Sauvage

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Assise sur cette surface tendre et molle, je me sentais terriblement bien. Je n'avais ni trop chaud, ni trop froid. J'étais entourée d'un cocon doux et moelleux. Mes muscles étaient détendus et il ne manquait plus qu'une douce musique pour faire une ambiance parfaitement cocooning.

Mon regard, quant à lui était perdu dans cette étendue de couleur. A la fois profonde et envoutante, elle me semblait presque irréelle. J'étais comme hypnotisée. Toutes ces teintes qui se mélangeaient, si froides et pourtant tellement réconfortantes...

_ J'ai trouvé ! Bleu anthracite, dis-je toute guillerette. Ce n'est pas ça ?

Exaspéré, l'elfe assit en face de moi semblait carrément au bout de sa vie. Son regard, bleu anthracite pour le coup, était torturé par mon incapacité à suivre la conversation. Il prit une grande inspiration avant de me répondre :

_ Je viens de te poser une question, et j'attends toujours la réponse Elyfaëlle.

Oui... cette question. Quelle était-elle déjà ? Je retroussais mon nez, pinçait les lèvres. En me concentrant bien peut-être allait elle revenir. Depuis combien de temps déjà il attendait ?

_Ne joue pas avec ma patience...

_ Nan, mais sérieusement, tu pourrais répéter parce que là ... je sais plus, demandais-je avec mon plus beau sourire.

C'est comme cela que je procédais lorsque je n'écoutais pas mes profs, parents ou autres et que je me trouvais en situation délicate. Thranduil faisait preuve d'un self contrôle impressionnant. Inspirant, expirant à chaque fois qu'il se sentait sur le point de craquer, il m'impressionnait. Jamais je n'aurai été capable de me supporter. Vraiment, je veux le numéro de son prof de Yoga ! Il n'était pas spécialement énervé ou alors j'avais vraiment une vision troublée de la situation. Cela faisait bien une demi-heure qu'il essayait de me sortir les vers du nez. Mais j'étais une pupille vraiment désobéissante, que grand mal lui fasse.

Je reposais mon regard sur ses yeux. J 'adorais ses yeux ! Dommage qu'il ne lui servait qu'à me lancer des éclairs... Comment un mec aussi canon, car il fallait bien se le dire les deux cousins ne me laissait pas tout à fait indifférente... Dans deux styles différents, j'avais l'impression qu'on me demandait de choisir entre mes deux desserts préférés : Coupe glacé au yaourt/crème de marron et mille-feuilles. Aucun point commun, mis à part que j'adorai les deux. Bref je disais, comment un mec aussi canon pouvait être aussi effrayant ? Il sortait de lui une espèce d'aura maléfique qu'il s'amusait a jeter sur moi... Persécution !

_ Elyfaelle ! Concentre-toi ! intervient Thranduil en me faisant redescendre sur terre. Je répète une dernière fois ma question " Que fais-tu là et pourquoi est tu dans cet état ?", reprit-il en articulant chaque mot comme si j'étais débile.

Je n'étais pas stupide... enfin je ne crois pas, j'étais légèrement alcoolisée. Pour tout dire, je me souvenais vaguement du moment où je m'étais enfuit parce que ces deux satanés canons elfiques ne voulaient plus m'avoir dans leurs pattes. Méchants !

J'avais donc couru, couru et encore couru. J'avais cru, pauvre naïve que j'étais, que comme dans les films un des deux allait me rattraper et dissiper ce malentendu... mais je n'étais pas dans un film. Et le prince charmant, je pouvais encore l'attendre longtemps.

Du coup j'avais fini par me retrouver seule devant la cuisine. Coïncidence ? Je ne crois pas non ! C'était vraiment la pièce que je savais retrouver peu importe où je me trouvais dans la demeure... Il faut dire que ça sent toujours extrêmement bon ! Et puis du coup, j'étais allée me plaindre à la cuisinière. Ça je m'en souviens très bien, elle m'a même dit que Thranduil avait un balai dans un endroit peu approprié... ou alors c'est moi qui ai dit cela ? Ça restera un mystère !

Ensuite, je me rappelle vaguement que je pleurais comme seule une femme désespérée sait le faire en dramatisant légèrement, mais cela reste entre nous bien sûr ! Et je crois que l'aide cuisinier ... Amlach ou Amrach, un truc du genre, avait ramené une bouteille d'un vin elfique divinement bon. Ça je m'en souviens très bien, elle avait une petite couleur ambrée et me chuchotait à l'oreille "aller, boit moi !". Alors je l'ai bu... et me voilà !

Bon, je n'allais quand même pas dire au prince elfique que je m'étais torché par caprice et que j'avais entreprit de venir lui dire ses quatre vérités en face avant de m'effondrer sur son lit. Ce n'était pas très digne, même pour moi ! Cependant, le voir totalement déstabilisé de me trouver sous ses draps aura eu le mérite de me faire rire. Aussi, je répondus ce qui avait de plus logique :

_Je sais plus, dis-je donc tout en essayant d'avoir l'air le plus crédible possible.

Qu'on se le dise tout de suite, ça n'avait pas marché. Mon charme irrésistible n'était pas à son beau fixe vu la quantité de vin que je venais d'ingurgiter. Et je devais plus ressembler à un de ses mecs qui regardent leurs pieds pour être sûr de marcher droit qu'à une femme fatale.

_Donc tu n'as aucune explication à me fournir ?

_ Perspicace Sherlock ! C'était mon ultime bafouille, répondis-je en pouffant de rire.

Thranduil se leva. Il se mit à quelques centimètres de moi, je me sentais alors toute petite. Enfuit sous les couvertures, j'avais l'impression de me cacher. Il posa ses mains sur mes épaules. Son visage vient se mettre juste à hauteur du mien... En temps normal j'aurai peut-être trouvé ça sexy mais pour l'instant il était plutôt terrifiant. C'était bien le problème avec cet elfe, on ne savait jamais sur quels pieds danser. Il était ... imprévisible.

_Sait tu qui je suis ? me demanda alors l'elfe soudainement.

Il était bourré aussi ou quoi ? Bien sûr que je savais qui il était. Ce n'est pas le genre de chose que l'on peut oublier facilement, même avec tout l'alcool du monde. J'acquiesçais donc à sa question, n'osant pas ouvrir la bouche. Je me sentais mal, le tournis commençait à me prendre.

Thranduil inspira, c'était son truc à lui ça, et commença à me hurler dessus.

_ Je suis ton prince ! Je suis ton tuteur ! Comment oses-tu te jouer de moi ainsi ? Comment oses tu venir dans mes appartements sans y avoir été convier ? Comment ose-tu donc te montrer dans un tel état alors que tu es sous ma responsabilité ! N'aurais-tu seulement une idée de l'image que tu donnes de moi ?

Je baissais la tête. Pendant qu'il continuait à crier, et à crier toujours plus fort. Ses mots résonnaient dans ma tête : inconsciente, immature, exaspérante...

_ Tu peux t'estimer heureuse de n'être pas dans mon royaume car ta nuit, tu l'aurais passé dans une cellule !

J'eus comme un déclic : Son royaume... Alors dans un élan de ... courage ? folie ? je répondis, je dis ce que j'avais sur le cœur, me mettant debout, faisant face à cet elfe arrogant, prétentieux, imbu de sa personne.

_ Alors que sa majesté soit heureuse de ne pas m'emmener dans son fameux royaume ! Ainsi ma vie comme la tienne sera beaucoup plus facile, je ne causerai plus de tort à personne. Et surtout plus aucun elfe arriéré, qu'il ait une couronne ou pas ne me donnera des ordres ! Vous et vos coutumes à la con je vous emmerde ! Vous me prenez pour une mal élevée, mais dans mon monde vous seriez tous perdus, vous passeriez pour des sauvages avec vos idées moyenâgeuses !J 'n'ai pas demandé à être là, j 'n'ai pas demandé à tomber sur vous ! J 'n'ai pas demandé à apprendre à me battre, à être une pupille, à être mêler aux nobles. Je n'ai pas demandé à m'attacher à vous ... Mes amis me manquent, ma famille me manque ! Tu comprends ça ? Je n'ai pas ma place ici ! Et je croyais... je croyais que j'avais trouvé une petite place à tes cotés et à ceux d'Aeglos ! Moi, je vous aime et vous ... vous voulez m'abandonner comme une vielle chaussette... Finis-je par dire en pleurant.

Mes larmes tombaient, encore et encore. Je n'arrivais même plus à distinguer le visage de l'elfe. J'avais mal au ventre, j'avais une boule dans ma gorge. Je voulais rentrer chez moi. Mes sanglots se faisaient de plus en plus fort. Ma tête tournait.

Je vis Thranduil approcher ses mains de moi. Je ne savais pas qu'elle allait être ma punition pour ce manque de respect des plus totale mais j'assumerai.

_Elyfaelle, je...

Je ne sus jamais ce que le prince voulu me dire. Prise d'une douleur insurmontable, je me cabrais en deux avant de vomir tout ce que j'avais bien pu avaler sur les pieds de Thranduil. Oups !

Sous le regard du printempsOù les histoires vivent. Découvrez maintenant