que ce soit à travers le tissu qui lui barrait les yeux, elle s'affola. N'y avait-il aucun moyen de se sortir de ce bourbier ?

Brandon et Ryan hantèrent ses pensées. Elle désirait plus que tous les revoir et s'assurer de leur état. Comment allaient-ils ? Brandon lui manquait atrocement. Ne plus sentir sa main dans la sienne la rendait dingue. Elle n'avait jamais regardé les garçons avant. Mais lui...

Depuis le début ce plan était voué à l'échec. Malia les avait avertis. Ils n'en avaient fait qu'à leur tête évidemment. Trop obnubilé par l'envie de se venger, Brandon et elle les conduisaient à la catastrophe. Depuis quand la jeunesse était-elle plus expérimentée que ses aïeux ? S'en mordre les doigts, voilà ce qu'elle pouvait faire.

Toute cette histoire était de sa faute, il fallait l'admettre. Pourtant, cela partait au départ d'une bonne intention. Et soudain, les paroles prononcées par Malia resurgirent de nulle part, dans un coin de sa tête.

« Le courage et le ressentiment. Les deux mélangés ne mènent jamais à rien de bon ». De toute évidence, cela désignait la vengeance. Ce seul sentiment nous faisait oublier toute prudence et toute lucidité. Maintenant, elle le comprenait et retiendrait la leçon.

—A quoi tu penses ? L'interpella subitement une voix qui la tira de sa rêverie.

Alanah l'avait carrément oublié celui-là.

—Ça ne vous regarde pas ! rétorqua la jeune femme.

—Comme tu veux. Demain à la même heure, tu m'en voudras de ne pas t'avoir tué avant. Ce qu'il te réserve va être.... Marrant. Pour moi.

—Ah oui ? Et il me réserve quoi ?

Le capitaine ne lui répondit pas, laissant le suspense, puis s'en alla pour ne plus revenir.

Les Immortels - TOME 1Où les histoires vivent. Découvrez maintenant