Chapitre 45 - Notre sauveur

10 1 0
                                    


Démolian détourna alors les yeux vers elle, qui ne bougeait toujours pas. Ce soudain intérêt lui fit froid dans le dos. Il fit un pas, puis un autre dans sa direction. De ses deux bras valide, elle ne put reculer assez vite pour l'éviter. Elle était de toute manière, coincée sur un lit, qui serait aussi son lit de mort. Avant qu'elle ne remarque quoi que ce soit, la main de Démolian vola sous son manteau et un couteau en argent se ficha dans le bas ventre de la jeune femme, arrachant à celle-ci un cri venu d'un autre monde. Chair après chair, muscle après muscle, la douleur se propagea et la faisait souffrir à un point inimaginable.

Le couteau resta là, bougeant doucement dans son ventre au rythme de sa respiration saccadée. Elle ne parvint pas à réfléchir à l'issue de secours qu'elle devait emprunter à cause de cette fichue lame. Deux choses qui la tuaient petit à petit. Cet effet troublant ne réveilla cependant pas le bébé dont les dernières manifestations avaient fait plus de mal que de bien. L'avait-il tué ?

—Sans descendance, plus question de m'abattre ! argua Démolian dont l'acte ne lui avait fait ni chaud ni froid. Si personne ne peut l'avoir, je pense qu'il est préférable de la tuer, non ? En infligeant une petite douleur c'est mieux. Pour moi, en tout cas ! s'écria Démolian en se dirigeant à présent vers son ami. Maintenant, tu vas faire quoi ?

En gardant le couteau dans son corps, Alanah empêcherait le sang de couler, mais ça lui ferait plus mal tout en s'offrant une chance de survie. A condition que son ennemi se fasse tuer.

Celui-ci maintenait par ailleurs son pouvoir sur Brandon. Le pauvre semblait souffrir le martyre tout en luttant par la force venue des tréfonds de son âme. Il fallait qu'elle l'aide. Mais comment ? Elle n'avait aucune arme hormis le couteau en argent planté dans son corps.

Elle agonisait. Elle ne tiendrait plus bien longtemps si elle ne faisait rien. Et ils mourraient tous les deux. Ne pouvant plus esquisser un seul geste, il s'agissait là de la dernière solution.

—Je veux assurer la survie de tous. Je ne veux pas faire le mal. Et tous les deux, vous tenter de me tuer ? Pourquoi ? Qu'ai-je fait ? Avec Alanah, cette pérennité aurait été assurée pour de nombreuses années. Mais vous décidez de vous mettre en travers de ma route ! Nous étions si près du but... A cause de vous, nous risquons de tous y passer.

La jeune femme continua de réfléchir à grande vitesse. Ryan ne se réveillant pas, elle devrait agir seule. Ramper jusqu'à lui ne lui disait rien. Chaque inspiration prise était une torture. Une seule solution s'imposa dans son esprit lorsqu'elle remarqua que Démolian lui tournait le dos.

Alors elle décida de le faire. Brandon lui en voudrait mais tant pis. De sa main droite tremblante, elle saisit la garde du couteau en argent qui lui fendait la chair et le retira malgré elle en poussant des grognements de douleurs. La lame ensanglantée refléta les rares rayons lumineux présents dans la pièce avant de laisser le liquide s'écouler goutte par goutte sur le sol. Elle tint fermement l'arme par la lame. Il s'agissait de sa dernière chance. Une hémorragie risquait de la tuer sous peu, mais éliminer Démolian valait bien ce sacrifice. Ainsi, elle sauverait des innocents et terminerait ce que son père avait commencé. Un bel accomplissement. Qu'arriverait-il au portail une fois Démolian mort ? Ça, elle n'en savait toujours rien.

D'un geste, elle banda les muscles de son bras, leva le couteau comme si elle s'apprêtait à jouer aux fléchettes. Elle hésitait. Parviendrait-elle à le toucher ? Qu'adviendrait-il si elle échouait ?

En lançant, elle le saurait. Mais sa vue commença à se brouiller, l'empêchant de se concentrer.

Elle mobilisa toutes ses forces et les concentra dans son bras afin de propulser le couteau le plus rapidement possible pour atteindre Démolian à cinq mètres de là. Celui-ci vola à travers la pièce. Démolian le prendrait en plein cœur.

Mais d'un mouvement vif, Démolian fit volte-face et neutralisa l'arme grâce à son pouvoir. Amusé, il jeta un œil à Alanah et au sang qui maculait de plus en plus ses vêtements.

—Il vaut mieux ne pas me tuer ! Tu veux que j'abrège tes souffrances ?

Le couteau flottait désormais devant ses yeux, tel un oiseau battant des ailes. Alanah ne comprit rien à son charabia. Ses sens annihiler à cause de la perte de sang, elle ne vit que ses lèvres en train de bouger, ainsi que Brandon qui avec une force surhumaine parvint à se défaire de l'emprise du sorcier. Pas après pas. Grâce à elle, le roi avait relâché sa vigilance.

Epée brandie, il lui fonça dessus et lui planta l'arme dans le cœur, en lui déchirant au passage la colonne vertébrale. Un craquement sourd arracha un sourire à la face du tyran. Un bruit de succion leur indiqua que l'organe était transpercé de part en part. Les paroles vides de sens ne semblèrent n'en avoir que pour son propriétaire.

—Vous venez d'activer un processus que personne ne pourra stopper. Vous n'auriez pas dû. Vous allez tous mourir !

Un filet de sang s'échappa ensuite de sa gorge et de sa bouche, allant jusqu'à tâchée ses vêtements richement ornés.

—Même par-delà la mort... s'efforça-t-il de dire, je vous tuerai. Tout le monde... ne comprenez pas... gravité... des actes.

Son corps s'écrasa enfin sur le sol, face en avant. Ses yeux fixaient encore Alanah et se voilèrent d'une fine couche laiteuse au fil des secondes. Il était mort. Le tyran n'était plus, ils avaient gagné. Dès lors, des choses étranges se passèrent. Un instant, la demoiselle crut voir la magie du roi s'envoler dans les airs.

Alanah, désemparée, ne savoura pas la victoire qui leur était offerte et se recoucha, à bout de force. La chaleur disparue peu à peu de son être, engourdissant ses membres. Elle tremblait. Sa respiration de plus en plus saccadée lui tira quelques larmes.

Brandon se plaça à ses côtés, triste et apeuré. Elle sentit ses mains se plaquée sur sa plaie béante pour l'empêcher de saigner.

—On va te sauver !

—Je ne me sens pas bien du tout, murmura Alanah au bord du gouffre.

—Ne dis pas n'importe quoi. Tu es une battante. Tu dois rentrer chez toi, tu l'as oublié. Alors tiens le coup ! D'accord ? lui demanda le jeune homme dont la main caressait sa joue.

Une larme perla également sur la joue du jeune homme avant qu'elle ne perde connaissance sous ses yeux alarmés par la terreur. Alanah s'enfonça alors dans un abîme sans fond, sans lumière mais réconfortante. Le silence lui permit de se reposer. Elle n'avait plus à se battre. Elle partait, mais pas comme elle se l'était tant de fois imaginée.

Les Immortels - TOME 1Où les histoires vivent. Découvrez maintenant